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Colloque – HAPA : « la démocratie est un processus dynamique et évolutif »

« Les garanties de la transparence et de l’intégrité des élections », c’est le thème d’un colloque organisé par la Haute Autorité de la Presse et de l’Audiovisuel, et qui s’est ouvert, mercredi 10 mai à Nouakchott. Deux jours durant, des politiques, des membres de la société civile et des professionnels des médias discuteront des éléments nécessaires, au bon déroulement du processus électoral. L’activité se tient avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le Développement.

A l’aube des élections générales du 13 mai 2023, la HAPA convie les différents acteurs du processus électoral, autour d’une table, pour passer en revue l’arsenal juridique, les stratégies saines de mobilisation et de participation citoyenne, entre autres. Afin de cadrer les débats, des sessions thématiques sont programmées.

La session une de la première journée était consacrée aux « normes et réglementation électorales pour garantir la transparence des élections ». Deux conférenciers étaient à l’affiche. Il s’agit du Dr Mohamed Lemine Dahi, Professeur d’Université et vice-président de la Commission électorale nationale indépendante et du Dr Abdoulaye Doro Sow, sociologue et Professeur d’Universités. La séance quant à elle a été présidée par Dr Bekaye Ould Abdel Malick, Professeur d’Université, Président du Mécanisme National de Prévention de la Torture.

Processus électoral : état des lieux

En sa qualité de constitutionnaliste, Dr Dahi est revenu sur la situation qui prédominait au lendemain des indépendances, avec l’hégémonie du parti unique. Il a rappelé qu’à cette époque, il y avait des élections certes, mais pas de compétition. Cette situation a prévalu jusqu’au coup d’état de 1978. Il s’en est suivi une période d’exception, qui a pris fin à l’avènement de la constitution de 1991, du multipartisme et de l’embryon d’une presse privée libre.

Le conférencier a rappelé que les scrutins organisés entre 1992 et 1996 ont tous été contestés ou boycottés par l’opposition. Cela était en partie causé par l’absence d’un fichier électoral fiable. Ce déficit organisationnel sera résorbé à la suite du premier recensement à vocation électoral, en 1998. Celui-ci a été possible grâce à la mise en place d’un secrétariat d’État à l’état civil ainsi que l’établissement d’une carte nationale d’identité sécurisée, a expliqué Ould Dahi.

Le juriste a par ailleurs évoqué la transition de 2005, qui a permis la mise en place de nombreuses institutions, qui concourent à garantir la participation plurielle et la transparence. De ce fait, la CENI sera créée, la HAPA verra le jour, entre autres organismes qui jouent un rôle pivot dans le déroulement des élections. Il s’en est suivi une parenthèse démocratique qui sera interrompue par un coup d’état. Dr Dahi a souligné que les scrutins de 2009, de 2013, 2014 et 2018 ont été contestés et/ou boycottés, notant qu’en 2022, une petite révolution a eu lieu dans la mesure où les acteurs se sont concertés pour aboutir à un accord politique.

Ould Dahi qui espère que les élections à venir se dérouleront dans un climat saint, a affirmé que la démocratie n’est en rien un modèle achevé. Il est question d’un processus évolutif et adaptable au quotidien en tenant compte des conditions de vie des populations.

Rétablir la confiance du public

Albert Camus aimait dire que « le démocrate est celui qui admet qu’un adversaire peut avoir raison, qui le laisse s’exprimer, et qui accepte de réfléchir à ses arguments ». C’est aussi le sens de l’intervention du Professeur Sow, qui a donné des pistes sur comment obtenir l’adhésion du public, en prélude d’une élection. Il a estimé que la démocratie, va au-delà du simple fait de voter, bien que cela soit un aspect important. A l’acte du vote, il faut ajouter « la promotion d’une culture citoyenne » et un code moral.

Pour le sociologue, dans les démocraties apaisées, on se bat sur le terrain des idées. Afin d’y parvenir, il convient de résoudre un problème de taille, auquel font face les acteurs politiques. Il s’agit de la représentativité. Le professeur a attiré l’attention sur le fait que les partis, dans leur majorité, sont cantonnés à Nouakchott, et suggère en lieu et place, qu’ils se rapprochent des populations en allant vers eux.

Le professeur plaide pour que les politiques acceptent le débat contradictoire, car la conquête du pouvoir politique, doit se faire à travers des stratégies non violentes, qui se matérialisent par des promesses de réalisations futures. En outre, il a appelé à sanctifier les procédures juridiques de contestation politique. Selon lui, si on va aux élections, il faut aussi accepter de se plier aux règles du jeu, auquel on participe en toute connaissance de cause.

Pour rétablir la confiance du public, le professeur pense que l’on doit promouvoir les valeurs d’équité et de méritocratie, afin de permettre aux meilleurs d’entre nous, d’accéder aux responsabilités, car le choix d’un acteur politique de qualité, a des incidences sur sa future gestion de la chose publique. Il a exhorté l’assistance à bannir les pratiques qui facilitent l’accaparement du pouvoir politique sur la base de la féodalité et du communautarisme. D’après lui, le débat d’idées et le contradictoire doivent prévaloir. Enfin, il a tenu à indiquer que le « boycott des élections n’est pas une vertu républicaine ».

La deuxième session qui s’est déroulée dans l’après-midi a été consacrée au « dialogue entre les différents acteurs au cours des processus électoraux ». Là encore, deux intervenants sont programmés. Il s’agit de Mme Atikatou Dieng, économiste, Présidente de l’Alliance citoyenne et le M. Mohamed Ould Sidi Dit Bedena, Expert électoral. La séance a été présidée par Dr Moustapha Fati, Professeur d’Université et conseiller au commissariat aux droits de l’homme et à l’action humanitaire.

Culture de la paix sociale

Durant sa présentation, Mme Atikatou est revenue sur la liste des acteurs principaux du jeu démocratique, rappelant les responsabilités et missions de chacun. Elle a partagé avec l’assistance sa définition de la démocratie, qu’elle schématise ainsi : la démocratie c’est le pouvoir du peuple, qui le délègue à une élite, pour gouverner en son nom. Poursuivant, elle a expliqué la démocratie a besoin d’un cadre, qui permet aux différents acteurs de dialoguer, d’exercer cette liberté.

Mme Dieng a par ailleurs exposé sur le rôle des médias, dans la conscientisation des populations, à travers l’éducation à la citoyenneté. Celle-ci doit avoir eu lieu avant les élections, pendant les élections et après les élections a-t-elle précisé.

Par ailleurs, Mme Dieng a longuement parlé de la culture de la paix et de la tolérance, qui sont des préalables à un dialogue productif. Selon elle, le vivre ensemble doit se refléter dans le partage équitable des richesses. Elle a ajouté qu’un cadre harmonieux, concoure à outiller les citoyens, soulignant que des contestations bien que possibles, le seront via les leviers que la loi a prévu. Mme Dieng a indiqué que s’armer de bonne foi est l’une des conditions, pour qu’un dialogue puisse aboutir à des résultats qui répondent aux aspirations de tous.

Pour Mme Dieng, malgré leurs différences, les acteurs doivent se compléter et être ensemble pour une cause commune. Enfin, elle a relevé que la culture de la paix est un travail de longue haleine.

A sa suite, M. Bedena a présenté de long en large le cadre juridique des élections en Mauritanie. Il a ainsi disséqué le processus électoral à partir du point de vue du droit. Au passage, il a rendu hommage à son collègue, feu Ahmed Salem Ould Boubout, avec qui il avait élaboré cette communication.

A noter que la deuxième et dernière journée, sera articulée autour de deux conférences. La première a trait à la régulation des médias. Elle sera faite par M. Hussein Ould Meddou, Président de la HAPA. La seconde concerne la lutte contre la désinformation. Elle sera présentée par M. Heiba Cheikh Sidaty, Directeur de l’Agence Alakhbar Info. Enfin de journée, le rapport de synthèse élaboré par M. Dia Cheikh Tidjane et M. Medella Bellal, tous deux membres du conseil de la HAPA, sera présenté à l’assistance.

Synthèse : Amadou SY ami