26 jours après le putsch qui a renversé Sidi Ould Cheikh Abdallahi, premier président démocratiquement élu, la présidence du Haut Conseil d’Etat a formé par décret en date du 31 août, un nouveau Gouvernement de 28 ministres, soit avec 4 portefeuilles de moins, que l’ancienne équipe. La réduction du nombre des ministères résulte de la fusion de certains départements comme celui de l’Intérieur avec celui de la Décentralisation ou du ministère de l’Equipement avec celui des Transports.
Cinq ministres du Gouvernement renversé ont été maintenus dans leurs fonctions. Il s’agit de Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine (inamovible, depuis le 11 août 2005), Sidi Ould Tah, Sid’Ahmed Ould Rayess, Sy Adama et Mohamed Ould Mohamedou qui sont les ministres ayant «marché», dés les premières heures du coup d’Etat du 6 août. Une position qui n’a semble-t-il, pas plaidé en faveur d’«El Beda’e», qui avait pourtant quitté le RFD et scandé des poèmes à la gloire de «La Rectification» pour se voir traiter à la fin, comme la dizaine de ministres opposés au putsch et attachés au retour de l’ordre constitutionnel. Pas de traces non plus, dans ce Gouvernement, des députés frondeurs, des «initiatives populaires» d’Ahmed Baba Miske, de la mouvance de Zeine Ould Zeidane et des têtes d’affiche des «Nouvelles Forces du Changement». En somme, une bonne partie de ceux , qui peuvent donner des ingrédients à de nouvelles intrigues politiciennes. Et pourquoi pas à une nouvelle motion de censure? 23 nouveaux visages, le plus souvent jeunes et qualifiés, c’est le cas du nouveau ministre des Affaires Etrangères et du ministre du Pétrole et de l’Energie, ont fait leur entrée au Gouvernement. Mais deux femmes seulement font partie de la nouvelle équipe dans ce qui peut être perçu comme un accès de misogynie sinon un recul par rapport aux cabinets antérieurs. Aucune figure marquante des régimes précédents ne fait partie du nouveau cabinet. Au niveau du dosage régional et tribal, le Trarza s’est taillé la part du lion, même si on semble avoir encore opté pour le paramètre «un ministre/tribu/région/machin», une nouvelle sorte de proportionnelle qui favorise les petits ensembles (au sens démographique). Plusieurs partis politiques de moyenne envergure ont fait leur entrée au Gouvernement. Le HATEM avec 2 portefeuilles, le PRDR (3 portefeuilles) l’UDP (deux portefeuilles) Al Vadila (1 portefeuille). Prouesse ou arnaque ? Le Rassemblement des Forces démocratiques (RFD) a lui aussi, -selon les observateurs- réussi une prouesse sinon une arnaque. Il a obtenu quatre ministres qui étaient tous jusqu’au 31 août 2008, membres du RFD d’ Ahmed Ould Daddah. Il s’agit de Mohamed Ould Moine, Messaouda Mint Baham, Ahmed Ould Bah et Mohamed Abdellahi Ould Oudaa qui sont devenus respectivement ministre de la Communication et des Relations avec le Parlement, ministre du Développement Rural, ministre de l’Education nationale et ministre de l’Industrie. Tard dans la soirée du 31 août, le RFD a publié un communiqué dans lequel il a «réitéré sa position de réserve quant à sa participation au gouvernement, tant que les doléances avancées (…) au Haut Conseil d’Etat n’ont pas été satisfaites». Le RFD a ajouté que «tout membre du Parti qui participerait au gouvernement dans ces conditions sera automatiquement considéré comme démissionnaire». Deux lectures ont cependant été faites de la position du RFD. La première est que le RFD aurait opté pour une stratégie de participation indirecte qui lui permette d’être présent au Gouvernement sous la casquette de militants indisciplinés et «démissionnés». Cette option -assez machiavélique- lui permet d’avoir le beurre et le reste : n’ayant pas officiellement participé au Gouvernement, le RFD va donc continuer à diriger l’institution de l’Opposition Démocratique malgré son alignement sur le nouveau régime militaire. Toute participation directe au Gouvernement entraînera une situation redoutée –à la fois- par le RFD et le Haut Conseil d’Etat (HCE) car l’institution de l’Opposition Démocratique reviendra à l’Union des Forces du Progrès (UFP), le parti le plus représenté au Parlement, après le RFD. Une deuxième lecture présente hélas, un risque énorme pour le RFD. Elle implique que malgré les bons sentiments du RFD (qui vont de la compréhension à l’accompagnement), que les militaires ont commencé une stratégie de débauchage des militants de ce parti dans l’optique des futures élections présidentielles. Ce débauchage s’explique par le fait qu’Ahmed Ould Daddah est le challenger le plus coriace et qu’il faut l’affaiblir.
Rapprocher les mauritaniens divisés
Mais au delà des manœuvres politiciennes et des petites combines de carriéristes frustrés , le nouveau Gouvernement est interpellé sur plusieurs fronts. Il est principalement interpellé sur le front intérieur qui est très loin d’être acquis. Et c’est lui l’essentiel. Il faut trouver un compromis patriotique avec des moyens autres que la langue de bois des laudateurs/délateurs, le musellement, l’intimidation, le lynchage médiatique ou la répression. Il faut parvenir à d’abord à rapprocher les mauritaniens plus que jamais divisés par le coup d’Etat du 6 août. C’est après qu’il faudra se battre sur le front extérieur (après avoir concilié les Mauritaniens), afin d’éviter de voir notre pays, mis au ban de la communauté internationale. Une perspective qui ne doit laisser indifférents, ni les Anti, ni les Pro-putsch. Le discours du président du HCE en date du 17 août a tracé un vaste programme pour le nouveau du nouveau Gouvernement. Mais ce programme exige avant tout des ressources, un climat de stabilité. Il s’agit quand même de lutter contre la corruption, de réformer le système judiciaire, de lutter contre la pauvreté, de combler la fracture sociale, de consolider l’unité nationale, de lutter contre le terrorisme, de refonder le système éducatif, de créer les infrastructures nécessaires au développement du pays, de consolider et préserver les libertés individuelles et collectives, de lutter contre le trafic de drogue, et de dynamiser notre diplomatie. De grands chantiers, qui demandent l’implication et la participation de tous les mauritaniens, mais aussi des partenaires de la Mauritanie. IOM
Deux réactions Au chapitre des réactions intérieures à la formation du nouveau Gouvernement, Boidiel Ould Houmeid qui assure la présidence tournante du Front National de la Défense de la Démocratie (FNDD) a déclaré ne pas reconnaître un gouvernement issu d’un coup d’Etat et indiqué que le gouvernement formé le 31 août n’est ni un gouvernement politique ni un gouvernement de technocrates. A l’extérieur, la France a estimé le 1er septembre que la formation d’un nouveau gouvernement était "dénuée de toute légitimité"."Nous considérons que cette décision, comme l’ensemble des mesures prises par les responsables militaires qui se sont emparés du pouvoir, et en particulier la destitution du président de la république, est dénuée de toute légitimité", a déclaré le porte-parole du ministère des affaires étrangères, Eric Chevallier. M. Chevallier a de nouveau appelé à la "libération immédiate" du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, actuellement assigné à résidence, et au "retour à l’ordre constitutionnel" à Nouakchott."Dans cette perspective, nous exhortons la junte et l’ensemble des responsables politiques mauritaniens à coopérer au plus vite avec l’union africaine, avec l’union européenne et avec la communauté internationale", a poursuivi le porte-parole français.
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