La Télévision de Mauritanie (TVM) a réussi la soirée du 1er mars, le pari d’organiser un débat télévisé entre des députés de la majorité et ceux de l’opposition. Les élus et représentants de l’opposition boudaient jusqu’ici la Télévision publique, qui les invitaient...
...spécialement pour les humilier, avec des présentateurs et invités, jouant des rôles de militants zélés le tout dans la mauvaise foi, l’hypocrisie et l’arrogance. Il n’en sera pas ainsi, avec la recente émission, bien que boycottée sous un prétexte plutôt démago, par l’APP, un parti de l’opposition dialoguiste.
L’émission du 1er mars annonce probablement un tournant, à moins qu’il ne s’agisse d’une autre parenthèse, semblable à celles, de septembre et décembre 2008. Cette fois, le présentateur Taghiyoullah, a vraiment été neutre, même si ses questions sont restées ordinaires, prévisibles , qu’il n’ y a pas eu de synthèse des idées émises, de relance, et surtout pas de recherche de points de convergence ver lesquels le présentateur pouvait entraîner ses invités pour mener le jeu au lieu de le subir.
Mais c’est trop demander aux purs (et pires) produits des médias publics. TVM semble avoir privilégié l’équité dans le temps de parole, alors qu’on est pas en campagne électorale et qu’elle n’est pas la HAPA, non plus.
En définitive, l’émission bien suivie par les Mauritaniens, n’aura rien apporté de neuf, faute de talents. Elle a démontré, combien, le fossé est grand entre les élus de la majorité et ceux de l’opposition non dialoguiste.
Les parlementaires de la majorité dont seulement 2, avaient un bon niveau ont été défensifs et furent déstabilisés par leur propre stratégie de marquage des députés de l’opposition, tous, de très haut niveau.
Par moments, les échanges ont été vraiment bas, avec invectives, quolibets, effronterie et manque de galanterie surtout à l’endroit de l’unique dame qui fut la vedette de l’émission.
Les politiques mauritaniens ne savent pas malheureusement cultiver le consensualisme. Ils sont trop marqués par leur ancrage pour l’opposition, et par le zèle qu’ils assimilent à la loyauté, pour les partisans du pouvoir.
N’empêche, l’émission était globalement bonne, et le pluralisme, surtout, y était. Pas la peine donc d’en minimiser la portée. Elle a été un très bon pas à l’avant, qu’il faille maintenir et améliorer.
C’est le thème des amendements constitutionnels (consécutifs au Dialogue de septembre dernier, couronné par un Accord Politique et en voie d’être adoptés par un congrès parlementaire, boycotté par les élus de l’opposition) qui a été le premier sujet abordé par les invités. En plus de Taghiyoullah il y avait : Sidi Mohamed Ould Maham , Mohamed Fadel Ould Tiyib (El Wiam-opposition dialoguiste), El Hadj Abdoul Ba et Mohamed Ould Bebana pour la Majorité. Coté opposition (non dialoguiste) il y avait Nana mint Cheikhna , Saleck Ould Sidi Mahmoud, Moustapha Ould Bedreddine et Ba Aliou Ibra.
Le député d’Atar Sidi Mohamed Ould Maham (UPR) a pris la parole le premier après le préambule plutôt bon de Taghiyoullah, et ce, pour défendre les amendements constitutionnels qui seraient -selon lui- le fruit d’un dialogue «national historique» dont les résultats ont «constitutionalisé la criminalisation de l’esclavage, permis la création d’une CENI, donné aux femmes un liste législative et criminalisé la torture».
Plutôt posé en début de l’émission, ce qui ne sera pas le cas par la suite, Ould Maham a dit que le dialogue a démontré «la force et la capacité des mauritaniens » à trouver des solutions à leurs problèmes, regretté que des partis d’opposition n’y ont pas pris part et souligné que ses résultats constituent des «acquis pour les générations futures». En réponse au plaidoyer de Ould Maham, Nana mint Cheikhna, députée du RFD a tenu d’abord à expliquer la raison de la participation des élus de l’opposition au débat télévisé : «Nous avons répondu favorablement à une demande de TVM, notre but est d’informer l’opinion publique sur nos positions». Et sans tarder, elle annonce un autre son de cloche. «Les amendements ne peuvent être votés par un parlement (élu en novembre 2006, ndlr) dont le mandat a expiré. La constitution est claire: notre mandat est de 5 ans. Le conseil constitutionnel ne peut le proroger par avis, comme il l’a fait au début, avant la loi constitutionnelle prise hors délai » affirme- t-elle. Et d’ajouter : « Mais Mohamed Ould Abdel Aziz nous a habitués à violer la constitution. Il a violé l’article 47 de la constitution sur le mandat du parlement, ainsi qu’avec la guerre qu’il livre à l’intérieur et à l’extérieur du pays sans l’aval du parlement, et l’article 78 qui stipule que les conventions internationales doivent être soumises au parlement et qui ne l’ont pas été. Nous vivons dans un vide juridique, avec un gouvernement à légitimité limitée», assène-t-elle Le député de Kiffa Mohamed Vall Ould Tiyeb (El Wiam) a joué par la suite aux pompiers avec une intervention «crème glacée».
Il a dit remercier le peuple mauritanien pour «les acquis du dialogue» annonçant que les amendements constitutionnels obtenus sont les meilleurs depuis 1971, qu’ils ont touché la problématique de l’esclavage qui était utilisée comme "fonds de commerce" et demandé aux députés de ne plus douter de leur légitimité malgré l’échéance du mandat du parlement. Autre député, autre lecture !
Saleck Ould Sidi Mahmoud député de Tawassoul dénonce «les paroles mielleuses» de certains députés, soulignant qu’elles ne sont «ni sérieuses, ni sincères». «Ce régime nous a habitués à avoir un talisman dans une main, et un couteau dans l’autre» dit-il. Et d’enchaîner : «Cette émission est un jeu et nous avons accepté d’y participer en tant que telle, vous nous parlez de criminalisation de la torture, mais, même, des filles ont été récemment torturées, des jeunes ont été jetés en prison sur des persomptions d’incendie de bus en panne. Pourtant, il y a quelqu’un qui a reconnu avoir tiré une balle dans la poitrine d’une citoyenne et n’est pas resté 24 heures en prison». «La CENI ? Le conseil constitutionnel a rejeté son texte, on ne sait si cette décision vient du Conseil constitutionnel ou d’ailleurs. Vous devez savoir que nous n’avons pas un mandat à vie. Notre mandat a expiré. Nous devrions remettre la responsabilité à d’autres parlementaires élus, mais un coupeur de route a bloqué le processus, et c’est lui le responsable du retard de l’élection» dit-il. La parole est revenue au sénateur El Hadj Abdoul Ba qui semblait lire son intervention contrairement aux autres invités.
«Il y a points à préciser» débute-t-il. Lesquels ? «C’est l’opposition qui demandé le report des élections, les reformes c’est l’opposition qui les a demandé, cela renforce la démocratie, l’identité a été affirmée dans les amendements constitutionnels, le congrès parlementaire est constitutionnel, il est moins coûteux que le referendum», annonce-t-il. Très bon, on passe ! Le député Moustapha Ould Bedreddine annonce la couleur et minimise la portée de l’emisssion.
«Cette émission n’est qu’un prolongement des débats parlementaires auxquels les telespectacteurs sont habitués». «Nous n’avons pas participé à une émission de la télévision (publique) depuis 2007. Elle a travaillé 4 ans sans nous donner la parole, se limitant à servir le régime. Il n’y a jamais eu de dialogue, sauf entre la majorité et la majorité. Un dialogue qui n’aboutit pas au départ du régime militaire et à l’avènement d’un régime civil n’en est pas un. Ce dialogue n’a fait qu’augmenter le nombre de députés, donné des assistants aux députés, alors que la sécheresse frappe, qu’il n’ y a pas d’espoir malgré le programme «espoir 2012» qui prévoit 222 grammes de blé, par vache. Le sac de riz se vend à 12. 500 UM. Le pays a besoin de reformes, autres que la prorogation du mandat d’un parlement devenu illégal » Après cette salve, le tour est revenu au député Mohamed Ould Bebana qui s’est dit «étonné» du refus des résultats du dialogue, (il n’a pas lu les communiqués de la COD d’octobre dernier?) que c’est l’opposition qui a demandé le report des élections et qui aujourd’hui s’en plaint, indiquant que le parlement est bien légal, car s’il y a l’article 47 de la constitution qui en fixe le mandat, il y a aussi l’article 52 qui dit qu’il doit tenir obligatoirement deux sessions par ans, et que c’est sur la base du mot : obligatoirement que le parlement poursuit son mandat.
Et sans développer son argumentaire juridique, le député-avocat, préfère glisser vers la polémique politicienne. Ould Bebana s’adresse alors à Salek Ould Sidi Mahmoud, député de Tawassoul : «Ton parti a été le premier à reconnaître le Président, vous ne pouvez revenir la dessus parce que vous n’êtes pas à l’aise». Ba Aliou Ibra a été le dernier à intervenir dans le premier tour de parole soulignant que l’opposition n’a pas accès aux medias publics, citant à cet effet, l’exemple des derniers meetings organisés par la COD au niveau national qui n’ont pas eu d’échos au niveau de ces même médias.
Concernant l’émission, il a estimé qu’elle n’est qu’une «délocalisation» du débat parlementaire et n’a pas une autre signification.
Abordant les amendements constitutionnels, il dira que la constitution constitue un document essentiel qui ne doit pas être «tripotée » surtout dans ce contexte de crise institutionnelle, politique économique et sociale et également dans un contexte sous régional marqué par un conflit armé à nos frontières.
M. Ba Aliou a indiqué en guise de conclusion, que l’essentiel est plutôt de "discuter la façon dont nous sommes gouvernés actuellement en Mauritanie" et qu’il ne faut pas non plus confondre débat politique et dialogue. C’était là , l’essentiel de l’émission, qui allait être marquée dans ses deux autres tours de paroles, par des échanges indécents mais sur lesquels nous reviendrons dans notre prochaine livraison. IOM
|