Inutile de chercher à décrypter le cerveau de Kadhafi   
03/03/2011

S’interroger ouvertement sur la santé mentale du colonel Mouammar Kadhafi est peut-être devenu un exercice à la mode, mais il est inutile de cataloguer ou de tenter de prévoir son comportement, avertissent des psychiatres. "Quand le comportement de certains individus sort de notre cadre normal de pensée, d’une manière qui menace ou nuit aux autres, nous sommes...



...tellement déconcertés que nous essayons de trouver une manière de l’expliquer", note Nigel Eastman, professeur de psychiatrie à l’université St George’s de Londres. "Mais il existe un écart insurmontable entre notre besoin de les comprendre et notre faculté de parvenir à une interprétation valide." Peu de personnes contestent que le comportement de Kadhafi est par moment erratique. Dans l’un de ses discours prononcés depuis le début de l’insurrection en Libye, le "guide" libyen a accusé les rebelles d’être des jeunes gens nourris de lait et de café en poudre corsé aux pilules hallucinogènes. Les gardes du corps féminines (ses célèbres "amazones"), l’habitude de dormir sous une tente bédouine sont autant de signes arborés par l’extravagant dirigeant libyen qui n’a par ailleurs jamais hésité à réprimer brutalement ses opposants. "A l’évidence, c’est un homme très étrange et malfaisant", reconnaît le professeur Eastman. Ibrahim Dabbachi, représentant adjoint de la Libye aux Nations unies passé dans le camp de la rébellion, a prédit la semaine dernière que Kadhafi mourrait les armes à la main ou se suiciderait plutôt que d’être chassé du pouvoir. Pour Kingsley Norton, spécialiste des troubles de la personnalité au West London Mental Health Trust (WLMHT, fondation de l’ouest de Londres pour la santé mentale), le calme affiché parfois par Kadhafi, dans son interview à la BBC et à ABC en début de semaine par exemple, peut être la preuve que le dirigeant libyen connaît déjà la fin de l’histoire. "Les gens sous pression (...) deviennent calmes en apparence lorsqu’ils ont comme une certitude intérieure à propos de leur propre sort. Cela peut venir d’une croyance religieuse profondément ancrée ou du fait qu’ils ont un ’plan B’, comme le suicide ou la fuite vers un endroit sûr", dit-il. Les psychiatres se méfient cependant de tout "diagnostic". La tendance à vouloir étiqueter les maladies mentales en dit plus sur le besoin de nos sociétés à trouver une explication à certains comportements que sur les patients eux-mêmes, disent-ils. "On voit des gens lancer des diagnostics à partir d’un discours ou d’un comportement, mais tout cela ne fait qu’ajouter à la stigmatisation des maladies mentales", déplore Michael Phelan, consultant de la WLMHT. "Si quelqu’un accomplit quelque chose de vraiment héroïque, quelque chose d’irrationnel qui a sauvé des vies, personne n’osera le qualifier de fou. Ce ne sont que les mauvaises choses qui sont étiquetées comme relevant de la folie."

Sur un autre plan le gouvernement libyen a accepté le plan vénézuélien de recherche d’une solution négociée à la crise en Libye, a annoncé jeudi un porte-parole du président Hugo Chavez. Le ministre de l’Information, Andres Izarra, a également confirmé l’intérêt de la Ligue arabe pour le plan Chavez. Pour sa part, le journal libyen en ligne Yosberides donne la même information, sans donner de source. Ce journal, qui a pris la succession de Khourina, ajoute que le plan vénézuélien a aussi été approuvé par la Ligue arabe. Le chef de l’Etat vénézuélien propose l’envoi d’une mission de médiation internationale formée de représentants de pays d’Amérique latine, d’Europe et du Proche-Orient pour tenter de négocier une issue entre le régime libyen et les insurgés.

 

Rappel des événements en Libye, en proie depuis le 15 février à une révolte contre un régime au pouvoir depuis près de 42 ans.

3 mars: Frappe aérienne de l’armée à Brega (est de Tripoli). L’opposition affirme avoir capturé une centaine de combattants lors des affrontements de la veille à Brega. Trois militaires néerlandais sont faits prisonniers dimanche par l’armée libyenne (ministère néerlandais de la Défense). Kadhafi, ses fils et de hauts dirigeants visés par une enquête de la CPI pour "crimes contre l’humanité".

Entrée en vigueur des sanctions européennes -notamment gel des avoirs et interdictions de visas- à l’encontre du clan Kadhafi. Pont aérien mis en place par les Européens pour évacuer de Tunisie vers le Caire des milliers d’Egyptiens. Quelque 90.000 personnes ont traversé la frontière tuniso-libyenne depuis le 20 février (ONU à Tunis).

- 2 mars: Contre-offensives des forces pro-Kadhafi appuyées par l’aviation et l’artillerie lourde à Brega (12 morts, selon une source médicale) et raids aériens sur Ajdabiya. Kadhafi promet des "milliers de morts" en cas d’intervention militaire des Occidentaux. L’ex-ministre libyen de la Justice présidera le "Conseil national" mis en place par les insurgés qui contrôlent l’est du pays, annonce le porte-parole des institutions provisoires à Benghazi. L’opposition réclame des frappes de l’ONU contre les mercenaires pro-régime. Plusieurs navires de guerre, américains, français, canadiens notamment, en route vers la Libye. 6.000 morts (3.000 à Tripoli, 2.000 à Benghazi) depuis le début du soulèvement (Ligue libyenne des droits de l’Homme).

- 1er mars: L’opposition contrôle tout l’Est et de nombreuses villes de l’Ouest, Tripoli et ses environs restant sous le contrôle des forces pro-Kadhafi. Kadhafi, "politiquement mort", doit quitter le pouvoir, affirme une source au Kremlin. L’opposition annonce la création d’un conseil militaire à Benghazi.

- 28: Après l’ONU et les Etats-Unis, l’Union européenne adopte un embargo sur les armes et gèle des avoirs du clan Kadhafi.

- 27: Poursuite des évacuations massives d’étrangers (près de 100.000 personnes), travailleurs égyptiens et tunisiens principalement.

- 26: Le président américain Barack Obama affirme que Kadhafi doit "partir maintenant".

- 23 au 25: Zouara (ouest de Tripoli) aux mains des opposants (témoins). La région orientale pétrolière contrôlée par les insurgés.

- 20 au 22: Massacres et tirs à l’arme lourde à Benghazi (témoins). Heurts sanglants à Al Baïda. Défection de hauts responsables libyens, ministres, diplomates. A la télévision, Kadhafi assure qu’il se battra jusqu’à la mort, menace les manifestants et appelle ses partisans à le soutenir.

- 18 et 19: Violences à Benghazi où l’armée repousse à balles réelles des manifestants. Affrontements à Al Baïda. Heurts sanglants à Misrata (est de Tripoli). Des "mercenaires africains" tirent sur la foule (témoins).

- 15 au 17: Six morts à Benghazi, deux à Al Baïda (est) lors de la "Journée de la colère" lancée sur Facebook après la violente dispersion par la police d’un sit-in contre le pouvoir à Benghazi (est), deuxième ville du pays et bastion de l’opposition.

Reuters/Afp


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