Les Nouakchottois l’ont constatĂ©. Un discours contestataire  est en train de faire son chemin au sein de la communautĂ© des forgerons. Des Ă©criteaux Ă©taient subitement apparus sur les murs de Nouakchott, il y a plus de deux mois de cela, demandant plus de considĂ©ration pour cette communautĂ© et l’arrĂŞt de sa marginalisation.    
					                       
                                         Puis, une structure dite «l’initiative des forgerons pour la lutte contre la marginalisation» a vu le jour et commencĂ© Ă  donner des confĂ©rences de presse,  dont la dernière le  8 dĂ©cembre 2012 Ă  Nouakchott. Que disent les organisateurs de cette initiative? Eh bien, comme TPMN, ils disent que l’anniversaire de l’indĂ©pendance (28 novembre)  leur rappelle l’injustice dont est victime leur communautĂ©. Ici, la comparaison releve bien Ă©videment du sentiment d’injustice et non de la nature de celle-ci, car pour TPMN le 28 novembre, c’est le souvenir des affreuses pendaisons d’Inal.  
En prĂ©sence du secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’initiative, Mohamed Lemine Ould Wavi,  son prĂ©sident,  Cheikh Ould Beiba a mis en garde  contre  la colère de milliers de forgerons face Ă   leur  marginalisation , laquelle,  pourrait conduire la Mauritanie au modèle somalien.   
«C’est pour lutter contre la marginalisation de cette communauté qui représente 20% de la population mauritanienne que nous avons créée cette initiative» a précisé Ould Beiba . Et les organisateurs d’enchainer avec d’autres griefs notamment l’exclusion des forgerons des postes politiques, administratifs et des élus.  
«Sur plus de 200 maires Ă©lus, il  y a pas un seul forgeron. Nous lançons ici des messages pacifiques mais si rien n’est envisagĂ©  pour notre communautĂ© nous descendrons dans la rue pour laver l’humiliation de notre communauté»,  a prĂ©venu Ould Beiba laissant entendre que les forgerons pourraient bien s’inspirer des modèles de lutte de IRA et TPMN en pointe sur les questions de l’esclavage et sur les  prĂ©occupations des negromauritaniens.  StigmatisĂ©s et mĂŞme raillĂ©s dans l’imagerie populaire, les forgerons ne tombent pourtant pas du ciel!  Ils  sont  d’authentiques Maures d’origine sanhaji, arabe ou africaine et ont toujours constituĂ© une caste spĂ©cialisĂ©e au sein des diffĂ©rentes tribus de l’anarchiste ensemble maure, oĂą tout y Ă©tait vague, imprĂ©cis et flottant  depuis les Sanhaja et les Beni Hassanes,  jusqu’à la pĂ©nĂ©tration coloniale en 1900.  
A quelques rares exceptions, ces ensembles n’avaient pas de territoire gĂ©ographiquement et politiquement dĂ©terminĂ©s. Ils dĂ©testaient mĂŞme, la ville. Le groupe n’était en fait qu’une agglomĂ©ration de races  et de tribus diverses. Les tribus se dispersaient et se rĂ©pandaient en groupements diffĂ©rents, instables, remuants, vagabonds, indĂ©pendants et dĂ©sordonnĂ©s oĂą seuls, les chefs rĂ©gnaient par la force,  nous renseigne  un administrateur des colonies, George Poulet dans son excellent ouvrage «Les Maures de l’Afrique occidentale française» paru en 1904.  
Dans cet univers,  prĂ©cise-t-il,  les marabouts impuissants,  les tributaires et les castes opprimĂ©es (dont celle des forgerons)  y Ă©taient rĂ©signĂ©es et  Ă  la fois, mĂ©langĂ©es et distinctes.  Au niveau du mental collectif, les choses ne semblent pas avoir Ă©normĂ©ment  Ă©voluĂ©, un siècle après que l’école eut supplantĂ© la mahadra, et  l’Etat,  le chef de tribu ou de... gang.  
Elles sont en grande partie restĂ©es ce qu’elles Ă©taient du temps de la Badiya.  D’ailleurs mĂŞme après l’Etat-Nation  et au grĂ© des changements politiques, la stigmatisation touche de temps Ă  autre des groupes qui ne le furent  pas historiquement.  C’est pourtant  grâce au travail et au gĂ©nie incontestable de la caste des forgerons, que nous avions eu les mors, les Ă©triers, les sabres, les bijoux, les calebasses, les pipes, les briquets, les portes, les lits, le cuir travaillĂ© et bien d’autres produits qui font notre patrimoine et notre fiertĂ©.  Mais pourquoi sommes nous si fiers du produit,  et pas de celui qui l’a produit? Une question  qui rĂ©sume, parmi tant d’autres,  nos contradictions. IOM                      
                    
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