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Monsieur Ousmane Mamoudou Kane, ministre mauritanien des Affaires économiques et de la Promotion des secteurs productifs: «La Mauritanie a toutes les raisons d’être optimiste pour son avenir»

Diplômé de l’Ecole Polytechnique de Paris, Kane Ousmane a occupé plusieurs fonctions prestigieuses au niveau international et national. Ancien vice- président de la Banque Africaine de Développement, Gouverneur de la Banque Centrale de Mauritanie puis ministre des Finances, l’économiste a aujourd’hui en charge le ministère de l’Economie et de la Promotion des Secteurs Productifs. Dans cet entretien, il est question des perspectives et des performances économiques de la Mauritanie.

Malgré l’impact de la pandémie, qui a entrainé une récession en 2020, la situation macroéconomique de la Mauritanie est relativement bonne, avec des perspectives positives à court et moyen terme. Quel est donc le niveau d’endettement du pays?
Nous souhaitons toujours mieux, beaucoup mieux pour nos pays. Les niveaux de pauvreté qui y prévalent, les besoins en services de base de nos concitoyens, les effets des différents chocs exogènes de ces dernières années font que nous devons maintenir nos efforts et demeurer vigilants pour garder la maîtrise des fondamentaux de nos économies. S’agissant de la Mauritanie, nous nous félicitons du taux de croissance de 5,3% prévu en 2022 mais nous ne pouvons-nous en satisfaire. Pour ce qui est du niveau d’endettement de la Mauritanie, il faut rappeler que, très tôt, le Président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a fait de la saine gestion de la dette mauritanienne une priorité. Grâce aux efforts internes d’une part et à l’appui de certains partenaires d’autre part, elle est estimée à 42% du PIB en 2022. Le plus important est que la viabilité de cette dette devrait passer d’un risque de surendettement « Elevé » à « Modéré ».

Vous avez récemment signé une convention d’investissement d’environ 500 millions de dollars avec un groupe américain en marge du sommet USA-Afrique. Pouvez-vous revenir sur l’objet de cette entente ?
A l’instar de plusieurs pays africains, la Mauritanie fait de la sécurité alimentaire une priorité. En 2021, le Gouvernement a adopté une nouvelle approche en vue de la valorisation de son foncier rural. Il s’agit de mettre en places des partenariats entre les communautés locales et des investisseurs privés disposant des capitaux et de l’expertise nécessaires à la mise en valeur des terres. L’Etat intervient comme garant du respect des engagements pris par les uns et les autres. A Washington, le 16 décembre dernier, nous avons eu le plaisir de signer le premier accord dans ce sens : une société américaine se met d’accord avec une GIE mauritanienne pour valoriser 2.000 ha (extensibles), suivant des termes globalement avantageux pour chacune des parties. L’intention du Gouvernement est, aux côtés des petits aménagements agricoles qui continueront à bénéficier de l’aide publique, de multiplier de tels accords. Nous nous sommes organisés à cet effet. L’existence d’un potentiel foncier et hydrique important, l’intérêt manifesté par plusieurs investisseurs nationaux et internationaux et l’adhésion progressive des communautés locales nous font croire que cette approche du Gouvernement contribuera à un changement significatif de l’agriculture mauritanienne.

Quel pourrait être son impact social et économique à court, moyen et long terme ?
Il est reconnu que plusieurs pays africains, dont la Mauritanie, disposent de superficies importantes de terre arable, de l’eau et des conditions climatiques nécessaires pour nourrir bien plus que leur population. Comme le reste du continent, la Mauritanie manque de capitaux, d’expertise, tout comme elle a longtemps manqué de la gouvernance nécessaire à une valorisation optimale et durable de ce potentiel. L’accord signé à Washington est la preuve que le mode de gouvernance mis en place par le Gouvernement mauritanien est suffisamment rassurant pour amener les communautés locales et des investisseurs privés à s’entendre pour un partenariat de longue durée, avec des volumes importants d’investissement (en commençant par 30 M US$ dès 2023). Si, comme nous l’espérons, ce mode de partenariat se répand sur plusieurs zones cultivables du pays, la croissance économique du pays, l’emploi, la balance des paiements et le taux de sécurité alimentaire en bénéficieraient grandement. C’est aussi une excellente manière de fixer les populations dans leurs terroirs, et d’apaiser les querelles récurrentes autour des terres. Vous le voyez, il s’agit d’une réforme majeure.

La Mauritanie se prépare pour ses premières exportations du projet de gisement de gaz naturel Grand Tortue/Ahmeyin (GTA) . Qu’en est-il du fonds dédié aux hydrocarbures ? Quel pourrait être son utilité aujourd’hui et pour les générations futures ?
Le Fonds National des Revenus des Hydrocarbures (FNRH) a été mis en place par le Gouvernement en 2008 pour recueillir les revenus de l’Etat générés par les activités dans le domaine des hydrocarbures. Il s’agit d’un fonds d’épargne qui contribue en partie au financement du déficit du budget, le reste étant investi sur les marchés internationaux. Sa gestion est encadrée par un système de gouvernance que nous jugeons satisfaisant. La très prochaine mise en exploitation du gisement de gaz GTA devrait apporter des ressources nouvelles substantielles au Fonds. Cette perspective ne devrait cependant pas changer les raisons qui ont conduit à la création du FNRH. La deuxième partie de votre question suggère que le surplus d’actif à investir devrait être très important. Nous le souhaitons. Mais cela ne justifierait pas le changement de la formule actuelle.

La Mauritanie cherche à avoir une natation financière qui lui permettra de mesurer sa solvabilité. Est ce qu’une volonté ou politique de s’ouvrir beaucoup plus aux argentiers pour financer les projets en perspective ?
La Mauritanie cherche tout simplement à mieux s’intégrer dans le système financier international et, au besoin, à en tirer les avantages.

Quels sont les perspectives économiques de la Mauritanie à l’horizon 2030?
Il a été dit plus haut que la dette mauritanienne n’est désormais plus un boulet même s’il faut continuer à la surveiller, que les réformes introduites dans le mode de gestion du foncier rural offre de très bonnes perspectives pour la croissance et l’emploi, que l’imminente entrée en production du gisement gazier de GTA apporterait d’importantes ressources au Trésor Public. A cela il faut ajouter, la volonté du Gouvernement et les décisions déjà prises pour moderniser l’élevage et la pêche, d’augmenter la production minière (fer, or, uranium), de développer la filière Hydrogène Vert, de davantage s’ouvrir à l’investissement privé, de poursuivre les réformes sur le capital humain (investissements importants dans l’Education Nationale et la Formation Professionnelle) et la bonne gouvernance, etc… Disons que la Mauritanie se met dorénavant en position de tirer profit de ses nombreuses et importantes potentialités économiques. Certes, nous sommes vulnérables à un ensemble de chocs exogènes tout à fait imprévisibles, mais, Grâce à Dieu, nous avons toutes les raisons d’être optimistes pour l’avenir économique de notre pays.

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