Pour harmoniser le traitement et la prise en charge des victimes de violences sexuelles, un atelier de concertation réunissant les juges, les avocats, les policiers et les médecins a été organisé du 22 au 23 novembre à l’hôtel Iman par l’Association Mauritanienne pour le Secours de la Mère et de l’Enfant (AMSME) en collaboration avec les Ong partenaires.
La concertation a été dirigée par le Professeur et Sociologue Cheikh Saadbouh Kamara avec à ses côtés Mme Zeinabou Mint Taleb Moussa, présidente de l’Ong AMSME. Il eut également la présence de sociologues, et de représentants d’Ong qui luttent pour la même cause, du ministère de la Justice, les Imams mais surtout celle du Procureur de la République, du Président de la Cour criminelle pour ne citer que ceux-là . Cette concertation a été marquée par des débats contradictoires et riches avec passes d’armes entre professionnels précités impliqués dans la gestion des dossiers en rapport avec les violences sexuelles. D’emblée, la présidente de l’AMSME a fait l’exposé sur l’expérience de son Ong dans le domaine de l’assistance aux victimes des violences sexuelles. Un exposé qui a été apprécié par les participants. Lui emboîtant le pas, le Dr Moubareck a lui, fait la présentation des aspects sanitaires de la prise en charge des victimes . Dans sa conclusion, il a déclaré que « l’expression sexuelle est une catastrophe en soi, le rôle du médecin requis pour la constatation initiale est fondamentale ». Pour sa part, Haimoud Ould Ramdane du Ministère de la Justice, a présenté le cadre juridique indiquant que «malgré la volonté des pouvoirs publics de lutter contre ce phénomène, les textes d’application ne suivent pas ». Mieux, « si l’acte poursuivi n’existe pas dans le code pénal, la solution ne suivra pas ». Autrement dit, « de façon générale, on n’a pas défini l’agression sexuelle et par conséquent, sa poursuite devient difficile » a-t-il dit. Quant au Dr Sall Ousmane, il a abordé le sujet sous l’angle psychologique. Il a indiqué et ce, à l’adresse des juges, qu’il faut «éviter de nier les faits avérés sous prétexte que nous sommes une société musulmane ». Toujours pertinents dans ses propos, Dr Sall a fait un exposé à l’image de son homologue Moubareck. Tout compte fait, les médecins ont demandé à ce que les réquisitions soient bien libellées et précises. De son côté, Cheikh Sidi Mohamed a présenté les aspects sociaux de la prise en charge des victimes. Après les exposés, les participants ont débattu sur des questions en rapport avec le sujet principal. Chacun des intéressés par le traitement du phénomène, a donné sa version des faits en se défendant bien sûr. De la police qui fait l’enquête préliminaire aux juges en passant par les médecins qui établissent les certificats médicaux et les avocats qui accompagnent les victimes, le problème a été clairement posé et chacun s’est bien défendu. Mekfoula Mint Mohamed El Hadrami, inspectrice de police à la Brigade Spéciale chargée des mineurs en conflit avec la loi a dit que « le parquet n’a pas à classer sans suite une affaire de viol ». Car c’est souvent le cas surtout en ce qui concerne l’inceste. Récemment, un père présumé violeur a été relâché le 8 novembre dernier au bénéfice du doute, pour soit disant insuffisance de preuves. Les juges vont parfois de leur propre conviction pour trancher une affaire de viol. Des fois, ils qualifient de zina (adultère) si la victime est une femme majeure. Mais les magistrats disent que la police également ne doit pas se substituer au juge. Dans tous les cas, les participants ont souhaité que les parties prenantes dans le traitement des violences sexuelles fassent un travail de complémentarité et que chacun joue son rôle comme il se doit. D’ailleurs, les avocats avancent qu’il y a une évolution dans le traitement de viols par les juges. Des recommandations ont été formulées pour mieux impliquer les acteurs dans la gestion des dossiers de violences sexuelles. Pour les participants, il s’agit notamment de créer un réseau informel pour le suivi des résultats de l’atelier, de favoriser des formations croisées entre les juges, médecins, avocats et la police, d’associer les étudiants de la FAC de médecine de Nouakchott aux actions de lutte contre les violences sexuelles et enfin de créer une unité dans un service public pour la prise en charge des victimes de violences sexuelles. La tenue de cet atelier regroupant juges, avocats, police et médecins était plus que nécessaire au vu de la recrudescence des violences sexuelles qui s’amplifient et s’augmentent de manière exponentielle en Mauritanie, notamment à Nouakchott où l’Ong AMSME enregistre quotidiennement des cas du genre avec ses dégâts collatéraux. Compte rendu Ibou Badiane
|