REVISION DES DONNEES ECONOMIQUES 1992 – 2004   
03/07/2006

Introduction

1. Au cours de la dernière décennie, les autorités mauritaniennes ont eu régulièrement recours à la communication d’informations erronées. Cette pratique s’est accélérée au cours de la deuxième moitié des années 90 où des politiques de stabilisation macroéconomique et d’ajustement structurel devaient être poursuivies dans le cadre des différents programmes négociés avec les partenaires, notamment le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Tout en souscrivant à des engagements de performances économiques, à la fois qualitatives et quantitatives, les autorités poursuivaient les dérapages, notamment budgétaires, et présentaient à leurs partenaires des résultats différents de la réalité.



2. Cette pratique a, en particulier, eu deux conséquences majeures. La première a consisté dans le fait que la gestion macroéconomique est devenue de plus en plus inadaptée à la situation réelle, souvent avec le conseil de partenaires abusés, conduisant à prendre des mesures encourageant les déséquilibres au lieu de les combattre (politique budgétaire expansionniste, politique monétaire accommodante, régime de change inapproprié) avec des impacts négatifs sur la stabilité macroéconomique et sur la croissance. La seconde est d’obtenir des décaissements sur la base de données erronées donc en contradiction avec les règles fixées par des institutions dont la Mauritanie est membre et est tenue de s’y conformer. A cet égard notre pays a dû rembourser, en 2004, le premier décaissement au titre de la FRPC de 2003 ainsi que deux autres décaissements obtenus en 2002 dans le cadre de la FRPC 1999-2002 et remboursés en mai et juin 2006.

3. L’arrivée d’une nouvelle équipe du FMI à partir du milieu de l’année 2003 et la conduite d’une mission d’évaluation des mesures de sauvegarde en janvier 2004 avant la fin de la première revue du nouveau programme ont mis en évidence que les données communiquées étaient erronées. En effet, seuls 15% des réserves extérieures de la BCM à fin 2002 pouvaient être confirmées et cela semblait plus en cohérence avec les déséquilibres perceptibles sur le marché de change. A partir de cette date, le dialogue avec la communauté financière internationale allait devenir plus compliqué pour les autorités en place.

4. En effet, les services du FMI ont défini comme préalable à l’achèvement de la première revue du dernier programme soutenu par la Facilité de Réduction de la Pauvreté et de Croissance (FRPC), et donc à la poursuite de relations formelles, un audit spécial des réserves extérieures de la Banque Centrale par un cabinet de réputation internationale à la fin des années 2002 et 2003. Il semblait évident qu’il n’y avait plus que deux possibilités pour ces autorités : (i) aller dans le sens requis par les services en restaurant la vérité sur l’évolution historique, ou (ii) poursuivre dans une situation de blocage dans le dialogue avec la communauté financière internationale.

5. Malheureusement, la seconde option fut privilégiée en son temps. Par la suite, elle a été légèrement améliorée en autorisant une révision de données permettant de restaurer la situation réelle à partir de la deuxième moitié de l’année 2004 de façon à mieux gérer l’économie réelle tout en maintenant les données inchangées à la fin de l’année 2002. L’ajustement brutal des écarts historiques sur les années 2003 et 2004 ne pouvait que contenir des incohérences aussitôt identifiées par les services du FMI, notamment sur les évolutions monétaires et sur l’épargne, et ne répondait pas au souci de cette institution de clarifier la situation des réserves extérieures à fin 2002. Ainsi, au cours de son conseil d’administration tenu le 27 mai 2005, cette institution a fait de la clarification des données sur la période 2000-02 et de l’audit externe des états financiers de la Banque Centrale une condition préalable pour tout accès aux ressources du FMI. Le blocage avec la communauté financière internationale se poursuivait.

6. C’est dans ce contexte qu’est intervenu le changement du 03 août 2005. Le Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD) a mis fin au régime précédent et instauré un gouvernement de transition dont les trois principaux objectifs sont de (i) jeter les base d’une démocratie réelle en organisant des élections libres, honnêtes et transparentes, (ii) réformer les institutions judiciaires et (iii) entreprendre une politique de bonne gouvernance. Les nouvelles autorités ont rapidement considéré que la clarification de données et l’instauration d’un dialogue basé sur la confiance avec la communauté financière internationale sont des mesures clés de gouvernance et un moyen de parvenir aux objectifs fixés. Ainsi, dès septembre, le gouvernement de transition a pris la décision de communiquer les données réelles au Fonds Monétaire International, ce qui fut fait en novembre 2005.

7. Cette décision salutaire a permis à la Mauritanie de maintenir son éligibilité pour l’annulation de la dette dans le cadre de l’initiative pour l’allègement de la dette multilatérale et de restaurer le dialogue avec la communauté financière internationale et notamment avec le FMI. En effet, le gouvernement a pu négocier et mettre en place un programme suivi par les services du FMI qui devra déboucher sur une facilité pour la réduction de la pauvreté et de la croissance.

8. Toujours dans le cadre de la bonne gouvernance, les autorités ont décidé de préparer un rapport retraçant l’évolution économique sur la période 1992-2004. L’objectif de ce rapport est triple : (i) réécrire l’histoire économique récente de la Mauritanie et en informer tous les acteurs nationaux et les partenaires, (ii) construire des séries longues et fiables pour permettre le développement de l’analyse macroéconomique et (iii) attirer l’attention de tous sur les dangers des pratiques passées en vue de construire une immunité future contre la manipulation de données.

9. Le présent rapport donne d’abord une appréciation globale de l’évolution macroéconomique sur la période 1992-2004. Puis, les chapitres suivants présentent de façon plus détaillée les évolutions du secteur réel, des finances publiques, de la situation extérieure, de la monnaie et du crédit, du secteur financier et des indicateurs de pauvreté monétaire.

 

1. Appréciation globale de l’évolution macroéco,omique

1.1. Evolution réelle

10. Le principal enseignement à tirer de l’évolution macroéconomique récente porte sur l’ampleur des déséquilibres budgétaires. En effet, le déficit public, hors dons, se situe en moyenne à 7,4% du PIB sur la période 1993-2004. Les déséquilibres se sont fortement dégradés sur la période 2000-2004 où ce déficit se situe en moyenne à 11,0% et le taux de dépenses s’envole pour passer de 25,1% à 37,7% du PIB de 1999 à 2004 en passant par un pic de 47,2% en 2003.

11. La dépense publique a été tirée en particulier par des dépenses extrabudgétaires qui ont progressé en moyenne de 23,6% par an sur la période 1995-2004 avec un pic en 2003, où le poids de ces dépenses a atteint 41,9% de la dépense totale, en raison de la mise en place du plan d’urgence. Ces dépenses - qui posent un sérieux problème de transparence et montrent que les lois de finances n’étaient pas systématiquement appliquées - ont profité essentiellement aux dépenses militaires, aux subventions et à l’investissement sur ressources intérieures. En effet, les dépenses militaires ont progressé de 21,2% sur la période passant de 13% à 18% des dépenses de fonctionnement entre 1995 et 2004. De même, celles relatives aux subventions se sont accrues de 22,4% et les dépenses d’investissement intérieur et de restructuration de 24,6% sur la période sans pour autant qu’il y ait eu une amélioration de l’épargne budgétaire. Au cours de cette période, le poids des dépenses salariales a régressé en raison des restrictions dans le recrutement dans la fonction publique et à la dégradation du salaire réel.

12. La croissance Ă©conomique rĂ©elle s’est situĂ©e en moyenne Ă  3,4% par an sur la pĂ©riode 1993-2004 avec une progression supĂ©rieure Ă  la moyenne de secteurs liĂ©s Ă  la dĂ©pense de l’État, tels que le BTP (+9,2%) et les administrations publiques (+4,6%). En outre, la pĂ©riode a connu Ă©galement une forte expansion du secteur des services suite aux rĂ©formes structurelles conduites notamment dans le secteur des tĂ©lĂ©communications dont la croissance est la seule Ă  s’établir Ă  deux chiffres sur la pĂ©riode (+10,8% par an pour la branche des transports et tĂ©lĂ©communications). Le secteur primaire a reculĂ© sur cette pĂ©riode et la croissance des industries extractives (+2,7%) est restĂ©e en deçà de la moyenne.

13. L’analyse de la demande montre que la croissance a été tirée principalement par l’absorption intérieure notamment la dépense publique et l’investissement privé sur les dernières années en raison du développement de l’activité pétrolière. L’efficacité des investissements mesurée par l’ICOR reste faible.

14. Les effets de la politique budgĂ©taire expansionniste suivie entre 1992 et 2004 ont Ă©tĂ© aggravĂ©s par une politique monĂ©taire très accommodante. La masse monĂ©taire s’est ainsi considĂ©rablement accrue progressant Ă  un taux annuel moyen de 15% largement supĂ©rieur au taux de croissance du PIB nominal. Son niveau a Ă©tĂ© multipliĂ© par 5 entre 1992 et 2004 en raison principalement de l’expansion du crĂ©dit Ă  l’État qui s’est accru en moyenne Ă  un rythme de 22,4% largement supĂ©rieur Ă  celui de 10,4% enregistrĂ© par le crĂ©dit au secteur privĂ©.


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