DĂ©ficit public et taux de change : Les causes des glissements sont-elles seulement structurelles?   
29/05/2006

« Tahalil Hebdo» publie, ici, un autre extrait de «Les nouveaux défis de l’Ouguiya» à propos d’une épineuse question dont l’évocation est maintenant de mise, car le taux de change, notamment par rapport à l’euro commence à flirter avec des niveaux (355 UM le 20/05/06) qui ne vont pas sans nous rappeler, une époque que l’on croyait révolue.
Nous précisons que le titre est de la rédaction du journal. Le texte qui suit a été rédigé en 2002, mais il présente l’avantage de présenter les différents aspects liés à la question posée ci-dessus.
Au-delà, des facteurs déterminants liés aux contraintes de politique économique ou d’environnement comportemental, il s’avère que les explications données par «certaines sources» - explication privilégiant l’hypothèse de la cassure structurelle - pour justifier la fatalité des glissements monétaires nous paraît à la fois simpliste et paradoxale..



Les assertions de ces sources justifient la situation par les faits suivants :
- Sur le Fonds, le Trésor public injecterait trop d’argent sur le marché, si bien que le système financier, y compris la BCM, n’arrive plus à suivre. Ainsi, les interventions ponctuelles de l’Institut d’Emission qui ont pour but d’éponger une partie de la liquidité en circulation sur le marché tout en exerçant une pression sur le secteur parallèle de change n’arriveraient plus à maîtriser l’évolution des facteurs, cela d’autant plus que les moyens de la BCM seraient limités en moyens de paiements internationaux.
-Sur la forme, l’absence de coordination entre les administrations concernées créerait une « situation de belligérance » où chaque structure défendrait son territoire face aux autres structures, devenues en quelque sorte concurrentes. Il s’agirait essentiellement de problèmes liés à la programmation des ressources, des décaissements et règlements.
En somme, l’efficacité de la politique monétaire serait parasitée par des discordances au niveau du fonctionnement des administrations centrales de l’Etat.
En réalité, il convient de souligner que les sources de déséquilibre monétaires ne peuvent s’expliquer que par deux facteurs fondamentaux :
– cas de figure ou les réserves de changes du pays sont nettement insuffisantes
Cela n’est pas, formellement, le cas de la position actuelle de la Mauritanie, en tous les cas d’un point de vue relatif, quand on sait que la baisse du solde officiel a souvent pour corollaire la hausse des encaisses parallèles. Or, plus les encaisses parallèles augmentent plus le cours devrait tendre à la baisse, cela d’autant qu’en augmentant leurs encaisses en devises, les spéculateurs réduisent concomitamment leurs disponibilités en Ouguiya. Aussi serait-il anormal que la hausse des encaisses en moyens de paiement internationaux entraîne une baisse de la parité de la monnaie nationale.
– cas de figure où la masse monétaire en circulation est trop importante
Une telle situation n’est réalisable que sous deux conditions fondamentales :
Soit l’existence d’un déficit public élevé, entraînant une injection disproportionnée de liquidités centrales dans les circuits économiques. Or, ce n’est pas le cas, actuellement, quand on sait que le solde budgétaire en fin 2000 et 2001 accuse des pointes inférieures à 15 milliards UM (10,1 milliards pour l’année 2000 et 13,8 milliards pour l’année 2001. A signaler que la contrepartie de ce solde négatif se retrouve, en partie non négligeable, dans les opérations de souscriptions de bons du Trésor sur le marché monétaire, d’où l’effet d’éviction et non de renflouement des opérateurs intervenant sur le marché de capitaux.
Soit une forte poussée de création monétaire ou par les banques primaires (augmentation de la masse de crédits alloués à l’économie) ou par les exportateurs (cessions plus importantes de devises sur le marché local) ou bailleurs en capitaux (cessions de ressources de financement sous forme de dons ou de prêts). L’examen des situations bancaires révèle, au contraire, un net recul des volumes de crédits consentis, tandis que les cessions de devises, qu’elles aient pour origine des mouvements de capitaux privés ou publics n’a pas enregistré de hausse notable par rapport aux années antérieures, et cela en dépit de la nette augmentation de la compensation financière versée par l’Union européenne en contre-partie de ses droits de pêche.
Au surplus, sur le plan des effets psychologiques, les résultats obtenus par la Mauritanie en termes de gains sur ses performances économiques (effacement de dette, cumul de ressources de financements dépassant les 300 milliards d’UM à fin 2001, probabilité de réserves pétrolières) auraient, normalement conforté plutôt que d’effaroucher les intervenants sur les marchés de capitaux.
De ce fait, dire que les glissements monétaires en cause trouvent leurs origines dans des causes structurelles liées à la politique financière de l’Etat, rejoindrait, à la limite, les assertions qui stipulent que les déficits publics sont en réalité tellement élevés que ni la Banque Centrale, ni le Ministère des Finances ne peuvent en connaître le chiffre exact.
De telles assertions, même tant soit peu fondées, ne peuvent être retenues comme arguments de politique économique par les pouvoirs publics.
Cependant, même en retenant une part de responsabilité des rouages publics dans l’avènement de la nouvelle donne spéculative sur le marché des changes, la portion congrue revient, cependant, aux pratiques inflationnistes des principaux acteurs en présence sur le marché de capitaux
Dans ces conditions, on comprend aisément, qu’en l’absence d’une politique de régulation efficiente, il s’installe un esprit de compétition généralisé, inévitablement tourné vers la collusion.
Ces pratiques, on le sait, ont eu des effets autrement négatifs sur des économies beaucoup plus puissantes que la nôtre, en Asie, en Amérique Latine, et même aux Etats-unis, par exemple.
Mais, si des discordances de fonctionnement peuvent apparaître dans tout système économique, à un moment donné, notamment dans les phases de croissance, ces dysfonctionnements devraient faire l’objet d’une attention particulière des pouvoirs publics, notamment au niveau des administrations et institutions directement concernées.
A cette fin, il nous semble opportun de souligner l’intérêt :
- De réinstaurer la confiance au niveau de la Banque Centrale : il s’agit de faire en sorte que l’ensemble des parties prenantes soient, désormais, et aussitôt que possible, sûres d’un traitement juste, équilibré et que les décisions centrales seront applicables à tous et de manière irréversible.
Il s’agit, en fait pour la BCM de reprendre son rôle d’orientation, de contrôle, de dissuasion, instruments qui font sa légitimité et sa force morale au sein de l’édifice économique et financier dans son ensemble. Ce rôle, elle l’a, de toute évidence, provisoirement perdu, en raison de l’accumulation de rumeurs de toutes sortes alimentées, il est vrai, en grande partie par des sources partisanes et autres. Peu n’importe, le mal est ainsi fait et les institutions de privilège ne tolèrent pas la persistance de rumeurs.
D’ailleurs, il faudrait, progressivement, sans jeter des messages d’alerte trop vifs, se préoccuper autrement de l’encadrement interne de la Banque, de ses structures fonctionnelles et, en général, des ressources humaines disponibles.
On le sait, un programme de renforcement des capacités et des structures de la Banque est prévu à court terme, ce qui devrait faciliter les mutations managériales et de structuration souhaitées.
- De valoriser l’apport économique et olitgique au niveau des milieux d’affaires
A ce niveau le patronat gagnerait à être mieux associé aux questions d’intérêt national : la préservation de notre indépendance économique passe d’abord par notre indépendance financière. Ce principe fondamental de la Mauritanie, ne saurait être remis en question.
La Banque Centrale en revenant à l’orthodoxie financière (la première fonction de la BCM est celle de caissier de l’état), contribuerait davantage à assurer les équilibres financiers de l’économie nationale, notamment celui de la monnaie.
Il s’agit notamment de mieux évaluer les incidences des mouvements de capitaux, en particulier, au titre des programmes de développement dits sectoriels,
En effet, les estimations des ressources potentiellement injectables dans les circuits financiers donnent environ 298 Milliards UM a fin 2001, comme potentiel à décaisser sur les financements déjà obtenus par la Mauritanie. Ce chiffre est évidemment très élevé, et il est opportun de mieux cerner l’impact des décaissements (somme toutes limité par la capacité d’absorption nationale) sur la masse monétaire et la parité de la monnaie nationale.
Actuellement, il semble qu’au nom du principe de l’autonomie financière de chaque projet, les décaissements en monnaie locale ou en devises se feraient indifféremment du critère de surveillance de la masse monétaire, comme pour les banques. Or, on peut le constater, au vu de ce chiffre, le potentiel de paiement au titre des programmes et projets publics équivaut à 7,5 fois la masse monétaire gérée par les banques.
Ainsi, la dérive monétaire constatée ces derniers mois n’est pas un phénomène fortuit du sous -développement ou de l’économie du laisser aller- comme aimeraient le maintenir certaines sources. Elle n’est pas non plus le fait de déficits structurels liés à une économie moribonde ou maquillée pour obtenir les subsides du FMI et de la banque Mondiale.
L’économie de la Mauritanie ne permet pas encore, néanmoins, de donner des signaux de richesse excessifs et si d’aventure des mouvements de capitaux devaient être initiés, il appartient à l’ensemble de la communauté d’en définir le moment et le contexte. l
Extrait de «Les nouveaux défis de l’Ouguiya»,
juin 2002,


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