L’économie mauritanienne expliquée à ma grand-mère   
29/05/2006

La croissance est-elle bien là? Sera-t-elle au rendez-vous, comme le laissent croire les prévisions? On peut se poser la question, au vu des brillants résultats que prophétisent les économistes, alors que l’inquiétude des ménages gagne du terrain. Les inégalités sociales sont encore présentes avec insolence, l’inflation non maîtrisée. Qu’en est-il du déficit public ? Du Commerce, des fiscalités, du taux de change? Notre pays ne vit-elle pas au rythme de prévisions économiques incertaines ?



La vraie «vérité» est de savoir quelle sera l’évolution des revenus du mauritanien dans les mois à venir malgré les récentes hausses des salaires dans le public. En effet le pouvoir d’achat des ménages était déjà maigre (-0,2%) et il est en train de se réduire telle une peau de chagrin. Il semble que les chômeurs vont devoir supporter encore une pression plus forte. Du reste les ménages interrogés avouent leurs préoccupations concernant leur situation financière : l’indicateur résumé, montre que leur moral a reculé, tandis que l’opportunité d’acheter a baissé (les prix des denrées de première nécessité sont forts), celle d’emprunter de l’argent n’existe guère à cause des taux d’intérêt élevés auprès de nombreuses banques nationales.
Dans ce cas, comment faire des prévisions sereines pour 2007 dans le climat actuel d’incertitude caractérisé par des arrières pensées électoralistes? C’est le challenge auquel, nos économistes publics et privés doivent s’atteler à cette mi-année 2006, bien morose sur le plan du moral des ménages et des populations.
D’une part, il y a des variables exogènes comme le pétrole qui conditionne l’allure du commerce mondial. Or, notre pays ne profite pas du dynamisme du commerce international. Car ce dynamisme commercial est tiré essentiellement pour moitié par les pays émergeants comme la Chine et l’Inde dopés par la hausse des matières premières, alors que la Mauritanie ne produit du pétrole que depuis quelques mois.
En réalité, nos exportations ne progressent pas non plus. Ce que l’on constate lorsque le prix du baril du pétrole monte, c’est que le marché interne mauritanien dominé par des compagnies qui achètent, les dépenses des ménages connaissent la bougeotte vers le haut par le coût du transport interurbain ou entre régions, ou bien encore pour le payement des factures d’électricité. Un paradoxe.
D’autre part, il y a des variables endogènes comme le taux de change de l’ouguiya, la consommation des ménages, l’investissement des entreprises. Là, un gros problème interne se pose, car la demande interne ne peut être presque jamais prise en compte dans les statistiques économiques pour dresser un tableau de la vraie situation de notre situation économie. Donc la croissance, si croissance il y en aura en Mauritanie, ne pourrait venir que de la vente du pétrole. La vérité est amère. Les vrais faits économiques sont là : les entreprises étrangères ne font que commencer à investir, les grands commerçants et les grandes fortunes thésaurisent, le revenu des fonctionnaires ne progressent pas à l’aulne du niveau de vie national, l’emprunt bancaire et l’épargne sont absents, les prix des logements se sont envolés de plus de 50% par endroit dans la capitale.
Une fois de plus, on en revient à l’éternel constat macro-économique de notre économique: c’est l’amélioration de la production qui est, de toute évidence, le gage de la croissance la plus vertueuse et la plus durable. Tandis que cette amélioration, elle fait cruellement défaut à notre économie nationale. Ainsi, il ne sert à rien de se rassurer sur les prévisions concernant notre vente de pétrole en négligeant de relever les résultats de nos entreprises et de la dynamique interne de consommation des ménages, du secteur informel, ainsi que l’investissement direct étranger.
Actuellement, la prévision du taux de croissance pour 2006 et 2007 repose en grande partie, sinon uniquement sur les possibles bons chiffres de la rente pétrolière. Nous risquons de tomber si haut en 2007, si le baril de pétrole enregistre une baisse considérable (ce qui est, il est vrai, peu probable).
Quelle économie nationale performante ne repose pas sur l’investissement direct étranger (IDE), sur la performance de ses industries, de ses entreprises, sur la consommation des ménages ? En Mauritanie, l’industrie est en retard sur la reprise économique envisagée dans les années à venir. Elle attend encore sa véritable révolution. Enfin, sans un code de conduite budgétaire, il ne peut y avoir de croissance et de développement.
Cet axiome régit les finances publiques, et conduit à une stabilité économique synonyme de croissance.
Allez expliquer à ma grand-mère ce que signifie une croissance macro-économique qui ne se traduirait pas par l’amélioration du panier de la ménagère ! Elle vous dira que c’est de la daube de singe savant. l
Par El Hadj Cissé dit Popèye
cisse25@yahoo.fr


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