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Guerre du Sahara: La Bataille de Boujertala

A la fin du mois de Novembre 1976, le commandant du Secteur 6, Le commandant Mohamed Khouna Ould Haidalla reçoit un message de l’Etat-major National, l’informant de la présence d’éléments du Polisario effectuant des exactions sur les citoyens mauritaniens dans la région de Boujertala. Les moyens du secteur 6 étant insuffisants pour une mission punitive, l’Etat-major National décide de renforcer le secteur en équipements et matériels de guerre. Le commandant Haidalla se rend en liaison administrative à Nouakchott et rencontre le Chef du Quatrième Bureau, le Commandant Ahmedou Ould Abdellah qui lui octroie un renfort de 12 Land-Rovers (LR), une citerne, et une Jeep avec un canon de 106 m/m sans recul.
Dès son retour à son Poste de Commandement (PC), le commandant du Secteur 6 monte un détachement composé de cinq éléments : une section logistique composée d’une citerne à carburant et 4 camions, 1 peloton de combat avec 1 Jeep et 4 LR commandé par l’Adjudant Sidi Mohamed Ould Cheikh Ould Jeddou, un peloton de combat composé de 4 LR commandé par Brigadier-chef Be Ould Bneijara, un peloton de combat de 4 LR commandé par l’Adjudant Ney Ould Abdellahi et un peloton de commandement de 4 LR commandé par le Sergent Youssouf Ould Zergane.
Le 07/12/76, le détachement, sous les ordres du commandant Haidalla, entame un mouvement de reconnaissance en direction de Boujertala et passera la nuit entre Chinguetti et Ouadane. Le lendemain le détachement continue son mouvement et passe la nuit à Elghallawiya. Le 9 Décembre, vers 05 heures du matin, après avoir laissé à El Ghallawiya la logistique sous les ordres du S/lieutenant Abderrahim Ould Sidi Ali, le détachement reprend son mouvement pour arriver vers 16 heures 30 aux environs du puits de Boujourtala où les unités tombent sur un troupeau de chameaux dont le berger s’était caché et relèvent des traces fraîches de véhicules. Le berger débusqué confirmera la présence d’éléments du Fpolisario qui étaient au puits il y a moins d’une trentaine de minutes et qui se sont dirigés vers le nord.
De nouveau, reprise de la progression en ambiance sûreté sur les traces des véhicules. Peu après la reprise du déplacement, le terrain change de contexture avec la présence massive d’Askaf et le détachement change son dispositif et adopte une formation par éléments successifs, en tête le peloton de l’Adjudant Sidi Mohamed, suivi de celui de Be Ould Bneijara, puis l’élément du commandement et le peloton de Ney en serre-file. Haidalla continue d’insister sur la prudence, mais c’était sans compter sur la fougue de l’adjudant Sidi Mohamed enivré par la musique de Vaghou que distillait son magnétophone Sony en bois rouge flambant neuf fixé sur sa jeep à côté du vieil ANGRC9 qui assurait la liaison avec le commandant de Secteur.
Après un moment, l’élément d’éclairage rend compte de la présence d’une LR sur une dune droit devant lui. Visiblement l’ennemi avait décelé la présence du détachement et avait envoyé un véhicule-appât pour les attirer dans une embuscade. La progression reprend et, le peloton d’éclairage dont le chef ayant encore frais dans sa mémoire les événements de MIJIK semblait impatient d’en découdre avec l’ennemi. Le peloton remonte rapidement la pente de la dune où se trouvait le véhicule ennemi quelques minutes plus tôt.
Au moment d’entamer la descente en contrepente, l’ennemi ouvre le feu. Le peloton réussit à manœuvre pour se soustraire au feu nourri de l’ennemi, tombe en garde à défilement de véhicule, engage la riposte et le chef du peloton rend compte au Commandant de secteur de la situation. Les hommes du peloton débarquent, se postent et ripostent. Le commandant de Secteur se porte au niveau du peloton d’éclairage en accrochage, fait déployer le peloton de Bneijara sur l’aile gauche du dispositif et conserve le peloton de Ney pour assurer la couverture sur les arrières du détachement.
L’ennemi était articulé en deux échelons : des hommes débarqués en première ligne et les véhicules équipés de canons B 10, de Canons de 75M/M et de mitrailleuses douchka de 18,8 m/m, en deuxième échelon. Le deuxième échelon de l’ennemi dont l’équipement était techniquement et numériquement supérieur à celui du Secteur 6, installé à une distance hors de portée des Mas 36 des combattants amis, assurait l’appui feu à ses hommes à terre.
Le Secteur 6 faisait face à un ennemi de la valeur d’une trentaine de véhicules. Malgré le rapport de force défavorable, le secteur 6 tiendra tête à l’ennemi de 17 heures au lendemain à 04 heures du matin. A plusieurs reprises, les contre-attaques ennemies échouent face aux ripostes déterminées des éléments du détachement bien accrochés au terrain.
Pendant 10 heures de combats violents, le commandant Haidalla sera omniprésent sur tout le front de son dispositif, apportant individuellement aux hommes dans leurs emplacements de combat des compléments en munitions, des vivres et du thé qu’il préparait personnellement, les encouragent et les incitant à l’économie des munitions. Malgré tout cette corvée inhabituelle, Le commandant Haidalla, ce meneur d’homme exceptionnel continuait de coordonner les actions de ses pelotons et à suivre en permanence l’activité de l’ennemi et l’évolution de la situation. Les action dynamiques n’étant tactiquement pas recommandées de nuit, Haidalla évitera les manoeuvres de nuit.
Vers 04 heures du matin, l’ennemi après avoir lancé des fusées éclairantes pour aveugler son adversaire se replie vers le Nord. Les hommes du Secteur 6 resteront dans leurs emplacements jusqu’au lever du jour.
Bilan provisoire
Amis : 1 mort, 5 blessés et 2 disparus.
Ennemi : : 16 morts dénombrés, matériels récupérés : 1 LR, une Arme antichar et de l’armement léger.
Après le ratissage effectué , le détachement découvre une LR calcinée et une fosse commune de combattants ennemis. Les deux hommes, déclarés disparus la veille, seront retrouvés blessés. Ensuite, le commandant secteur fait venir la logistique d’El Ghallawiya et demande à l’Etat-major National demande l’envoi d’un avion armé à la première heure sur Boujourtala. L’avion, piloté par le Commandant Kader, rattrapera la colonne ennemie éprouvée et lui infligera de lourdes pertes. La logistique rejoint, les pelotons sont remis à niveau et le détachement rentre à son PC à Atar.
A l’issue de cette opération, le Commandant Haidalla, le commandant Kader, l’adjudant Sidi Mohamed, l’Adjudant Ney et le brigadier-chef Bneijara seront nommés à titre exceptionnel aux grades supérieurs. En outre, ont été nommés à la distinction de 1ère Classe, à titre exceptionnel, les soldats de 2 ème Classe Dah Ould Alada et Sidi Ould Nebbi.
Mohamed Lemine Ould Taleb Jeddou
Extrait de « La Guerre Sans Histoire »