Un anniversaire ça se fête même si c’est dans la douleur du souvenir. L’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (AMDH) vient de célébrer le 1er juin dernier et ce, jusqu’au 2 juin, ses 20 ans d’existence et de combat pour la défense, le respect...
...et la promotion des droits de l’homme en Mauritanie. Plus d’une centaine d’invités de la société civile venus d’horizons divers étaient présents parmi lesquels, Bamariam Koïta président de la commission nationale des droits de l’homme (CNDH), Alioune Tine Secrétaire Général de la RADDHO, les représentants du NDI et de l’Union Européenne, de Madame la Maire de Tevragh-Zeina, M. Sarr Mamadou du Fonadh ainsi que l’Ambassadeur du Mali pour ne citer que ceux-là . Cet anniversaire a été le prétexte de l’Amdh pour revenir sur les péripéties qui ont jalonné son parcours mais aussi et surtout, il a été question d’évaluer le combat en rétro sur tous les axes du passif humanitaire.
L’Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (Amdh) créée en 1991 sur les fonts baptismaux, a célébré le 1er juin dernier, son 20ème anniversaire en présence de plusieurs personnalités et activistes des droits humains. Intervenant à cette occasion, Bamariam Koïta, a déclaré que « l’Amdh s’est consacrée à la défense des droits humains pour toute la Mauritanie. Elle était visible et sincère. Ce qui mérite respect et considération ». Mieux, cela a valu la prise en compte de leurs doléances par les pouvoirs publics, a-t-il soutenu. Le président de la CNDH a salué le combat que mène l’Amdh et indiqué que Me Fatimata Mbaye, Boubacar Messoud (SOS Esclaves), Aminetou Mint Ely (Afcf) … «ont osé parler du passif humanitaire » au moment où parler de cette question relevait d’une pure provocation du régime de l’époque. «Cela n’était pas évident et n’était pas aussi gagné d’avance», dira Bamariam Koita pour qui, ces défenseurs méritent respect et considération car toutes ces questions du passif humanitaire font l’objet aujourd’hui d’un débat national.

Une contribution à la libération de la parole
Pour sa part, Alioune Tine de la RADDHO a indiqué que «l’AMDH a contribué à la libération de la parole enMauritaniedans un contexte marqué par les détentions arbitraires et les exécutions extrajudiciaires». C’est pourquoi, il a rendu un vibrant hommage à ses anciens compagnons de route pour leur engagement, leur dynamisme et leur esprit militant pour la défense des droits de l’homme. Ce qui lui fera dire que «L’AMDHa contribué à ce que les droits humains soient reconnus, à ce que des avancées soient observées enMauritanie». L’absence des hautes autorités de l’Etat à cet évènement n’a pas été appréciée par M. Tine. Pour lui, la présence de ces autorités «consolide la volonté politique de la Mauritanie de défendre et de promouvoir les droits de l’Homme». Toutefois M. Tine a exhorté l’Amdh et les autres défenseurs de droits humains à travailler avec les pouvoirs publics car « ils ne sont pas nos adversaires » a-t-il indiqué. La Maire de Tevragh-Zeina, Fatimetou Mint Abdel Malick a salué le courage et l’engagement de l’Amdh pour le respect des droits humains. «Il n’y a pas de développement sans stabilité ni de stabilité sans justice. Nous sommes tous interpellés par la justice sociale et l’AMDH a mené un grand combat dans ce sens », dira-t-elle en substance avant d’encourager Me Fatimata Mbaye et compagnie à aller de l’avant. M. Sarr Mamadou du Fonadh, après avoir salué les efforts consentis par l’Amdh dans ce combat, dira que cette association est «un fer de lance dans le combat pour la promotion et la protection des droits humains en Mauritanie». «Notre pays a connu de graves violations de droits humains et si ce n’était pas ces hommes et ces femmes de l’AMDHet d’autres organisations de défense des droits de l’Homme, on n’en serait certainement pas là aujourd’hui » a-t-il indiqué.
Hommage aux pionniers de l’Amdh
Maître Fatimata Mbaye, présidente de l’Amdh a d’abord tenu à rendre un vibrant hommage posthume avec une pensée pieuse à Me feu Mamadou Diagana l’un des précurseurs de l’Amdh mais aussi à feue Houlèye Tall et au professeur Cheikh Saad Bouh Kamara absent de l’évènement pour des raisons de santé. Ceux-là qui ont pensé à l’utilité publique de créer une association de défense des droits de l’homme. «Au moment où nous célébrons ce 20e anniversaire, certains ne sont plus avec nous mais leur esprit est avec nous. A ceux qui ont eu la prémonition et le courage de relever le défi, de créer une organisation de défense des droits de l’Homme enMauritanie et dans la sous-région au moment difficile où parler des droits de l’Homme était un crime de lèse-majesté, nous dirons que la lanterne ne s’est pas éteinte et qu’elle continuera à s’éclairer même après notre départ » a-t-elle martelé dans l’émotion. L’Amdh, à en croire sa présidente, a apporté sa contribution à cette gigantesque œuvre humaine qui est la constitution d’une société humaine égalitaire et ouverte où chacun pourra trouver sa place dans le respect, la tolérance et la paix. Me Fatimata Mbaye s’est souvenue des affres du combat qu’elle a mené avec ses amis de l’Amdh. «Nous avons connu la traversée du désert. Certains ont été privés de liberté, d’autres ont été atteints dans leur intégrité physique, leur moralité. Mais, c’était le prix à payer comme dans toute œuvre sociale ou humaine ». La présidente de l’Amdh a reconnu quedans chaque œuvre humaine, «il y’a un prix à payer et les droits de l’Homme, c’est le travail, peut-être, le plus ingrat. C’est un fruit. Quand on le récolte, il dure et perdure à condition qu’on continue à arroser, à protéger et surtout à faire partager avec les autres personnes». En reconnaissance aux efforts soutenus par les uns et les autres dans leur contribution à cet édifice social, Me Fatimata Mbaye dont l’Amdh a connu des hauts et des bas pendant 15 ans, a tenu à rendre hommage à ceux là qui ont appuyé leur combat. Et la présidente de dire que «c’est le plus cher cadeau qu’un militant peut avoir dans son combat perpétuel». Pour elle, «la diversité n’est qu’une force qui permet aux militants de travailler ensemble pour la promotion et le respect des droits humains». Malgré le manque de moyens, l’Amdh selon sa présidente, «est là pour tout le monde». Mais, avec la volonté, «nous pourrons atteindre le bout du tunnel».
Témoignages …
Les participants ont rendu un témoignage vivant à l’Amdh pour son esprit militant et pour sa diversité dans l’action et le combat. Ils ont qualifié l’Amdh de melting-pot. Des écricains et hommes d’opinion comme Isselmou Abdel Kader, Lala Aïcha Sy, Me Sall Souleymane, Habott représentant de la Raddho Mauritanie, Boubacar Messoud, Alioune Tine … ont apporté un hommage soutenu aux membres de l’Amdh qui ont subi toutes formes d’humiliation lors de voyages pour l’étranger. Ils ont appelé l’Etat mauritanien à reconnaître la société civile mauritanienne qui a fortement contribué à l’abolition de l’esclavage. Toutefois, ils ont recommandé aux activistes des droits de l’homme de travailler et de dialoguer davantage. Car, comme dit Alioune Tine, «il y a des problèmes que la diplomatie étatique ne peut pas régler mais auxquels les organisations de la société civile peuvent trouver des solutions». Me Fatimata Mbaye a rappelé que l’Amdh avait 9 membres au départ, mais compte aujourd’hui des centaines voire des milliers de membres. Elle a dit que les jeunes doivent porter les ambitions de la société civile. Mais il faut à priori accepter le sacrifice, car «quand vous défendez une personne, vous le faites pour toute la société civile».

Des débats riches
Après les témoignages, les participants ont eu à débattre sur des thèmes importants, notamment, les droits de l’enfant, développé par Me Niane, les droits économiques, sociaux et culturels par Alioune Tine, l’impunité et la justice transitionnelle par nos brillants avocats Me Mine Ould Abdoullah et Brahim Ould Ebetty qui ont soutenu que ce thème a plusieurs mécanismes dont le principal c’est la justice transitionnelle qui a ses principes, son contenu et ses caractéristiques. Le deuxième jour a été consacré aux débats sur les thèmes : les droits de la femme et la question de l’égalité dans la société mauritanienne développé par Mme Safiétou Thiam de l’Amdh, la protection des défenseurs des droits de l’homme par Alioune Tine de la Raddho et Cheikh Tourad, directeur des droits de l’homme. M. Sall Amadou, professeur de en sociologie et membre de la société civile et Me Bouhoubeyni bâtonnier des avocats ont fait un exposé sur le thème : démocratie et gouvernance. Enfin, Abaye Ansari (GRDR) a développé le thème sur les Migrations internationales et l’asile. Toutefois, il faut souligner l’un des faits marquants de cet anniversaire : la participation massive et efficace des étudiants dont l’Association des jeunes filles étudiantes mauritaniennes (AFEM) des facultés de droits, de lettres, de géographie … Il s’agit notamment de Dickel Fofana (géo), Tijaniétou Ball (lettres), Famata Ndiaye (lettres) mais aussi Ndiaye Kane Sarr, Sow Abdoulaye Diallo, Mamadou Ali Kane … pour ne citer que ceux-là qui ont contribué à enrichir les débats aux côtés des vieux briscards, défenseurs des droits de l’homme. C’est dire que la relève pour cette société civile est assurée. Compte rendu Ibou Badiane
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