M. Ahmed Ould Daddah ex-principal opposant au régime renversé par le coup d’Etat militaire du 6 août et qui a soutenu le putsch en Mauritanie, a proposé le 4 février une sortie de crise passant par l’abandon du pouvoir par l’armée et le "non retour" du président destitué.
"Nous proposons comme points de sortie de crise l’abandon du pouvoir par l’armée et l’inéligibilité des membres des forces armées et de sécurité en service au 06 août 2008 aux prochaines élections présidentielles", a-t-il indiqué au cours d’une conférence de presse. De nombreux observateurs prévoient que le chef de la junte, le général Ould Abdel Aziz, se présentera au scrutin présidentiel. En octobre, il avait souligné qu’un militaire était en droit de se présenter s’il quittait l’uniforme. M. Ould Daddah a estimé que le "maintien de l’armée au pouvoir accentuera davantage l’isolement international du pays et l’exposera à de nouvelles sanctions économiques et politiques encore plus larges et plus dévastatrices". Mais, selon lui, "tous les membres du Haut Conseil d’Etat (junte) devront bénéficier de l’attention pleine et entière de la communauté nationale, leur accordant la sortie la plus honorable, à la hauteur du sacrifice qu’ils auront consenti pour la paix, la démocratie et le retour à l’ordre constitutionnel normal dans notre pays". La proposition de sortie de crise se base également sur "le refus du retour à la situation d’avant le 06 août 2008", écartant ainsi le retour au pouvoir du président déchu Sidi Ould Cheikh Abdallahi, premier président démocratiquement élu du pays. M. Ould Daddah rejette également la modification de la constitution "dans les circonstances d’exception actuelles" et exige des "garanties suffisantes pour l’organisation d’élections présidentielles libres et transparentes" Selon lui, il devrait être "interdit aux membres des autorités de transition de se présenter ou de soutenir directement ou indirectement un candidat" à la présidentielle de juin. Il suggère enfin la formation d’un "gouvernement d’union nationale chargé de gérer la période de transition" et la création d’une "commission électorale nationale indépendante (CENI) consensuelle et disposant de toutes les prérogatives nécessaires pour superviser l’ensemble du processus électoral".(Afp)
DECLARATION
La Mauritanie traverse aujourd’hui une période dangereuse de son histoire du fait de la crise multiforme qu’elle vit actuellement. Au plan institutionnel, un conseil militaire se trouve à la tête de l’Etat, en dehors du cadre constitutionnel issu de la volonté populaire, avec les répercussions négatives que cette situation engendre sur la gestion de l’administration et des institutions publiques.
Au plan économique, le pays connaît une crise économique aiguë illustrée, entre autres, par l’effondrement des prix des produits d’exportation tels que le fer, le pétrole et les produits halieutiques, ainsi qu’une baisse significative des quantités exportées. Tout cela se déroule dans le contexte de la crise économique et financière la plus grave que le monde ait connu depuis les années 20 du siècle dernier, crise qui a déjà entraîné la récession des économies des pays développés et dont les effets sur les petits pays seront encore plus dévastateurs. Cette situation est exacerbée par l’embargo de fait décrété contre le pays depuis plus de six mois par des bailleurs de fonds de premier plan tels que l’Union Européenne, les Etats-Unis d’Amérique, la Banque Mondiale, le FMI et d’autres partenaires étrangers. Il en a résulté la suspension de nombre de financements extérieurs, ce qui a eu pour conséquence de ralentir de façon considérable la vie économique et d’augmenter le chômage, entraînant dans la foulée la détérioration du niveau de vie des couches les plus vulnérables qui constituent la majorité de la population.
Au plan de la sécurité, la Mauritanie vit une situation préoccupante du fait des graves menaces que font peser sur elle les organisations terroristes et les réseaux de trafic des armes, de la drogue ainsi que les réseaux de l’immigration clandestine.
Au plan diplomatique, le pays se trouve aujourd’hui au ban de la communauté internationale et est exposé à de nouvelles sanctions économiques et politiques encore plus sévères et plus durables, mettant en péril ses intérêts vitaux et stratégiques.
Face à cette situation dangereuse, ayant toujours combattu avec constance et âpreté pour la défense des intérêts supérieurs de la Mauritanie, notamment la préservation de son unité nationale, l’ancrage de la démocratie, la promotion des droits de l’homme et des libertés publiques, la justice et la justice sociale, la bonne gouvernance, la prospérité économique et l’arrimage de la Mauritanie au concert des nations, loin de tout repli ou isolement, il revient aujourd’hui au RFD la responsabilité historique de contribuer à sortir notre pays de la crise dans laquelle il se débat actuellement.
Le fait que le parti ait toujours placé les intérêts supérieurs au dessus des intérêts égoïstes partisans trouve encore son illustration dans l’attitude positive qu’il a adoptée à l’égard des résultats électoraux de la présidentielle de 2007, malgré ses nombreuses réserves sur ces résultats. Il en est de même de l’attitude positive que nous avons eue à l’égard du changement du 06 août 2008, que nous avons accompagné de bonne foi, prenant au mot les déclarations des nouvelles autorités affirmant vouloir sortir le pays de l’impasse politique et ne point s’accaparer du pouvoir.
Compte tenu de tout ce qui précède, le RFD présente aujourd’hui l’initiative politique suivante en sept points pour sortir la Mauritanie de la crise actuelle :
1. le refus du retour à la situation d’avant le 06 août 2008 2. la non modification de la constitution dans les circonstances d’exception actuelles 3. l’abandon du pouvoir par l’armée et l’inéligibilité des membres des forces armées et de sécurité en service au 06 août 2008 aux prochaines élections présidentielles. En effet, le maintien de l’armée au pouvoir accentuera davantage l’isolement international du pays et l’exposera à de nouvelles sanctions économiques et politiques encore plus larges et plus dévastatrices. D’ailleurs, il existe des précédents ayant valeur de jurisprudence au plan national et régional pour déclarer l’inéligibilité des gouvernants militaires aux échéances électorales (le CMJD en 2005 et l’exemple guinéen actuel) Dans ce contexte, tous les membres du Haut Conseil d’Etat devront bénéficier de l’attention pleine et entière de la communauté nationale, leur accordant la sortie la plus honorable, à la hauteur du sacrifice qu’ils auront consenti pour la paix, la démocratie et le retour à l’ordre constitutionnel normal dans notre pays. 4. la présentation des garanties suffisantes pour l’organisation d’élections présidentielles libres et transparentes où il sera interdit aux membres des autorités de transition de se présenter ou de soutenir directement ou indirectement un candidat, comme ce fut le cas en 2007 5. la formation d’un gouvernement d’union nationale chargé de gérer la période de transition et constitué de représentants des partis politiques représentés au parlement et des autres formations à base populaire avérée
6. la constitution d’une commission électorale nationale indépendante (CENI) consensuelle et disposant de toutes les prérogatives nécessaires pour superviser l’ensemble du processus électoral, depuis la confection des listes électorales jusqu’à la proclamation des résultats électoraux 7. l’appel au dialogue immédiat entre tous les acteurs politiques concernés par la crise (Haut Conseil d’Etat, partis politiques qui soutiennent ce conseil, les partis membres du FNDD, les autres partis et les parlementaires) pour entamer un dialogue sérieux et sincère en vue d’aboutir à une feuille de route consensuelle pour la sortie de crise. Cet appel est adressé aussi aux partenaires extérieurs (Etats et organisations régionales et internationales) pour encourager ce dialogue et contribuer à sa réussite.
Enfin et pour sa part, le RFD restera disponible et ouvert au dialogue avec toutes ces parties.
Le Conseil National Le Bureau Exécutif
Nouakchott, le 08 Safar 1430 H - 03 février 2009
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