Cinquantenaire de l’Indépendance Nationale : Mémorandum de l’AJD/MR    
05/10/2010

Le 28 novembre 2010, à l’instar de beaucoup de pays africains, la Mauritanie célèbre le cinquantenaire de l’indépendance nationale, c’est-à-dire l’accession à la souveraineté internationale. Cependant, pour la Mauritanie, moins pour l’essentiel des autres pays, l’indépendance nationale...



...c’était d’abord la reconnaissance des contours d’un état-nation à construire que la France, l’ancienne puissance colonisatrice tenait coûte que coûte, à imposer, face à des voisins au nord, au sud et l’est qui considéraient son avènement comme un démembrement de leur propre territoire.

 

En effet dès 1904, la France créait pour ses propres intérêts stratégiques et économiques, le territoire civil de Mauritanie situé entre le Sénégal, le Maroc, le Mali et l’Algérie, et composé de la rive droite du fleuve Sénégal et du « Trab el beydan Â» : le pays maure. En 1936, elle rattache l’Assaba à cet ensemble puis les deux Hodhs qui faisaient parti du Soudan français, en 1947.

Une volonté unitaire des habitants de ce territoire ainsi délimité, s’exprimera en 1958 lors du congrès d’Aleg, sous la houlette de Me Moctar Ould Daddah, futur président de la république qui appelle à Â« faire ensemble la patrie mauritanienne Â». Les leaders des populations du Sud qui étaient très inquiets quant à leur avenir dans cet ensemble à dominante arabo-berbère, auraient obtenu des garanties non inscrites dans la constitution pour que le nouvel état soit un trait d’union entre l’Afrique noire et le monde Arabe et respecte leur réalité culturelle spécifique. La Mauritanie ne fera pas alors partie de la fédération du Mali qui regroupera finalement le Sénégal et le Soudan (actuel Mali).

En 1960, l’idéologie de la construction nationale a réussi à jeter les bases de l’édification d’un Etat moderne sans infrastructures de base qui devrait sortir du sable sa capitale administrative avec un personnel technique et administratif réduit où les éléments originaires du Sud du pays qu’ils soient négro-africains ou arabo-berbères étaient les plus nombreux pour avoir fréquenté plus tôt l’école française.

La diplomatie mauritanienne, soutenue fortement par la France et les pays de l’ex-AOF, en plus de la Tunisie dans le Maghreb, permettra au jeune état d’entrer aux Nations Unies et obtenir par la suite, l’aide de certains pays amis en particulier les pays arabes et islamiques pour amorcer un développement prodigieux sous l’égide du Président Moctar Ould Daddah.

N’eût été l’entrée presque forcée de la Mauritanie dans la guerre du Sahara, le pays n’aurait certainement pas connu de sitôt, l’intervention de l’armée dans les affaires politiques. La gestion militaire a connu des fortunes diverses suivant les chefs qui ont exercé le pouvoir à un moment donné. La Mauritanie a frôlé l’éclatement et connu le désastre avec l’avènement de Maouiya Ould Sid’ Ahmed Taya, lequel, au moment de son éviction avait légué un pays divisé par des années de dictature et d’oppression nationale en direction de la communauté négro-africaine qui a subi un véritable génocide, une épuration ethnique, un déni de droit et de nationalité de la part de l’Etat et de son système.

L’opposition à ce drame de bon nombre de citoyens de la communauté arabe dont la plupart pour leur propre sécurité y assistaient impuissants, n’a pu empêcher la déportation au Sénégal de près de 60 000 mauritaniens. C’est également ce système qui a porté la gabegie à son plus haut niveau, faisant de la drogue et du blanchissement de l’argent sale, les éléments essentiels de son mirage de développement économique. La crédibilité des institutions était au plus bas niveau et le terrorisme jihadiste commençait à faire son apparition dans un pays où l’esclavage continue de plus belle malgré toutes les lois votées puis bafouées par ceux là mêmes qui étaient chargés de les faire respecter.

En vérité, la guerre du Sahara ne suffit pas pour expliquer les dérapages institutionnels et les diverses crises sociales et économiques que le pays a connus et qui continuent à miner notre existence. Si Moctar Ould Daddah a réussi à redonner à la Mauritanie une certaine indépendance économique par la rupture des accords de coopération avec l’ancienne puissance coloniale, la nationalisation de la MIFERMA devenue la SNIM, la création de la monnaie nationale l’ouguiya et la création d’une bourgeoisie nationale grâce aux pétrodollars qui ont beaucoup investi dans les entreprises et banques nationales, ou mixtes, cela s’est fait à la faveur d’une seule communauté nationale. Les arabo-berbères ont été les seuls bénéficiaires de cette manne économique. La langue arabe était également la seule langue nationale élevée au rang de langue officielle pour détrôner le français afin de corriger disait-on le déséquilibre de l’administration et de l’éducation fortement dominés par les francisants.

La première erreur de Moctar Ould Daddah a donc été de favoriser la montée du chauvinisme arabe pour se rapprocher davantage du monde arabe, rompant ainsi le pacte de trait d’union conclu au départ des indépendances. L’arabisation forcée et forcenée n’a pas seulement créé les premières tensions inter-raciales de 1966, mais a surtout produit un enseignement au rabais de cette même langue arabe, au moment où le français et les francisants sont relégués à l’arrière plan. Les différentes réformes dont les aspects positifs sont savamment sabotés ou négligés n’ont pas réussi à empêcher notre administration et notre justice aujourd’hui, de connaître l’état de délabrement auquel nous assistons impuissants.

L’objectif assigné par certains pouvoirs et milieux chauvins de marginaliser les autres communautés non arabes ou asservies, réduira à néant les expressions culturelles et mêmes religieuses du pays. Maouiya poussera l’excès jusqu’à remettre en cause le consensus culturel réalisé sous le magistère du président Khouna Ould HAIDALLA sous des prétextes fallacieux.

Il faut souligner pour l’histoire que le régime de Moctar Ould DADDAH a été le plus stable et le plus crédible aux yeux de la communauté internationale et que les glissements vers le chauvinisme officiel et la culture du parti unique ont été favorisés par la duplicité de la classe politique au pouvoir Ã  l’époque, issue pour l’essentiel de la nomenklatura traditionnelle et féodale qui avait accompagné le pouvoir colonial, mais aussi d’une certaine opposition dite révolutionnaire qui, le moins qu’on puisse dire, est qu’elle s’était trompée de stratégie en prenant pour négligeables les contradictions au sein du peuple.

Le résultat au terme de cinquante ans d’indépendance formelle, c’est un pays divisé qui se cherche encore, où l’essentiel de ce qui constitue son fonctionnement administratif, économique, politique, culturel et social est monopolisé par quelques tributs ayant exercé le pouvoir dans la seule communauté arabe. Les Haratines et les Négro-africains sont systématiquement exclus des forces armées et de sécurité, du monde économique et commercial, de l’administration et de tous les autres secteurs importants y compris le secteur privé. Les exceptions qui confirment la règle servent de faire valoir à une oligarchie éthnoraciale de plus en plus réduite.

L’économie reste tributaire des ressources extractives dont l’exploitation est mal gérée, une bourgeoisie préfabriquée par l’administration et qui continue à piller les ressources naturelles, une classe politique qui vieillit et n’ayant aucune stratégie cohérente sinon le désir coûte que coûte d’être au pouvoir, étant miné par l’opportunisme, le racisme, le régionalisme et le tribalisme. En face, une paupérisation de plus en plus accrue, une démographie galopante qui augmente considérablement, une population de plus en plus désoeuvrée et en mauvaise santé, une administration pléthorique inefficace et bloquée.

Que faire ?
L’AJD/MR, fidèle à sa ligne qui consiste, entre autres, à construire une nation d’abord réconciliée avec elle-même, s’appuyant sur ses propres ressources humaines, culturelles et économiques et utilisant les connaissances scientifiques et techniques et ses relations internationales, pour un développement harmonieux, respectant l’unique religion du peuple, l’islam ; réitère ses propositions :

1-Pour réaliser l’unité nationale,

- Après les épreuves douloureuses que nous avons subies et qui ont laissé des marques indélébiles, il faut avant tout, réparer tous les torts subis dans une optique des devoirs de vérité, de mémoire et de justice tout en recherchant le pardon de la part des victimes.

- Les mauritaniens doivent ensuite trouver un consensus national pour réviser la loi fondamentale sur les aspects suivants :

-L’identité de la Mauritanie, pour réaffirmer son caractère de trait d’union.

-L’officialisation des langues nationales.

-Le partage du pouvoir entre les communautés et la question de la cohabitation.

Une fois cette étape franchie, les mauritaniens seront à mesure de faire face efficacement aux autres défis.

A) - Réorganiser nos institutions de manière à ce qu’elles soient en adéquation avec les réalités du pays et pour un développement plus efficient. Dans ce cadre quelques indications :

- Une régionalisation plus prononcée pour personnaliser les collectivités locales et leur donner plus d’autonomie.

- Revoir le nom de la Mauritanie qui n’évoque que l’appartenance à une seule communauté.

- Revoir l’hymne national qui est presque inconnu par le peuple mauritanien.

- Refaire le découpage électoral.

- Réécrire l’histoire de la Mauritanie.

- Réorganiser l’armée nationale pour permettre à toutes les communautés d’y prendre part et en faire une armée républicaine capable de défendre l’intégrité du pays.

- Réorganiser l’administration et la justice pour qu’elles soient au service des citoyens.

- Créer une nouvelle école mauritanienne pour former le mauritanien nouveau qui parlera nos langues nationales indifféremment et qui sera ouvert aux sciences et aux techniques tout en étant profondément ancré dans nos valeurs religieuses et sociales et imbu des principes de civisme.

B)-Repenser notre économie par la sauvegarde et la mise en valeur de nos ressources naturelles, mines, poissons, élevage et agriculture.

- Revoir la réforme foncière et domaniale pour satisfaire les objectifs de l’autosuffisance alimentaire sans déposséder injustement les propriétaires terriens et appliquer enfin la primauté accordée au monde rural et en faire le moteur de notre développement économique.

- Promouvoir une industrie basée sur la transformation de nos produits pour que la Mauritanie puisse franchir les étapes de développement et rattraper les pays émergeants dans les plus brefs délais. Notre pays, aujourd’hui plus que jamais, doit profiter du don que Dieu nous a fait, en nous pourvoyant de ressources naturelles considérables, pour les monnayer contre un transfert ciblé et efficient de la technologie moderne. Elle doit également mettre un accent particulier sur le développement du tourisme culturel ayant dans ce domaine des atouts que sont nos traditions religieuses, humaines et physiques des plus variées.

- Pour la sécurité de nos villes côtières et pour freiner l’érosion naturelle et la destruction de notre couvert végétal, une véritable politique environnementale doit occuper le devant de la scène pour les décennies à venir.

- Le nouveau danger constitué par le terrorisme nous interpelle dans l’urgence. La prise en charge de notre jeunesse désœuvrée et mal formée impose dans les plus brefs délais l’élaboration d’une politique globale, allant de l’éducation, à la formation et l’insertion, du sport aux actions culturelles. Les sportifs mauritaniens qui nous avaient fait rêver dans les premières années de l’indépendance peuvent encore mieux faire s’ils sont mis dans des conditions adéquates.

Pour les prochaines années, l’Etat mauritanien doit promouvoir une politique hardie et efficiente pour une véritable émancipation de la femme mauritanienne. Une telle orientation est nécessaire dans la mesure où elle appartient à un groupe vulnérable et qui, au demeurant, représente plus de la moitié de la population totale de notre pays. Eu égard à son statut de mère et d’éducatrice, elle doit bénéficier du respect, du soutien et de la solidarité de tout notre peuple et ne doit donc plus être considérée comme mineure et irresponsable ce qui implique le bannissement définitif de toutes pratiques phallocratiques et rétrograde. Elle doit jouir des mêmes droits et avoir les mêmes devoirs que l’homme.

Incontestablement, le développement économique, social et culturel de la Mauritanie ne peut se réaliser qu’avec une femme bien éduquée, bien formée, donc citoyenne à part entière.

 

La Commission Chargée du Suivi des Préparatifs du Cinquantenaire de l’Indépendance Nationale

Note : L’AJD/MR a envoyé ses propositions pour l’organisation des manifestations à l’appréciation de la commission


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