Terrorisme : Les groupes djihadistes face au virus, narratifs et stratĂ©gies   
06/04/2020

AFP- Vengeance divine et problème sanitaire, coup dur et opportunité. Le coronavirus oblige les groupes djihadistes à s’adapter, en les forçant à gérer à la fois l’urgence et les hypothèses de sortie de crise.



Exposés à la pandémie de façons très disparates, les mouvements agissent en ordres dispersés, conciliant impératifs idéologiques et logiques de santé publique.

Plusieurs groupes djihadistes au Yémen, en Somalie ou au Sahel sont restés silencieux sur la pandémie. Mais d’autres ont communiqué sur un fléau qui touche sans distinction leurs partisans et leurs ennemis. La cellule centrale d’Al Qaîda a publié, en mars, un document de deux pages essentiellement consacré aux causes du Covid-19 : «l’indécence», «l’obscénité», la «corruption morale» notamment. La colère d’Allah «est profonde contre ceux qui franchissent les limites et s’opposent à Lui», assure le texte. «Al Qaîda s’est toujours considéré comme un mouvement d’élite dont la responsabilité est de guider la oumma (communauté des croyants, ndlr) vers une forme pure de l’islam. Des événements comme le coronavirus constituent à la fois une leçon et une opportunité de renforcer cette position», explique à l’AFP Charles Lister, directeur de l’antiterrorisme au Middle-East Institute.

Le groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS), branche syrienne d’Al Qaîda, a quant à lui préconisé des mesures d’hygiène dans sa lettre d’information, constate le Tony Blair Institute for Global Change. HTS a par la suite dénoncé l’attention portée au virus, au regard d’un bilan très inférieur à celui du conflit syrien.


Une réaction sanitaire et stratégique

En Syrie, c’est paradoxalement dans la province d’Idleb – ultime bastion djihadiste et rebelle du Nord-Ouest – que sont venues les réponses les plus promptes à la pandémie. Le système hospitalier a été détruit par la guerre. Mais les rebelles dominés par HTS, avec l’aide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ont pris «des mesures préventives plus radicales et plus rapidement que le régime d’Al Assad», assure le Washington Institute, citant notamment des tests de température aux frontières avec la Turquie et la stérilisation des écoles et mosquées. «Le défi pour HTS est maintenant de se présenter à la Russie et à la Turquie comme légitime pour gouverner» le territoire syrien qui échappe aux forces de Damas, estime Charles Lister.

Même si HTS serait à l’évidence incapable de gérer une flambée d’épidémie.
Quant aux Talibans en Afghanistan, signataires d’un accord historique avec les Américains, le virus n’a pas bouleversé leur stratégie. En marge de leurs attaques contre les forces gouvernementales, ils se posent en alternative dans le combat sanitaire. Le pouvoir ne voit dans la pandémie qu’«une opportunité pour détourner des fonds étrangers», ont-ils dénoncé. «Nous avons proposé un cessez-le feu complet pour combattre le Covid-19, mais ils ont refusé», répond Javed Faisal, porte-parole du Conseil national de sécurité afghan (NSC).


Une opportunité ?

Et si le virus faisait le jeu des djihadistes ? En Syrie, le groupe Etat islamique (EI) enjoint ses membres, dans sa lettre hebdomadaire Al Naba, à «attaquer et affaiblir les infidèles et les apostats», souligne l’International Crisis Group (ICG). De fait, ces mouvements prospèrent dans le chaos. «EI est susceptible d’en bénéficier dès lors que le Covid-19 affaiblit ses ennemis», craint le think-tank, qui invite la communauté internationale à ne pas négliger les priorités d’hier.
Fin mars en Irak, 2500 instructeurs – un tiers de la coalition internationale menée par les Américains – étaient partis ou sur le départ après la suspension des entraînements consécutive à la pandémie. Les experts relèvent que les tensions entre l’Iran et les Etats-Unis avaient déjà affaibli le contre-terrorisme en Irak.


Quelles conséquences à court terme ?

Difficile, pour autant, de déterminer si le virus va changer la donne dans les zones où sont établis les groupes djihadistes. En Afghanistan, au Sahel ou en Somalie, il ne semble pas encore peser sur la situation sécuritaire. A court terme, le risque d’un attentat spectaculaire majeur, en Europe ou aux Etats-Unis, est limité. «On a mis en place le confinement, les contrôles aux frontières et sur les transports. Le risque actuellement est très réduit», affirme Jean-Charles Brisard, du Centre d’analyse du terrorisme (CAT) à Paris.

Mais le virus n’empêche pas un individu isolé ou une petite cellule d’agir, comme en témoigne l’attaque au couteau par un réfugié soudanais qui a fait deux morts samedi dans le sud-est de la France. Aucun lien formel n’est établi avec EI. «Mais il est clair que le risque de passage à l’acte d’un individu inspiré n’a pas disparu avec la crise», a confié à l’AFP une source proche du dossier. «On n’en a pas fini avec cette guerre contre l’islamisme», estimait il y a quelques jours un ex-agent du Renseignement français. «On sait qu’ils peuvent frapper de nouveau. On ne peut plus être négligents».

elwatan


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