La junte forme son nouveau Gouvernement: Et la recherche du compromis ?   
01/09/2008

26 jours après le putsch qui a renversĂ© Sidi Ould Cheikh Abdallahi, premier prĂ©sident dĂ©mocratiquement Ă©lu,  la prĂ©sidence du Haut Conseil d’Etat a formĂ© par dĂ©cret en date du 31 aoĂ»t,  un nouveau Gouvernement  de  28 ministres,  soit avec 4 portefeuilles de moins, que l’ancienne Ă©quipe. La rĂ©duction du nombre des ministères rĂ©sulte de la fusion de certains dĂ©partements comme celui  de l’IntĂ©rieur avec celui  de la DĂ©centralisation ou du ministère de l’Equipement avec celui des Transports.



Cinq ministres du Gouvernement  renversĂ© ont Ă©tĂ© maintenus dans leurs fonctions. Il s’agit de Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Lemine (inamovible,  depuis le 11 aoĂ»t 2005),  Sidi Ould Tah, Sid’Ahmed Ould Rayess,  Sy Adama et Mohamed Ould Mohamedou qui sont les ministres ayant  «marché»,  dĂ©s les premières heures du  coup d’Etat du 6 aoĂ»t. Une position qui n’a semble-t-il, pas  plaidĂ© en faveur d’«El Beda’e»,  qui avait  pourtant quittĂ© le RFD et scandĂ© des poèmes Ă  la gloire de «La Rectification» pour se voir traiter Ă  la fin, comme la dizaine de ministres opposĂ©s au putsch  et attachĂ©s au retour de l’ordre constitutionnel. 
Pas de traces non plus, dans ce Gouvernement, des dĂ©putĂ©s frondeurs,  des «initiatives populaires» d’Ahmed Baba Miske, de la mouvance de Zeine Ould Zeidane  et des tĂŞtes d’affiche des «Nouvelles Forces du Changement». En somme, une bonne partie   de ceux , qui peuvent donner des  ingrĂ©dients Ă  de nouvelles intrigues politiciennes. Et pourquoi pas Ă  une nouvelle motion de censure?
 23 nouveaux visages, le plus souvent jeunes et qualifiĂ©s, c’est le cas du nouveau ministre des Affaires Etrangères et du ministre du PĂ©trole et de l’Energie, ont fait leur entrĂ©e au Gouvernement. Mais deux femmes seulement font partie de la nouvelle Ă©quipe dans ce qui peut ĂŞtre perçu  comme un accès de misogynie sinon un recul par rapport aux cabinets antĂ©rieurs. Aucune figure marquante des rĂ©gimes prĂ©cĂ©dents ne fait partie du nouveau cabinet. Au niveau du dosage rĂ©gional et tribal,  le Trarza s’est taillĂ© la part du lion,  mĂŞme si on semble avoir encore optĂ© pour le paramètre «un ministre/tribu/rĂ©gion/machin», une nouvelle sorte de proportionnelle qui favorise les petits  ensembles (au sens dĂ©mographique).
Plusieurs partis politiques de moyenne envergure ont fait leur entrĂ©e au Gouvernement. Le HATEM avec 2 portefeuilles,  le PRDR (3 portefeuilles) l’UDP (deux portefeuilles) Al Vadila (1 portefeuille).
Prouesse ou arnaque ?
 Le Rassemblement des Forces dĂ©mocratiques (RFD) a  lui aussi, -selon les observateurs- rĂ©ussi  une prouesse sinon une  arnaque.  Il  a obtenu  quatre ministres qui Ă©taient  tous jusqu’au 31 aoĂ»t 2008,   membres du RFD d’ Ahmed Ould Daddah. Il s’agit de Mohamed Ould Moine, Messaouda Mint Baham,  Ahmed Ould Bah  et Mohamed Abdellahi Ould Oudaa qui sont devenus   respectivement ministre de la Communication et des Relations avec le Parlement, ministre du DĂ©veloppement Rural,  ministre de l’Education nationale et ministre de l’Industrie. Tard dans la soirĂ©e du 31 aoĂ»t, le RFD a publiĂ©  un communiquĂ© dans lequel  il a «rĂ©itĂ©rĂ© sa position de rĂ©serve quant Ă  sa participation au gouvernement, tant que les dolĂ©ances avancĂ©es (…) au Haut Conseil d’Etat n’ont pas Ă©tĂ© satisfaites».
Le RFD a ajouté que «tout membre du Parti qui participerait au gouvernement dans ces conditions sera automatiquement considéré comme démissionnaire».
Deux lectures ont  cependant Ă©tĂ© faites de la position du RFD. La première est que  le RFD aurait optĂ© pour une stratĂ©gie de participation indirecte qui lui permette d’être prĂ©sent  au Gouvernement sous la casquette de militants indisciplinĂ©s   et   «dĂ©missionnĂ©s». Cette   option  -assez machiavĂ©lique- lui permet d’avoir le beurre et le reste : n’ayant pas officiellement participĂ© au Gouvernement,  le RFD  va donc continuer  Ă  diriger l’institution de l’Opposition DĂ©mocratique malgrĂ© son alignement sur le nouveau rĂ©gime militaire. Toute participation directe au Gouvernement entraĂ®nera une situation redoutĂ©e –à la fois- par le RFD et le Haut Conseil d’Etat (HCE) car  l’institution de l’Opposition DĂ©mocratique  reviendra  Ă  l’Union des Forces du Progrès (UFP),  le parti le plus reprĂ©sentĂ© au Parlement, après le RFD.
Une deuxième lecture prĂ©sente hĂ©las, un risque Ă©norme pour le RFD. Elle implique que malgrĂ© les bons sentiments du RFD  (qui vont de la comprĂ©hension Ă  l’accompagnement), que  les militaires ont commencĂ© une stratĂ©gie de dĂ©bauchage des militants de ce parti dans l’optique des futures Ă©lections prĂ©sidentielles. Ce dĂ©bauchage s’explique par le fait qu’Ahmed Ould Daddah est  le challenger le plus coriace et qu’il faut l’affaiblir.

Rapprocher les mauritaniens divisés

Mais au delĂ  des manĹ“uvres politiciennes et des petites combines de carriĂ©ristes  frustrĂ©s ,  le nouveau Gouvernement est interpellĂ©  sur plusieurs fronts. Il est  principalement  interpellĂ© sur le front intĂ©rieur qui est très loin d’être acquis. Et  c’est lui l’essentiel. Il faut  trouver  un compromis patriotique avec des moyens autres que la langue de bois des laudateurs/dĂ©lateurs, le musellement, l’intimidation, le lynchage mĂ©diatique   ou la rĂ©pression. Il faut parvenir Ă   d’abord Ă  rapprocher les mauritaniens plus que jamais  divisĂ©s par  le coup d’Etat du 6 aoĂ»t. C’est après qu’il  faudra se battre sur le front extĂ©rieur (après avoir conciliĂ©  les Mauritaniens),  afin d’éviter de voir notre  pays,  mis au ban de la communautĂ© internationale. Une perspective qui ne doit laisser indiffĂ©rents, ni les Anti, ni les Pro-putsch.
Le discours du prĂ©sident du HCE en date du 17 aoĂ»t a tracĂ© un vaste  programme pour le nouveau du nouveau Gouvernement. Mais ce programme exige avant tout des ressources,  un climat de stabilitĂ©. Il s’agit quand mĂŞme de lutter contre la corruption, de rĂ©former le  système judiciaire, de lutter contre la pauvretĂ©, de  combler la fracture sociale, de  consolider l’unitĂ© nationale, de  lutter contre le terrorisme, de refonder le  système Ă©ducatif, de crĂ©er les infrastructures nĂ©cessaires au dĂ©veloppement du pays, de consolider et prĂ©server les libertĂ©s individuelles et collectives, de lutter contre le trafic de drogue, et de dynamiser notre diplomatie. De grands chantiers, qui demandent l’implication et la participation de tous les  mauritaniens,  mais aussi  des partenaires de la Mauritanie.
IOM

                                                        Deux rĂ©actions
Au chapitre des rĂ©actions intĂ©rieures Ă  la formation du nouveau Gouvernement, Boidiel Ould Houmeid qui assure la prĂ©sidence tournante du Front National de la DĂ©fense de la DĂ©mocratie (FNDD) a dĂ©clarĂ©  ne pas reconnaĂ®tre un gouvernement issu d’un coup d’Etat et indiquĂ© que le gouvernement formĂ© le 31 aoĂ»t n’est ni un gouvernement politique ni un gouvernement de technocrates. A l’extĂ©rieur,   la France a estimĂ© le 1er septembre  que la formation d’un nouveau gouvernement Ă©tait "dĂ©nuĂ©e de toute lĂ©gitimitĂ©"."Nous considĂ©rons que cette dĂ©cision, comme l’ensemble des mesures prises par les responsables militaires qui se sont emparĂ©s du pouvoir, et en particulier la destitution du prĂ©sident de la rĂ©publique, est dĂ©nuĂ©e de toute lĂ©gitimitĂ©", a dĂ©clarĂ© le porte-parole du ministère des affaires Ă©trangères, Eric Chevallier. M. Chevallier a de nouveau appelĂ© Ă  la "libĂ©ration immĂ©diate" du prĂ©sident Sidi Ould Cheikh Abdallahi, actuellement assignĂ© Ă  rĂ©sidence, et au "retour Ă  l’ordre constitutionnel" Ă  Nouakchott."Dans cette perspective, nous exhortons la junte et l’ensemble des responsables politiques mauritaniens Ă  coopĂ©rer au plus vite avec l’union africaine, avec l’union europĂ©enne et avec la communautĂ© internationale", a poursuivi le porte-parole français.


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