Abdoulaye DIAGANA : Début Juillet un incident entre un commerçant et une citoyenne de la ville de Kaédi, au sud de la Mauritanie, a provoqué des incidents qui ont failli prendre un caractère racial. ...
... Votre parti y a envoyé une délégation. Pourquoi votre parti et dans quel objectif?
Mohamed ould MAOULOUD : Merci d’abord pour l’invitation de Kassataya et je vous souhaite un bon sĂ©jour en Mauritanie. En ce qui concerne l’incident de KaĂ©di, il Ă©tait tout Ă fait normal que l’UFP s’investisse pour la sauvegarde de l’unitĂ© nationale. C’est sa tradition, tout le monde le sait. Et effectivement aussi, si un petit incident aussi anodin que celui qui s’est produit dans le marchĂ© de KaĂ©di provoque des Ă©vènements Ă caractères raciaux, dans une ville comme KaĂ©di qui Ă©tait connue pour son harmonie, l’harmonie des rapports entre les communautĂ©s, eh bien, c’est qu’il y a une menace sur l’unitĂ© nationale. Donc, notre parti ne pouvait pas ne pas s’investir pour ramener d’abord le calme, pour comprendre ce qui s’est passĂ©, et pour voir comment prĂ©venir de tels dĂ©veloppements dans les rapports inter communautaires dans notre pays. Abdoulaye DIAGANA : Et quels sentiments vous animent au terme de cette mission d’enquĂŞte? Comment vous sentez vous aujourd’hui et comment avez vous pris la mesure de ce qui se passe Ă KaĂ©di aujourd’hui? Quel est votre sentiment sur la situation aujourd’hui Ă KaĂ©di? Mohamed ould MAOULOUD : D’abord il faut noter que les populations de KaĂ©di sont les premières Ă rĂ©agir positivement dans le’ sens de s’opposer Ă des dĂ©veloppements conflictuels entre les communautĂ©s, Toutes les communautĂ©s se’ sont dĂ©marquĂ©es des pillages, se st dĂ©marquĂ©es des actes d’agressions. Il y a eu une très bonne rĂ©action de la population elle mĂŞme. Evidemment les rapports avec l’administration Ă©taient des rapports assez mauvais. Il n’y a pas de communication entre l’administration et la population ou la communication si elle existe, n’est pas bonne. C’est un Ă©lĂ©ment fondamental dans le fait que tout Ă©vĂ©nement peut dĂ©gĂ©nĂ©rer et que les actes mĂŞme administratifs, toutes les dĂ©cisions administratives passent mal. Deuxièmement, il Ă©tait nĂ©cessaire que les populations comprennent, si elles ne veulent pas que de tels dĂ©veloppements se reproduisent, qu’elles comprennent en tous cas comment y faire face. Et ça c’est le rĂ´le des politiques. Il faut donner des Ă©lĂ©ments de rĂ©flexion, des Ă©lĂ©ments de perspectives... Abdoulaye DIAGANA : l’UFP peut jouer les sapeurs pompiers pour apaiser une situation? Aider le pouvoir Ă sortir d’une mauvaise situation? Mohamed ould MAOULOUD : Non, non, non, non l’UFP ne joue pas les sapeurs pompiers... Abdoulaye DIAGANA : Quand mĂŞme un peu... Mohamed ould MAOULOUD : Nous sommes au sein de notre population; c’est notre population, c’est notre maison. Si elle prend feu on ne va pas dire « on va laisser la maison brĂ»ler » pour dire ensuite c’est le pouvoir qui... Abdoulaye DIAGANA : Vous ne vous ĂŞtes pas dis qu’il y a une gifle qui a provoquĂ© des Ă©vènements ailleurs et que, Ă KaĂ©di, une gifle peut aussi provoquer autre chose? Vous ne vous ĂŞtes pas dis ça? A aucun moment? Jamais? Mohamed ould MAOULOUD : Non, non. Vous savez, il faut que les forces politiques soient responsables. Il ne s’agit pas de mettre le feu Ă la maison pour qu’elle brĂ»le et puis, après, dire « ce sont les autoritĂ©s qui n’ont pas pu intervenir Ă temps pour Ă©teindre l’incendie »; ça c’est un comportement irresponsable, mĂŞme criminel et, Ă©videmment, l’UFP considère d’ailleurs que toutes les forces politiques devaient s’investir Ă KaĂ©di. D’abord pour ramener le calme et, ensuite, pour prĂ©venir de tels Ă©vĂ©nements. C’est ce que nous avons fait. Ca a Ă©tĂ© très très bien accueilli par la population. Demandez Ă KaĂ©di. Vous allez certainement passer Ă KaĂ©di pendant quelques jours. Demandez Ă KaĂ©di. C’était une demande de la population de voir intervenir des gens responsables pour circonscrire l’évènement, pour prendre en charge tous les problèmes qu’il a provoquĂ©s et pour ramener le calme et maintenir les bons rapports qui existent entre les populations parce que les populations n’ont pas de problèmes. Evidemment, il y a des Ă©lĂ©ments irresponsables dans la ville, c’est dans toutes les sociĂ©tĂ©s, vous avez des gens marginaux qui profitent de tels Ă©vènements pour commettre des pillages, pour commettre des actes, mais ça c’est inĂ©vitable; Mais s’il y a des forces politiques, des hommes de la sociĂ©tĂ© civile ou responsables qui interviennent, l’action des gens irresponsables ne passe pas et c’est ce qui est actuellement arrivĂ© Ă KaĂ©di. Abdoulaye DIAGANA : Est ce que, quelque part, dans votre dĂ©sir d’intervenir Ă KaĂ©di, vous avez Ă un moment ou Ă un autre, pensĂ© Ă d’autres Ă©vĂ©nements de nature Ă peu prĂ©s semblables qui s’étaient dĂ©roulĂ©s en 89, 91 ? Le souvenir vous est revenu un peu? Vous y avez quand mĂŞme pensĂ© un peu, au cours de cette mission? Mohamed ould MAOULOUD : Tout simplement je ne dirai pas qu’il y a une similitude. Mais comment se fait il qu’une petite querelle dans le marchĂ© produise un dĂ©veloppement tel qu’il s’est produit Ă KaĂ©di, dĂ©gĂ©nère comme il a dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© Ă KaĂ©di? Ça ne peut que nous faire penser qu’il y a quelque chose, qu’il y a une tension latente dans les rapports inter communautaires.. Et que, par consĂ©quent, il y a lieu d’intervenir sur ce registre, d’essayer de faire prendre conscience Ă nos populations des risques mais, aussi ,de prendre en charge les problèmes qui sont posĂ©s, pour les rĂ©soudre d’une manière polie, pacifique, dans la comprĂ©hension. Et c’est ça un peu la solution qui manque. En gĂ©nĂ©ral l’administration ne sait pas faire ça. Le pouvoir politique ne le sait pas, ne sait pas le faire. Il a une mĂ©thode très simple : c’est l’utilisation de l’autoritĂ© pour rĂ©primer toute action et, en gĂ©nĂ©ral d’ailleurs, ça ne fait que jeter de l’huile sur le feu. Mariem mint DERWICH : vous avez dit tout Ă l’heure que le pouvoir politique ne sait pas faire. Ne sait pas faire ou ne veut pas faire? Mohamed ould MAOULOUD : D’abord il ne sait pas le faire. MĂŞme s’il le veut il ne sait pas le faire. Maintenant, nous pouvons nous poser la question : est ce qu’il n’a pas un certain intĂ©rĂŞt, actuellement, Ă ces problèmes inter communautaires, tous les problèmes qui peuvent faire en sorte que les populations soient prises dans leurs propres querelles? Ça ne nous arrange pas parce qu’il est en difficultĂ© politique. Il a une crise politique très aigue et il aimerait bien que le peuple mauritanien soit pris dans ses propres problèmes. Abdoulaye DIAGANA : Une dernière question sur ce point lĂ . Est ce que vous iriez jusqu’à dire qu’il y a une dĂ©chirure profonde au sein de cette population mauritanienne, qu’il y a un climat de mĂ©fiance, on va le dire comme ça, sur fonds de tensions raciales; on va essayer de rester dans les euphĂ©mismes... Mohamed ould MAOULOUD : Non, je ne dirai pas ça. Il ne faut pas dramatiser. Nous sommes une sociĂ©tĂ© multinationale; il y a plusieurs communautĂ©s ethniques et dans toutes les sociĂ©tĂ©s multiculturelles les problèmes inter communautaires existeront toujours. Il n’y a pas de solution finale. Heureusement. Et donc nous aurons toujours, Ă chaque fois, dans les dĂ©veloppements de la vie de la Nation des problèmes de contradictions qu’il faut gĂ©rer, qu’il faut rĂ©gler. Evidemment en Mauritanie il y a une accumulation, d’une part, de problèmes objectifs qui doivent ĂŞtre rĂ©glĂ©s. Le deuxième aspect qui fait que la menace existe et qu’ il faut essayer d’en prĂ©venir l’impact c’est qu’un certain discours politique peut aussi canaliser le mĂ©contentement, peut canaliser les rĂ©actions des populations. C’est un discours qui oriente une communautĂ© contre une autre, qui ne s’en tient pas au fait de soulever le problème, de lui proposer des solutions mais dans un esprit d’unitĂ©, ..Je ne sais pas si vous me comprenez... Abdoulaye DIAGANA : Je vous suis.... Mohamed ould MAOULOUD : Le mĂŞme problème on peut le poser dans l’esprit de lui chercher une solution et dans l’unitĂ© du peuple mauritanien mais on peut aussi le poser dans l’esprit de provoquer une rupture entre les communautĂ©s et voilĂ , pour cela il faut mettre en garde contre les discours qui sont finalement...qui ont un caractère, si vous voulez, qui suscitent, qui enveniment les relations intercommunautaires et qui, facilement , peuvent canaliser les petits Ă©vènements, les petits incidents dans un sens de confrontation intercommunautaire. Abdoulaye DIAGANA : Monsieur le PrĂ©sident, venons en maintenant Ă l’aspect Ă©lectoral de l’actualitĂ© politique. La CENI a annoncĂ© que les Ă©lections municipales et lĂ©gislatives auront lieu entre le 15 Septembre et le 15 Octobre. L’UFP et ses partenaires de la Coalition de l’Opposition DĂ©mocratique prĂ´nent le boycott. Qu’est ce qui justifie cette position? Mohamed ould MAOULOUD : D’abord je prĂ©cise : la Coordination de l’Opposition DĂ©mocratique, sa position, pour en parler de façon plus exacte, c’est de rejeter ces Ă©lections et d’exiger l’organisation d’élections consensuelles et transparentes. C’est un peu diffĂ©rent... Mariem mint DERWICH : Mais, justement. Vous parlez souvent d’élections consensuelles et transparentes. Ça veut dire quoi exactement? En fait c’est une vieille revendication, une demande rĂ©currente de la part de l’opposition ou des oppositions, maintenant que l’opposition est un peu dispersĂ©e. Qu’est ce que c’est que des « Ă©lections consensuelles »? Mohamed ould MAOULOUD : Des Ă©lections consensuelles ce sont des Ă©lections convenues entre les principaux acteurs de la place, de la scène politique nationale. C’est Ă dire l’opposition et ce que l’on peut considĂ©rer comme les partisans du pouvoir. Ces diffĂ©rentes forces doivent convenir du processus Ă©lectoral. Ça c’est la première chose, la première exigence. La deuxième exigence, pour nous, c’est que ce processus Ă©lectoral ne soit pas conduit par le PrĂ©sident Mohamed ould Abdel Aziz. Pourquoi? Parce que, d’expĂ©rience, nous avons constatĂ© que Mr le PrĂ©sident n’a aucun respect, ni de la Constitution, ni des lois, ni mĂŞme des accords et que lui confier le processus Ă©lectoral, la gestion du processus Ă©lectoral signifiera, en pratique, lui permettre de le conduire dans un sens totalement irrĂ©gulier. Mariem mint DERWICH : Oui mais alors qu’est ce qui vous ferez penser que le PrĂ©sident actuel, vu que vous n’êtes pas d’accord sur la façon dont il va mener et gĂ©rer ces Ă©lections, pourrait, un matin, changer complètement d’attitude de façon Ă ce que des Ă©lections se tiennent? Est ce que ce n’est pas juste un vĹ“u pieux ou, alors, un argument beaucoup plus politique pour tenir, peut ĂŞtre, jusqu’aux prochaines Ă©lections prĂ©sidentielles ? Abdoulaye DIAGANA : Qu’est ce qui pourrait le conduire Ă accĂ©der Ă votre demande? Mohamed ould MAOULOUD : Ce qui peut le conduire c’est que nous avons une crise politique. La crise politique est une menace pour la stabilitĂ© du pays. Abdoulaye DIAGANA : Mais on le dit depuis les Accords de Dakar qu’il y a une crise politique, mais apparemment on arrive quand mĂŞme Ă gĂ©rer le pays malgrĂ© tout cela non? Mohamed ould MAOULOUD : Mais on constate qu’il y a toujours une crise politique. Qu’elle n’est pas rĂ©solue. Que le pays tourne en rond. Tout le monde le sait. Et vous savez très bien que l’opposition qui a acceptĂ© d’aller avec Ould Abdel Aziz dans un dialogue partiel... Abdoulaye DIAGANA : Il faut rappeler aux auditeurs qu’il y a une autre opposition dite light, modĂ©rĂ©e, appelĂ©e la Coalition pour l’Alternance Pacifique qui est notamment conduite par l’actuel prĂ©sident de l’AssemblĂ©e Nationale , Messaoud ould Boulkheir, et une formation, El Wiam, dirigĂ©e par Boidiel ould Houmeid qui avait acceptĂ© de dialoguer avec le pouvoir, et qui est prĂŞte, cette opposition lĂ , contrairement Ă la votre, Ă participer Ă ces Ă©lections lĂ . Ne craignez vous pas, justement, d’être isolĂ©s par la position de cette opposition, parce que, dans tous les cas, il y aura quand mĂŞme une opposition qui participera aux Ă©chĂ©ances? Mohamed ould MAOULOUD : Vous avez certainement lu la dĂ©claration publiĂ©e hier par cette Coalition autour de Messaoud. Qu’est ce qu’elle a exprimĂ©? Elle a exprimĂ© son mĂ©contentement devant le fait que l’accord qu’elle a conclu avec le pouvoir est en train d’être sabotĂ© par le pouvoir. C’est ce qu’on avait dit. Nous n’avons pas, en face de nous, un partenaire, qui respecte ses engagements. Donc, on peut signer avec lui tout ce que l’on veut, mais il ne les respectera pas. Et, donc, les Ă©lections faites sous sa direction, ce seront des Ă©lections faites pour lĂ©gitimer un Etat, un pouvoir, militaire dans la rĂ©alitĂ© et, je peux mĂŞme dire plus, un pouvoir plutĂ´t mafieux, parce que c’est ce qu’on est en train de construire, et ça c’est un grand danger pour le pays,....
Abdoulaye DIAGANA : Mafieux dans quel sens? Juste politique? Mohamed ould MAOULOUD : Ce n’est plus un pouvoir de dictature simple. C’est un pouvoir mafieux, surtout dans la façon d’organiser l’Etat, dans la façon de gérer les affaires, avec des objectifs, une gestion vénielle de toutes les actions de l’Etat et de tous les projets de l’Etat. Nous sommes dans une situation où nous ne construisons pas un état de droit, mais un pouvoir qui ne respecta pas du tout les textes, les lois; et, évidemment, lorsqu’il s’agit d’élections, il ne va pas s’en faire, il ne va pas accepter de respecter des règles lorsqu’elles ne l’arrangent pas. Donc, ce que nous nous exigeons, c’est qu’il y ait des règles précises, convenues par tout le monde, parce que, cette fois, il ne faut pas que nous rations l’occasion d’organiser des élections qui mettent fin à la crise politique. Abdoulaye DIAGANA : Comment organiser ces élections là , justement, de façon consensuelle? Vous allez demander un gouvernement d’union nationale; comme ça a été fait juste avant la dernière élection? Je rappelle que l’opposition y détenait le portefeuille de l’Intérieur; vous présidiez la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), ce qui n’a pas empêché le pouvoir actuel de remporter les élections reconnues par tous les candidats qui lui faisaient concurrence à l’époque... Donc, qu’est ce qu’il vous faut aujourd’hui, qu’est ce qui pourrait vous garantir une élection transparente? Mohamed ould MAOULOUD : Mais on l’a dit... Abdoulaye DIAGANA : Participer au gouvernement? Mohamed ould MAOULOUD : Avec la COD nous avons publié, il n’y a pas longtemps, au mois de Juin, une déclaration lors d’une conférence de presse. Nous avons étalé toutes nos exigences pour des élections transparentes et consensuelles. Et la première des conditions c’est un gouvernement qui ait les pleins pouvoirs pour conduire le processus démocratique. C’est la première exigence. Un gouvernement consensuel, qui a la confiance de tout le monde, et qui va permettre à ce que le jeu électoral se passe selon les règles convenues. Ca c’est la première exigence. Mariem mint DERWICH : Excusez moi, mais un gouvernement d’union nationale, un gouvernement consensuel, c’est à dire mettre des gens qui s’opposent politiquement, qui n’ont pas les mêmes idées, à la tête de la gestion du pays, est ce que réellement c’est viable? On a vu que le dernier gouvernement d’union nationale n’était là que pour conduire les élections : très peu de temps, il n’a pas pu faire grand chose,; c’était vraiment, à la limite, quasiment inutile. Est ce que c’est vraiment la solution aujourd’hui, un gouvernement d’union nationale ? Mohamed ould MAOULOUD : Nous avons dis un « gouvernement consensuel ». Nous n’avons pas dis « gouvernement d’union nationale ». Mariem mint DERWICH : Nous chipotons sur les mots...Nous jouons un peu sur les mots. là ... Mohamed ould MAOULOUD : Nous ne chipotons pas sur les mots. Nous avons dis un gouvernement consensuel. Quelle est la formule qui va être adoptée? Est ce que ce sera un gouvernement de technocrates? Est ce que ce sera un Premier Ministre indépendant, plus d’autres ministres, le dosage, etc....? Tout ça c’est discutable, c’est négociable. Mais l’essentiel c’est que ce gouvernement soit constitué dans une formule qui agrée tout le monde. Voilà . Et qui permette à l’électeur...Vous savez, dans notre pays, il y a une tradition dans nos sociétés, une tradition légitimiste : lorsqu’il y a un pouvoir, les gens votent pour le pouvoir en place, c’est tout. Donc il faut que, si on veut vraiment des élections transparentes et réellement crédibles, qu’il y ait un pouvoir qui envoie un message très clair d’impartialité et qui permette à l’électeur de choisir en toute conscience son choix,. Deuxièmement, l’élection de 2009, pourquoi le gouvernement n’a pas pu servir à grand chose? Premièrement parce que le Premier Ministre actuel qui avait été investi comme Premier Ministre de la transition sur la base d’un engagement qu’il avait signé d’impartialité avait violé son propre engagement sur l’honneur et avait convoqué, unilatéralement, le corps électoral le 18 Juillet pour un délai de transition de 21 jours ! Deuxièmement, il n’a jamais réuni le gouvernement après ! Il n’a jamais réuni le gouvernement! Donc, c’était une violation totale de l’Accord de Dakar. Est ce que vous le savez? Le gouvernement n’a jamais été convoqué, ne s’est jamais réuni. Et toutes les clauses de l’Accord de Dakar, il a refusé de les appliquer. Je souligne les mots : il a refusé de les appliquer, une à une, toutes! Toutes, sans exceptions! Donc, avec un Premier Ministre pareil, avec l’équipe que Mohamed ould Abdel Aziz avait installée pour les élections de 2009 et qui a manipulé les élections de 2009 comme il les a manipulées, est ce que nous pouvons accepter encore qu’il refasse le même jeu et la même manipulation? Nous ne sommes pas des masochistes. Mariem mint DERWICH : Mais imaginons que ce gouvernement, consensuel comme vous dites, ne voit pas le jour; imaginons que le Président n’accède pas à vos demandes, imaginons que les élections se tiennent quand même – on sait que les équipes du RAVEL sont parties, les élections vont donc bien avoir lieu- imaginons, dans ce cas de figure, quel sens aurait ces élections que l’opposition ou une partie de l’opposition boycotterait, élections qui donneraient naissance à une Assemblée unicolore ? Quel message aura été envoyé, alors, aux électeurs mauritaniens? Mohamed ould MAOULOUD : Absolument ! Vous avez raison. De telles élections n’ont aucun sens ! Elles vont légitimer tout simplement le Président Mohamed ould Abdel Aziz dans son entreprise de construire un état mafieux et, non pas, un état de droit. De toutes les façons, actuellement, il est très clair que toute l’opposition, toute, n’est pas d’accord avec ce processus électoral. La COD, sa position est très claire; mais aussi la Coalition autour de Messaoud, vient d’exprimer très clairement à la CENI qu’elle n’est pas d’accord avec ce qui est entrepris. J’ajoute, en plus, que les électeurs eux mêmes, une bonne partie des électeurs, va être exclue de ce processus électoral parce que, actuellement, une grande partie de nos populations rurales ne sont pas encore recensées, tout simplement, pas recensées. La majorité de ceux qui sont recensés n’a pas encore pris possession de ses cartes d’identité. Et vous savez qu’en un mois, et un mois d’hivernage avec les difficultés de mobilité et toutes sortes de difficultés liées à l’hivernage, il ne sera pas possible en un mois de permettre à ceux qui ont déjà récupéré leurs cartes d’identité de s’inscrire. Donc, ça veut dire que si on organise des élections sur cette base, c’est qu’on a exclu aussi le peuple mauritanien. Bon, si Ould Abdel Aziz veut faire des élections de forme, comme ça, pour que la communauté internationale continue d’avoir bonne conscience et dire que c’est un Président élu et continuer de le soutenir, bon, on va continuer à manipuler ainsi cette opinion publique internationale; mais, le peuple mauritanien ne pourra pas continuer à accepter ça ! En tous cas, nous, au niveau de la COD, nous ferons tout pour empêcher cette entreprise qu’il veut faire. Abdoulaye DIAGANA : Justement le « tout » c’est quoi? Votre boycott, ça sera un boycott actif ou vous vous contenterez de dire que vous ne participez pas à l’élection, vous ne validez pas un processus qui aura, in fine, pour objectif de légitimer le pouvoir d’ould Abdel Aziz? Qu’allez-vous faire? Mohamed ould MAOULOUD : Ecoutez, avec Ould Abdel Aziz, nous avons déjà l’expérience de faire échouer les élections unilatérales qu’il organise. Vous vous rappelez très bien des élections qu’il a voulu faire, celles du 06/ 06, le 6 Juin 2009. Donc il ne s’agit pas pour nous de dire « on va participer à ces élections » ou « on va les boycotter ». Nous n’accepterons pas qu’elles se tiennent, même! Abdoulaye DIAGANA : D’accord. Donc il y aura un bras de fer qui sera engagé...Vous occuperez la rue... Mohamed ould MAOULOUD : Il y a une crise politique. Le bras de fer existe déjà et il continuera jusqu’à que nous trouvions une solution Abdoulaye DIAGANA : Vous allez réussir là où vous aviez « échoué » en 2009? Parce que le 06/06 n’été qu’un report de 3 semaines.... Mohamed ould MAOULOUD : Ah non! Il y a une différence! Le 06/06, en 2009, nous avons réussi pour nos objectifs : faire échouer le coup d’état. Nous avons réussi, parce qu’il n’est pas simple de faire reconnaître à des putschistes leur faute, qu’ils ont débarqué un Président légitime et d’accepter de le ramener. Ca c’est un succès que le FNDD a réussi à avoir avec le soutien du RFD. Extraordinaire! Est ce que ça a eu lieu en Afrique et dans le monde? ! Jamais. Sauf dans le cas du Vénézuela, je crois, avec Chavez. Je ne connais pas un autre cas. Il y avait deux crises similaires dans la même période, celle de Madagascar et celle du Honduras. Nous, nous avons réussi là où les Malgaches n’ont pas réussi, là où, au Honduras, on n’a pas réussi. Nous avons réussi à contraindre les militaires à accepter, d’abord, de nous considérer comme des interlocuteurs et, deuxièmement, à part le dialogue de Dakar, deuxièmement à reconnaître leur faute : que Sidi est le Président légitime, la source de toute autorité légale. C’est lui qui a nommé le Premier Ministre de l’autorité de transition. Deuxièmement, on a fait échouer le 06/06. C’est fini, ça a été balayé. On a fait libérer le Premier Ministre légitime et ses camarades. On a ouvert une transition très courte. Bien sur, l’autre camp doit avoir quelque chose dans un accord. Et dans cet accord, effectivement, la transition était prévue pour 43 jours. La transition c’est autre chose : c’est un processus politique, c’est une lutte entre les acteurs. Dans une lutte entre les acteurs un accord ne garantit rien. C’est une affaire de savoir faire, de stratégies et de tactiques. Malheureusement nous avons mal manœuvré et eux ont saboté les Accords. Abdoulaye DIAGANA : Ils ont bien joué alors? Mohamed ould MAOULOUD : Non, ils n’ont pas bien joué! Ils ont été assez grossiers parce qu’ils ont saboté les Accords mais nous nous avons considéré qu’ils étaient battus d’avance. Et qu’il valait mieux pour nous d’aller vers les élections le plus rapidement possible; et de ne pas nous en faire pour les violations qu’ils commettaient, que c’était des combats d’arrière garde. Lorsqu’ils ont convoqué unilatéralement le corps électoral pour le 18 Juillet, ce qui était contre l’Accord de Dakar, parce que ce n’est pas une décision du gouvernement d’union nationale qui était le seul habilité à convoquer les électeurs et qui s’est réuni et qui n’a pas pu se mettre d’accord et sa réunion a été levée pour le lendemain, le Premier Ministre a pris sur lui, sur ordre de Mohamed ould Abdel aziz, qui n’était qu’un simple candidat, de convoquer unilatéralement le corps électoral. Notre erreur ça a été d’accepter d’aller dans ces élections là qui étaient illégales. Et de permettre, donc, à l’équipe de Mohamed ould Abdel Aziz de saboter. Evidemment ça c’est une erreur que nous avons payé très cher. Abdoulaye DIAGANA : On va revenir à l’actualité. La session parlementaire, qui va se terminer, a été marquée par la présence, que certains ont salué, de députés de l’opposition qui ont soulevé des questions, qui ont interpellé des membres du gouvernement, d’une façon, je le rappelle encore une fois, qui a été saluée par une partie des téléspectateurs ou des par des citoyens. Est ce que vous allez courir le risque de vous priver de ce levier là à l’Assemblée Nationale en boycottant les élections en cours, en prenant le risque de ne pas envoyer de candidats à cette échéance électorale là si tout était organisé de façon non consensuelle? Mohamed ould MAOULOUD : Je pense qu’il faut tourner la question d’une autre façon. Est ce que le pouvoir peut prendre le risque de défier tout le pays, pour une seconde fois, chercher à imposer des élections que personne n’accepte, ni l’opposition, ni l’opinion publique ? Et, même, au niveau de la majorité, que tout le monde considère comme impossible matériellement, dans les délais qu’ils viennent de fixer. Tout le monde sait que la CENI a du, pratiquement, se résigner à accepter les exigences du pouvoir pour convoquer, dans les délais, et dans l’approche voulue par l’UPR. Donc, évidemment, est ce que lui il peut prendre le risque de défier ainsi l’opinion publique nationale et les forces politiques nationales et l’opposition nationale? C’est ça la bonne question.
Mariem mint DERWICH : On va revenir sur une candidature unique. Pour l’instant on n’a pas de réponses. On va attendre, dans les mois à venir, la position définitive de la COD, au sujet des élections. Après ces élections législatives et municipales, il va y avoir les élections présidentielles en ligne de mire. On a vu que tout s’est mis en ordre de bataille, aussi bien dans la majorité que dans les oppositions. Est ce qu’il serait envisageable, un jour, pour pouvoir battre le Président actuel, que l’opposition présente un candidat unique? Est ce que c’est quelque chose qui se discute dans les états majors, qui se discute entre les différents partis ? Une candidature unique aux prochaines élections présidentielles face à ould Abdel Aziz? Mohamed ould MAOULOUD : Vous faites une très bonne suggestion. Pour l’opposition je ne peux pas dire que nous commençons déjà à en discuter. Mais c’est une question qui mérite d’être discutée. A mon avis. Et je pense que la question la plus importante c’est que tout le monde prenne conscience que le combat pour la démocratie est un combat pour la survie de la Mauritanie. Ce n’est pas une affaire d’opposition. Ce n’est pas une affaire de l’UFP. Ce n’est pas une affaire de tel groupe., de telle coalition. C’est une question qui vous concerne vous. Vous ne pouvez pas vivre normalement dans un état mafieux, sous un pouvoir mafieux, Nous avons besoin d’un état de droit. Et que les élections se fassent de façon transparente, de façon normale, consensuelle, c’est au bénéfice de tout le monde. Mariem mint DERWICH : N’est ce pas un voeu un peu pieux en sachant le rôle de l’armée derrière, l’armée toujours dans l’ombre, on l’a vu avec la chute de Sidi ould Cheikh Abdallahi? L’armée n’a pas lâché le pouvoir, et n’est pas prête à lâcher le pouvoir, qu’elle soit devant ou qu’elle reste dans l’ombre. Est ce que ce n’est pas un voeu pieux que ces grands mots « démocratie », « élections libres transparentes, »? Mohamed ould MAOULOUD : L’armée est une partie du peuple. Et si le peuple se dresse contre le projet d’un seul homme...... Au niveau de l’opposition on considère qu’il y a une bande de 7 personnes à peu près qui gère actuellement le pays dans un esprit essentiellement affairiste. Ce groupe là de personnes n’a pas le soutien de l’armée. Il n’a pas le soutien, même, des partis de la majorité. Tout le monde prend conscience que son entreprise est dangereuse pour la stabilité du pays, est dangereuse pour son économie, est dangereuse pour la construction de l’état lui même. Est ce que vous vous rendez compte qu’il a mis à bas l’administration publique? Elle n’existe plus actuellement. Il n’y a plus d’administration. La sécurité aujourd’hui n’existe plus. La police a été démantelée, on l’a fait tourner dans tous les sens, on l’a fait éclater, Il n’y a plus, véritablement, de système de sécurité. Même l’armée est éclatée en plusieurs morceaux, tout cela dans le but de contrôler le pouvoir. L’enjeu aujourd’hui n’est pas un enjeu électoraliste. C’est un enjeu de survie. Il faut que ce Président là , avec sa façon de gouverner le pays, quitte la scène politique et laisse le peuple mauritanien gérer correctement. Il a fait assez de torts. Si son rôle est positif après 7 ans, c’est suffisant. Bon, on peut le remercier. Si c’est négatif il faut qu’il permette à d’autres de faire l’expérience..... Abdoulaye DIAGANA : Amis auditeurs c’était Mariem mint DERWICH et Abdoulaye DIAGANA pour Kassataya.com face à Monsieur Mohamed ould Maouloud. Interview réalisée le 25 Juillet 2013 à Nouakchott. Source : www.kassataya.com
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