Le Mouvement negro-mauritanien «Touche pas à ma nationalité» (TPMN) a adressé le 13 décembre une lettre à l’Emir du Qatar pour demander l’arrestation et la traduction en justice de l’ex- président Ould Taya en exil à Doha depuis Aout 2005. La lettre a été remise à l’Ambassadeur Qatari à Nouakchott suite à un sit-in organisé le 13 décembre...
...devant son Ambassade à Nouakchott en commémoration du 64ème anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme . Ould Taya qui a dirigé le pays entre 1984 et 2005 est accusé par des organisations de droits de l’homme d’avoir exclusivement ciblé la communauté negro-mauritanienne par de graves atteintes aux droits de l’homme qui ont culminé en 1989 avec des déportations et des exécutions extrajudiciaires qui ont touché des militaires noirs entre 1990-91. Les auteurs directs de ces violations n’ont jamais été poursuivis et certains d’entre eux continuent à occuper les devants en 2012, ici, en Mauritanie, bien qu’ayant été identifiés dans un rapport d’une commission d’enquête mise en place en 1991 (sous Ould Taya) et présidée à l’époque, par l’actuel chef d’état- Major de la Gendarmerie, le général (negromauritanien) Ndiaga Dieng.
Par la suite, le parlement avait voté en 1993 une loi d’amnistie pour tous les faits relatifs à cette sombre période de l’histoire mauritanienne. Et le gouvernement mauritanien après une longue période de négationnisme a entrepris depuis 2007 plusieurs chantiers visant à apurer le tragique dossier du passif humanitaire (déportés, atteintes aux droits de l’homme). Cette orientation s’était traduite également par le vote d’une loi criminalisant les pratiques esclavagistes. Plus de 35 000 mauritaniens expulsés au Sénégal en 1989 étaient revenus entre 1994 et 2005 et 25 000 autres mauritaniens expulsés au Sénégal sont également revenus au pays entre 2008 et 2012 et ont été installés dans une centaine de villages situés dans 5 régions de Mauritanie . Pour les atteintes aux droits de l’homme, le gouvernement mauritanien qui a reconnu officiellement les faits en 2007 , a signé en 2009 des accords avec des organisations représentant les victimes portant sur des réparations qui ont été effectivement versées à leurs ayants droits. Mais cette approche est contestée par une partie des organisations de victimes qui exigent la levée de la loi d’amnistie et la vérité avant toute réparation.
A son altesse Cheikh Hamid Al Thani, Emir du Qatar Objet : Demande d’arrestation et de traduction en justice du dictateur Ould Taya Votre altesse, Le mouvement Touche pas à ma nationalité qui se bat pour l’émergence d’une Mauritanie une et plurielle débarrassée des démons du racisme et de l’esclavage et qui rétablirait le citoyen noir dans sa dignité saisit l’occasion de la célébration du 64 anniversaire de la déclaration universelle des droits de l’homme pour vous demander de réparer une injustice dont le votre pourrait être complice bien malgré lui. Le Qatar qui aspire aujourd’hui à jouer un rôle de premier plan dans l’espace géopolitique mondial et en particulier dans le devenir du monde arabe comme en témoignent vos positions courageuses dans ce qu’il est convenu d’appeler les printemps arabes, accueille sur son territoire le plus grand criminel que la Mauritanie ait jamais connu en la personne de son ancien président, Moâwiya Ould Sid’Ahmed Taya Cet homme, qui a régné sans partage sur la Mauritanie pendant plus de vingt ans, a sur les mains le sang de milliers de mauritaniens dont le seul tort était d’être noirs et non arabes. Sous son règne en effet, a eu lieu une opération d’épuration de la Mauritanie de sa composante négro-africaine qui s’est traduite dans les faits par l’assassinat de plus de cinq cents militaires entre 1990 et 1991 dans les camps mouroirs d’Inal, Jreida, Azlatt et autres. Dans le même temps 355 citoyens noirs civils, cette fois, sont massacrés dans la vallée du fleuve qui tient lieu de frontière avec le Sénégal et 476 villages peuplés de noirs sont détruits et leurs habitants déportés vers le Sénégal et le Mali. Ils seront au total plus de 120.000 noirs de Mauritanie à être déportés dans ces deux pays voisins. Ces faits, dont la gravité n’a jamais été égalée dans l’histoire de la Mauritanie et dont le paroxysme a été atteint dans la nuit du 27 au 28 novembre 1990, avec la pendaison de 29 militaires noirs à Inal pour célébrer le trentième anniversaire de l’indépendance nationale, relèvent des crimes de génocide et des crimes contre l’humanité par leur caractère systématique et généralisé (toutes les catégories socioprofessionnelles : civils et militaires, formel et informel, etc.) et par leur orientation ethnico-raciale (seuls les négro-mauritaniens sont touchés)qui démontrent, si besoin est, que l’épuration ethnique était planifiée et savamment orchestrée au plus haut niveau de l’Etat mauritanien. Il est impensable en effet qu’une opération d’une telle ampleur puisse se faire sans la bénédiction des plus hautes autorités du pays ; d’autant plus que la Mauritanie vivait alors sous la férule d’une dictature militaire qu’incarnait le colonel Ould Taya.
Le régime de Mohamed Ould Abdel Aziz qui règne sur la Mauritanie aujourd’hui ne demandera jamais l’extradition d’Ould Taya pour des raisons objectives : le système raciste et esclavagiste qui régissait le pays reste entier et la meilleure preuve en est que l’exclusion des noirs mauritaniens devient chaque jour plus prononcée pendant que les exécutants des crimes cités ici trustent, en guise de récompense, les plus hautes responsabilités de l’Etat. Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de procéder à l’arrestation de ce criminel et, à défaut de pouvoir le juger, de le livrer à des instances judiciaires à même de prononcer la justice dans de tels cas (le tribunal pénal international où la justice belge qui a enregistré une plainte contre Ould Taya, jugée recevable). Pour la grandeur du Qatar, pour l’ambition que vous avez pour votre pays, pour les valeurs et principes de notre sainte religion, pour la dignité humaine et pour bien d’autres raisons encore, il est de votre devoir de faire en sorte que justice soit rendue. Nouakchott le 13 décembre 2012 La coordination
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