Conflit.Sahara occidental : éviter l’embrasement à tout prix   
30/01/2021

Samedi 23 janvier, le Front Polisario a bombardé Guerguerat, une zone tampon sous contrôle marocain. Le poste-frontière redevient le théâtre des tensions entre les indépendantistes et le Royaume, alors que celui-ci vient de



 marquer des points décisifs dans cette bataille qui dure depuis trente ans. Mais il "faut éviter à tout prix" la guerre, estime cet éditorialiste burkinabé dans Le Pays.

 
Le Front Polisario a bombardé le poste frontalier de Guerguerat le 23 janvier 2021 [cette zone tampon sous contrôle marocain est située au Sahara occidental, disputé depuis trente ans entre le Maroc et les indépendantistes sahraouis, soutenus par l’Algérie]. Et, comme si cela ne suffisait pas, il a menacé le royaume chérifien [l’appellation historique donnée au Maroc] d’une escalade militaire. En attendant que les indépendantistes mettent à exécution leurs menaces, on pourrait dire que cette action du Front Polisario est une véritable menace pour la paix dans cette zone.

Il faut éviter à tout prix un embrasement. Il faut d’autant plus l’éviter qu’une éventuelle riposte du Maroc pourrait pousser certains soutiens de taille du Front Polisario à entrer dans la danse – notamment l’Algérie, qui a pris fait et cause pour les indépendantistes.


Quand les États-Unis de Trump s’en mêlent
Le moins que l’on puisse dire, en tout cas, c’est que la tension est montée d’un cran dans cette zone. Faut-il voir dans [le début du processus d’] ouverture d’un consulat américain dans la zone [une des causes de cette escalade] ? Cette hypothèse n’est pas à balayer du revers de la main. Ce d’autant que la reconnaissance de la souveraineté du Maroc par l’administration Trump sur l’ensemble du Sahara avait effarouché non seulement les indépendantistes mais aussi l’Algérie, qui, du reste, n’avait pas hésité à voler dans les plumes de l’ancien président américain [durant les dernières semaines de son mandat, Donald Trump avait annoncé que les États-Unis reconnaissaient la souveraineté du Maroc sur le territoire disputé, allant à rebours de la position de l’ONU, qui y voit un territoire autonome].


Cela dit, cette nouvelle tension attire l’attention non seulement de l’Union africaine, mais aussi et surtout de l’ONU, elle qui essaie depuis plus d’un quart de siècle d’amener les frères ennemis à fumer le calumet de la paix. Il est donc urgent que les instances continentale et mondiale fassent de cette question de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), proclamée depuis 1976 par les indépendantistes mais contestée par le Maroc, l’une des priorités de cette nouvelle année.

 
Les conséquences dramatiques de la guerre
Ce statu quo d’une trentaine d’années ne saurait faire bouger les lignes. On est d’autant plus fondé à le penser que les indépendantistes commencent à se lasser du sur place [le cessez-le-feu a été rompu le 13 novembre dernier]. S’ils se disent prêts à négocier, ils n’excluent toutefois pas la lutte armée. C’est dire si le risque d’une reprise de la guerre est grand.

Or, les conséquences d’une guerre seraient dramatiques pour bien des pays. D’abord, parce que les échanges commerciaux avec l’Afrique de l’Ouest pourraient en souffrir. Ensuite parce que, dans ce contexte de la pandémie du Covid-19 qui frappe durement l’économie marocaine, se lancer dans une guerre de conquête de territoire serait un sacrifice énorme pour Rabat. À cela il faut ajouter le contexte sous-régional, en proie au terrorisme. En effet, même si le Maroc n’est pas touché au même titre que les pays du Sahel, il reste qu’il est loin d’être à l’abri de l’hydre terroriste.


La dernière carte du Polisario
Quid de la RASD ? Il ne fait pas l’ombre d’un doute que le poids d’une guerre ouverte pourrait asphyxier l’économie de ce territoire, qui aura passé près d’un demi-siècle à lutter pour sa souveraineté internationale.

 
Autant dire que ni le Maroc ni le Front Polisario n’ont véritablement intérêt à ce que la situation dégénère. Cela étant, tout se passe comme si le Front Polisario cherchait à réveiller la communauté internationale, qui semble tergiverser.

La suspension, en 2019, des pourparlers qui impliquaient la Mauritanie et l’Algérie n’aura eu pour effet que d’émousser les espoirs du Front Polisario. Pour ne rien arranger, le bloc de soutien du Polisario s’est fissuré avec l’intégration du Maroc à la Cedeao [Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest]. Autant dire que cette montée de tensions s’apparente, à bien des égards, à un acte de désespoir de la part du Front Polisario.
Dabadi ZOUMBARA
courrierinternational


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