Deux initiatives ont été lancées les 8 et 9 octobre pour apporter une solution à la crise politique consécutive au coup d’Etat militaire du 6 août dernier. Une proposition a été avancée le 8 octobre, par un groupe de « sénateurs libres » supposés être proches d’Ely Ould Mohamed Vall, tandis qu’une deuxième proposition jugée plus «consistante» a été avancée le 9 octobre par Messaoud Ould Boulkheir président de l’Assemblée Nationale.
Les deux propositions se ressemblent notamment au niveau de l’organisation d’une élection présidentielle. La première, propose une solution sans le président renversé, ni les putschistes à travers une nouvelle élection présidentielle «suivant les dispositions de la constitution, c’est-à -dire, après un intérim assuré par le président du sénat consécutif à la démission du chef de l’Etat renversé ». La seconde proposition émanant du président de l’Assemblée nationale avance une sortie de crise «sans vainqueur, ni vaincu» à travers le retour au pouvoir, du président renversé, dans la perspective de superviser une élection présidentielle anticipée, en plus, de garanties aux membres de la junte qui ont mené le coup d’Etat du 6 août.
Jusqu’ici les positions n’avaient guère évolué chez les principaux protagonistes de la crise qui secoue la Mauritanie depuis le coup du 6 août. Le front Anti-putsch (FNDD) a accentué ses pressions en organisant des manifestations sauvagement réprimées par la junte. Manifestations qui vont reprendre de plus belle, avec notamment, l’ouverture scolaire et universitaire prévue le 12 octobre, après avoir été reculée. La junte a dépêché le 6 octobre, une mission à Addis Abeba pour renouer le contact rompu avec l’Union Africaine (UA) après que le président du Haut Conseil d’Etat (HCE-junte) ait rejeté l’ultimatum fixé par la communauté internationale, pour rétablir le président renversé au plus tard le 6 octobre. L’UA a réitèré dans l’après-midi du 7 octobre, son exigence de rétablissement du président Sidi Ould Cheikh Abdellahi. L’Union Africaine a déclaré qu’ «eu égard à l’absence d’avancée dans la restauration de l’ordre constitutionnel (...), le président de la commission soumettra, en temps opportun, des propositions concrètes sur la marche à suivre". Le Front Anti-putsch, a indiqué le 8 octobre, que l’UA devait "défendre sa crédibilité face au refus de la junte d’obtempérer à son ultimatum et dresser un constat d’échec de l’ultimatum auquel les militaires ont répondu par une escalade dans la répression de manifestations politiques et syndicales opposées au coup d’Etat". De son coté, la junte pense pouvoir régler les problèmes posés par le coup d’Etat avec des journées de concertations prévues avant le 15 octobre 2008 en fixant un calendrier pour une nouvelle transition. Le Front Anti-putsch refuse de participer à ces journées de concertation estimant que sa participation consacrerait «une légitimation du fait accompli du putsch». «Et puis qui nous dit qu’il n’y aura pas un nouveau putsch contre le président que nous aurons élu à l’issue des nouvelles journées de concertation ?», a indiqué un observateur indépendant. Au niveau du bloc soutenant le putsch, une dissidence animée par des «sénateurs libres» propose maintenant une "troisième voie :"Ni sidi (le président renversé) ni les militaires (putschistes). Cette voie a déjà été préconisée par «Conscience et Résistance » (CR), une organisation anarchiste, dont le président siége au Gouvernement de la junte. Le groupe de «sénateurs libres» s’investirait -selon des sources concordantes- pour encourager une candidature d’Ely Ould Mohamed Vall qui a dirigé la première transition militaire d’août 2005 à avril 2007. Les "sénateurs libres", qui faisaient partie du «Bataillon Parlementaire» favorable au coup d’Etat, rassemblent 20 des 56 membres du Sénat, et se seraient ainsi affranchis de la tutelle du Général Aziz sur eux. La menace des sanctions internationales a joué un rôle fondamental dans leur revirement tactique. Ainsi, Mohamed Ould Ghadda a, au nom du groupe des «sénateurs libres», affirmé que "le retour du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi au pouvoir ne constitue plus une solution envisageable et les militaires n’ont pas le droit de rester au pouvoir". Pour lui "une élection présidentielle doit avoir lieu suivant les dispositions de la constitution, c’est-à -dire après un intérim assuré par le président du sénat consécutif à la démission du chef de l’Etat renversé ». Mais faudrait-il que le président renversé démissionne ! Ladji Traoré, secrétaire général de l’Alliance Populaire Progressiste (APP) a qualifié les «sénateurs libres» de "plaisantins" Le sénateur Ould Ghadda a indiqué que son groupe est prêt à associer toutes les forces vives à leur projet, y compris les anciens présidents, dont Ely Ould Mohamed Vall. Des proches d’Ely, nient qu’il soit en lien direct avec les "sénateurs libres". Ely Ould Mohamed Vall ne s’est pas encore exprimé jusqu’ici. Son silence est perçu par des observateurs avisés comme une complicité manifeste avec les putschistes. Selon un connaisseur d’Ely, ce dernier, négocierait avec les militaires du Haut Conseil d’Etat sa candidature à la future élection présidentielle. Mais pour l’«entourage» d’Ely Ould Mohamed Vall,(cité par l’Afp) affirme que ce dernier n’a pas accepté le coup d’Etat du 6 août et qu’il a d’ailleurs estimé que "si la junte persiste, elle enfoncera le pays dans un tunnel bouché". Ce même entourage a souligné que «Ely pense que Sidi ne pourrait plus gérer durablement le pays pour plusieurs raisons, mais son retour au pouvoir est nécessaire au moins comme habillage, pour déclencher le processus de remise en place des institutions». L’éventuel come-back d’Ely Ould Mohamed Vall ne semble pas bien perçu. «Ely Ould Mohamed Vall figure parmi les gens qui ont manipulé le pays et la démocratie pendant 30 ans. Nous ne sommes pas des naïfs: sidi ne peut pas finir son mandat comme si de rien n’était. Il doit revenir à son poste à certaines conditions, en formant un gouvernement d’union nationale qui réglera un certain nombre de problèmes et préparera des élections générales", affirme Ladji Traoré. Un député du camp du Général Ould Abdel Aziz a estimé pour sa part que le Colonel Ely Ould Mohamed Vall devait "se mettre à l’écart pour le moment et laisser se réaliser les réformes envisagées par le mouvement de rectification du 6 août". «Se mettre à l’écart pour le moment» prouve qu’Ely est l’un des jokers du Haut Conseil d’Etat et qu’il y aura donc un «moment» pour cela!
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