FNDD: Mémorandum sur le coup d’état du 6 Août contre la démocratie en Mauritanie(1ere Partie)   
26/08/2008

Après le coup d’Etat du 03 août 2005, les membres du Conseil Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD) se sont engagés à la restauration de la légalité constitutionnelle dans un délai court et précis, à travers la mise en place de réformes constitutionnelles et politiques qui mettent définitivement le pays à l’abri du cercle vicieux des coups d’Etat.



C’est ainsi que  le pays, en dépit de  certaines contradictions entre les acteurs politiques et le CMJD, s’est  engagé dans une transition dont l’agenda a été établi en concertation avec l’ensemble de la classe politique et la société civile et avec l’appui de la communauté internationale. Parmi les engagements pris par les membres du CMJD on peut citer notamment :
Le fait qu’aucun des membres du CMJD ou du gouvernement de la transition ne peut se présenter à aucune des élections programmées avec un engagement de neutralité de leur part dans le processus électoral ;
La fixation d’un délai court (19 mois) au terme duquel les militaires rejoindront leurs casernes et remettront le pouvoir aux autorités élues ;
La modification de la constitution pour introduire des garanties constitutionnelles qui consacrent le caractère républicain des institutions et l’alternance pacifique au pouvoir comme principes sacrés et inviolables ;
Ce processus a été couronné par des élections présidentielles dont le bon déroulement, la transparence et la régularité ont été attestés par les observateurs internationaux et admis par les candidats vaincus. Au terme de ce scrutin, le candidat indépendant Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a obtenu 24,79% au premier tour et 52,85% au second tour, alors que son principal challenger, Ahmed Ould Daddah du Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) a obtenu 20,68% au premier tour et 47,15% au second tour.
Le Président élu a pris fonction le 19 avril 2007 dans un contexte politique marqué par l’existence d’une majorité présidentielle hétérogène composée essentiellement d’indépendants non affiliés à un parti politique. Le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a nommé Monsieur Zeine Ould Zeidane, arrivé troisième au premier tour des présidentielles, au poste de premier ministre.
Le Président a d’abord tenté de former  un gouvernement d’union nationale, mais la plupart de ses soutiens se sont opposés à cette option. La formation d’un gouvernement politique s’avérait également difficile en raison du morcellement du paysage politique dominé par le  groupe des indépendants. Le Président a privilégié par conséquent la formation d’un  gouvernement  technocratique.
Il faut rappeler qu’au cours de la  période de  transition, les acteurs politiques, la société civile, l’institution militaire et la communauté internationale se sont formellement engagés au respect et à la défense des acquis démocratiques du pays. Cet engagement se trouve aujourd’hui rompu par les putschistes et les partis politiques qui les soutiennent.
Le présent mémorandum vise à éclairer l’opinion nationale et internationale sur les causes véritables de ce coup d’Etat et à répondre aux allégations et autres prétextes avancés par les putschistes.  Il se divise en quatre parties :
La première porte sur le bilan des 15 premiers mois du mandat du Président.
La deuxième explique le processus de déstabilisation mis en place  par la junte militaire commençant par la crise politique provoquée par elle jusqu’au coup d’Etat programmé.
La troisième est consacrée aux conséquences du putsch sur le présent et l’avenir pays.
La quatrième, enfin,  porte sur le front national pour la défense de la démocratie créé après le putsch pour assurer un retour rapide à la légalité constitutionnelle.
 
                                               Partie I :
Bilan des 15 premiers mois du Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi
Bilan politique, économique et social :
A la suite de sa prise de fonction, le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a adressé une lettre de mission au gouvernement dans laquelle il a mis l’accent sur les chantiers importants de son programme :
La consolidation de l’unité nationale et l’émancipation sociale ;
La refondation de l’État ;
L’ancrage de la culture démocratique ;
La moralisation de la vie publique ;
La croissance économique et la lutte contre la pauvreté ;
La promotion des ressources humaines.

De la consolidation de l’unité nationale et l’émancipation sociale :
Les principales réalisations dans ce domaine sont le début du  retour de nos compatriotes réfugiés,  l’initiation  de la concertation sur le passif humanitaire et la loi sur la criminalisation de l’esclavage.
Le processus du retour des réfugiés a démarré par un discours adressé par le Président de la République à la Nation le 29 juin 2007. Immédiatement après, une vaste opération de concertation a commencé, ayant impliqué les réfugiés dans leurs sites d’installation au Sénégal et au Mali, les acteurs politiques et les différentes composantes  de la société civile dans le pays. Cette phase a été couronnée par les journées nationales de concertation et de mobilisation pour le retour des réfugiés et pour  le règlement du passif humanitaire, tenues à Nouakchott les, 21, 22 et 23 novembre 2007. A l’issue de ces journées, un programme cadre et un plan d’action ont été adoptés par les participants.
Sur cette base, un accord tripartite a été signé entre la Mauritanie, le Sénégal et le HCR, portant sur l’organisation des opérations de retour dans la dignité des réfugiés mauritaniens qui vivaient jusque là en exil forcé hors du pays. Un établissement public  (L’Agence Nationale pour l’Accueil et l’Insertion des Réfugiés) a été créé à cet effet  et s’est attelé depuis sa création à coordonner et à superviser les opérations du retour des réfugiés et la mise en Å“uvre de programmes visant leur insertion dans la vie nationale. Le premier contingent de rapatriés a fait l’objet d’un accueil officiel le 29 Janvier 2008 et,  à ce jour, près de 4 700 compatriotes ont regagné leur pays. Un premier programme d’accueil et d’aide à l’installation a été mis en Å“uvre. Le montant des dépenses engagées dans ce cadre s’élevait au 6 Août à six cent neuf millions trois cent quarante mille ouguiyas (609 340 000). L’opportunité du retour des réfugiés a été mise à profit pour concevoir un second programme de développement et d’insertion durable destiné aux rapatriés mais aussi aux populations vivant dans les zones d’accueil (environ six cent mille personnes : 600 000). Ce programme avait reçu un premier accueil prometteur de la part des Partenaires Techniques et Financiers de la Mauritanie. Son financement a été estimé à près de quatre vingt dix millions de dollars (90 000 000). Une conférence de mobilisation de ce montant était programmée pour novembre 2008 et plusieurs donateurs avaient manifesté leur intérêt pour ce programme.

Toujours dans le cadre de la consolidation de l’unité nationale et de l’émancipation sociale, le gouvernement a présenté au Parlement un projet de loi criminalisant les pratiques esclavagistes, ce mal séculaire et structurel longtemps entretenu. Après la promulgation de cette loi, le gouvernement a élaboré un programme d’éducation et de communication à l’échelle nationale.
Parallèlement, un  programme national de solidarité élargie et de réduction de la pauvreté, ciblant les zones ayant  souffert des pratiques esclavagistes et leurs séquelles, a été élaboré. La mise en Å“uvre de sa première phase était prévue  pour le second semestre de 2008.
De la refondation de l’Etat de droit :
La préoccupation première du Gouvernement a été une séparation effective des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Cette période a été marquée par un respect total des libertés d’expression, de réunion et de grève. Ainsi :
Tous les partis, syndicats et associations ayant déposé des demandes dans les formes légales ont été autorisés sans exception;
Le parlement a pu exercer normalement toute son activité et notamment son contrôle sur le pouvoir exécutif ;
Les médias publics étaient également accessibles à tous sans exclusive ;
Le gouvernement a soumis au parlement un projet de loi portant libéralisation de la communication audiovisuelle ;
Aucun journal, aucun parti, ni syndicat, ni association n’ont été censurés;
Aucune grève n’a été interdite ;
Il n’y avait aucun détenu d’opinion dans les prisons mauritaniennes jusqu’au 6 août dernier tout au moins.
De la moralisation de la vie publique :
La première des réformes entreprises dans ce domaine fut celle de la transparence dans la gestion des affaires publiques et qui a commencé par l’obligation de déclaration de patrimoine pour le Président de la République, le Premier Ministre et les membres du gouvernement. Cette mesure, faite d’abord sur une base volontaire, fût par la suite transformée en obligation pour tous les gestionnaires de deniers publics, dans le cadre de la loi sur la transparence financière adoptée en 2007 par le parlement. Elle impose à ceux-ci de déclarer leur patrimoine  au début en cours  et à la fin de leur fonction. Une commission de supervision a été désignée à cet effet sous l’autorité du Président de la Cour Suprême.
Pour conforter la moralisation par un changement comportemental, le Président de la République a donné des instructions fermes au gouvernement de s’abstenir de toute interférence dans les processus de passation des marchés, frustrant ainsi ceux qui, jusque-là, ont profité de ce genre de faveurs.
De même, le gouvernement, toujours sur instruction du Président, a soumis au Parlement, qui l’a adopté, un projet de loi sur la Haute Cour de Justice habilitée à juger le Président de la République en cas de haute trahison et les membres du Gouvernement pour les fautes commises dans l’exercice de leur fonction.
Pour parachever la mise en place des instances constitutionnelles et élargir la base de la concertation, le Président a instruit le gouvernement à l’effet de créer un Conseil Economique et Social. Les membres de ce conseil ont été désignés.
De l’ancrage de la culture démocratique :
Un département spécialement chargé de la  société civile a été créé. Des journées de concertation ont été organisées avec la participation des ONGs, des associations et d’autres acteurs de la société civile. Elles ont abouti à l’adoption d’un programme de redynamisation des  instances de la société civile et de promotion de la concertation entre l’Etat et ces instances.
Le gouvernement a également défini un statut pour le chef de l’opposition démocratique. La Présidence de la République a scrupuleusement respecté le calendrier de concertation fixé entre le Président de la République et le chef de file de l’opposition démocratique. De plus, des rencontres entre le Président de la République et les dirigeants des différents partis politiques d’opposition avaient régulièrement lieu, à l’initiative du Président de la République ou à celle des concernés.
Au bout d’un an de gouvernement technocratique, la demande était devenue de plus en plus pressante pour un gouvernement politique, en particulier de la part des députés de la majorité présidentielle, mais aussi, de celle de l’opposition démocratique qui, elle, réclamait un gouvernement d’union nationale. Cette option semblait maintenant envisageable étant donné que les indépendants (qui formaient le plus grand groupe parlementaire) se sont regroupés avec le RDU dans un nouveau parti politique ADIL, devenu le principal parti de la majorité présidentielle.
La constitution de ce gouvernement politique et l’ouverture sur l’opposition étaient devenues possibles après la reconnaissance de plusieurs partis politiques dont Tewassoul qui est représenté au Parlement.
Un gouvernement d’ouverture politique a été alors formé en mai 2008, couronnant un processus de concertation qui a englobé tous les partis politiques représentés au sein du parlement (RFD, Tewassoul, UFP) et même certains partis non représentés (El Vadila)…. Ce gouvernement à permis d’intégrer, outre l’APP qui était déjà présente, des partis importants tels que l’UFP, Tewassoul.

Le RFD principal parti d’opposition avait rejeté l’offre de participation à ce gouvernement conditionnant celle-ci par la formation d’un gouvernement d’union nationale sur des bases plus étendues et plus larges. Il inscrivait sa démarche dans la recherche d’une union nationale autour du Président de la République en vue de promouvoir les réformes que réclame la situation. Cette option avait effectivement été décidée et suivie par l’ensemble de l’opposition démocratique au lendemain des résultats du second tour de l’élection présidentielle.  Mais depuis le mois de juin 2008 le leader de l’opposition démocratique a mis fin unilatéralement aux rencontres périodiques et réglementaires avec le Président, préférant engager des pourparlers directs-selon ses déclarations- avec les militaires. Par la suite, ses parlementaires collaboreront malheureusement en tous points avec les députés lies aux généraux, et ce, durant toutes les étapes de la crise : motion de censure, appel à la démission du Président de la République, demande d’une session extraordinaire du parlement.

De la croissance économique et la lutte contre la pauvreté :
Si la gestion du processus démocratique a été remarquable, pour l’essentiel, durant la période de transition, il n’en n’a pas été de même pour celle relative aux finances publiques. On se souvient que l’exercice 2006 a été exceptionnel en matière de recettes avec une production pétrolière record, des produits inattendus provenant de la renégociation des avenants de Woodside et du prix de la licence accordée  à Chinguitel. Toutes ces recettes ont été dépensées de manière souvent discutable, et c’est un euphémisme, pour ne laisser en comptes que 30 milliards d’ouguiyas à la fin de la transition associés à des engagements en instance de paiement qui se chiffraient à plus du double de ce montant. C’est dire que l’héritage légué aux autorités issues des élections démocratiques de 2007 était particulièrement pénalisant.
Il s’y ajoute qu’au moment de l’investiture du Président de la République, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, en Avril 2007, les signes avant-coureurs de la crise économique avaient déjà commencé à se manifester : La surévaluation de l’Euro par rapport au Dollar, le niveau anormalement élevé du prix des hydrocarbures et les tendances à la hausse des prix des céréales. En dépit de cela, et malgré la baisse continue de la production pétrolière (qui a chuté de 75.000 Barils/j à environ  10.000 Barils/j), la performance macroéconomique est demeurée satisfaisante, comme en témoignent les principaux indicateurs en 2007 (taux de croissance de 5,9%, déficit budgétaire maintenu à moins de 2,5% du PIB, inflation en deçà de 7,5%) et comme le confirment les conclusions des différentes missions de revue du FMI au cours des quinze derniers mois.
Les réformes économiques entreprises sous l’égide du Président de la République ont commencé par des choix budgétaires plus conformes aux priorités des populations : des coupes importantes ont ainsi été opérées dans les dépenses de fonctionnement des administrations publiques, dont tous s’accordaient sur l’inefficacité. Les secteurs de l’hydraulique, de la santé et de l’éducation ont été les principaux bénéficiaires des économies ainsi faites sur ces dépenses. De plus, d’importants chantiers de réforme de la gestion des finances publiques et de la promotion de l’investissement privé ont été initiés.
Ces actions ont valu à notre pays un témoignage fort de soutien de la part de la communauté internationale qui voyait en ces actions le début de concrétisation des promesses que le Président de la République avait faites au peuple mauritanien durant la campagne électorale. C’est ainsi que le Programme d’Investissement Public présenté aux partenaires au développement en Décembre 2007 a été entièrement financé et des annonces supplémentaires ont été faites. Au moment du Coup d’Etat du 6 Août 2008, des conventions de financement de plus de 600 Millions de Dollars avaient été signées et 800 autres millions de dollars étaient sur le point de l’être. Des projets importants et qui peinaient à démarrer, comme Aftout Sahili, avaient démarré avec vigueur après le bouclage définitif de tous leurs gaps de financement et d’autres, tout aussi importants, comme la réhabilitation de la route Kiffa-Tintane (dont l’appel d’offre a été lancé fin juillet 2008), la route Rosso – Nouakchott, l’extension du Port de Nouadhibou ou encore l’extension de la capacité de production électrique de Nouakchott, pour ne citer que ceux-là, étaient sur le point d’être lancés.
Cette confiance des partenaires s’est aussi manifestée par le début de règlement de la question des dettes non encore annulées, comme celle du Koweït, de la Lybie et de l’Algérie. Ces pays avaient tous vu en notre pays, un partenaire enfin crédible et sérieux et avaient donc engagé des discussions avec nous afin de régler définitivement ces questions.
De plus, dans le cadre de la grande mobilisation en faveur de l’agriculture annoncée par le Président de la République, d’importants financements intérieurs et extérieurs ont été alloués à ce secteur. D’importantes activités (réhabilitation, aménagement de périmètres, mise à disposition de machines agricoles, …) ont commencé dans les zones concernées afin de bien préparer la campagne agricole. L’activité qui avait commencé dans ces zones, pourtant très peuplées et très démunies, ainsi que les résultats escomptés en termes de production agricole, ne manqueront pas de souffrir des conséquences négatives du Coup d’Etat.
Enfin, dès l’investiture du Président de la République, les investisseurs privés ont commencé à se présenter en vue de profiter de l’essor qu’ils sentaient imminent en Mauritanie. Cet intérêt a été conforté par la création d’une Délégation Générale chargée de la Promotion de l’Investissement Privé, dont la mission est de faciliter les démarches de ces investisseurs et d’améliorer le climat des affaires dans notre pays. C’est ainsi que d’importants projets ont commencé à être sérieusement envisagés par des opérateurs privés tels que : le Projet El Aouj, le Grand Port de Nouakchott, le Chemin de Fer du Bofal, des Compagnies aériennes, l’Aéroport de Nouakchott, la Baie de Nouadhibou, des Complexes touristiques, etc. sans parler des importants investissements dans l’exploitation pétrolière opérés par Petronas, qui a succédé à Woodside, et des nombreuses banques étrangères qui ont demandé et obtenu, pour certaines, des agréments en Mauritanie.
De la promotion des ressources humaines :
Pour la première fois dans l’histoire de la Mauritanie, le Gouvernement, suivant  les directives du Président de la République, a pris des dispositions réglementaires devant régir la gestion des carrières des fonctionnaires de l’État. Ainsi, dans l’Administration publique, les postes de directeur adjoint, chef de service et chef de division sont ouverts à la concurrence afin que chaque fonctionnaire puisse accéder à ces responsabilités, sans égard à ses positions politiques et à ses conditions sociales. Cette mesure est également applicable pour le poste de directeur adjoint de certaines entreprises publiques.
Ces mesures ont connu une application systématique dans l’éducation nationale où tous les postes de DREN et IDEN ont été pourvus par voie de concours.
L’éducation a été au centre des préoccupations du Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi et une volonté de changement à déjà prévalu dans ce secteur. Dans cette même perspective des États généraux de l’éducation étaient programmés pour cet été afin de jeter les bases d’un système éducatif adapté et performant.
La promotion des ressources humaines et de l’équité entre les genres s’est traduite également par le renforcement de la présence des femmes dans les postes de responsabilité publique. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire du pays, plusieurs femmes ont été nommées ambassadrices et certaines ont pu accéder au commandement territorial (wali et hakem) en plus de l’augmentation de leur quota dans la haute fonction publique.
Des actions d’urgence :
Dès les premiers mois de sa mise en place, le gouvernement a été confronté à   plusieurs  crises majeures :
la découverte de réseaux mafieux de trafic de stupéfiants,
la recrudescence de l’immigration clandestine,
la hausse des prix des produits alimentaires à l’échelle mondiale,
les inondations catastrophiques de Tintane,
le terrorisme salafiste.
Le gouvernement a fait face à chacune de ces crises, parfois hélas, avec des moyens en deçà de ceux qu’exige la situation, mais toujours dans le strict respect des règles de l’État de droit et de bonne gouvernance.
Du trafic de la drogue
Dès les premières saisies, le Président de la République a ordonné que le dossier soit géré avec la plus grande transparence. En plus des enquêtes judicaires, une enquête administrative a été ordonnée en vue de déceler tous les dysfonctionnements des appareils administratifs. Fidèle au principe de séparation des pouvoirs que fonde la constitution de la République, l’exécutif s’est abstenu d’interférer dans les procédures et décisions de justice, tout en veillant à ce que le ministère public joue pleinement son rôle.
Cependant, dans ce dossier, force est de reconnaître que la Mauritanie paye le prix de sa position, caractérisée par une certaine fragilité stratégique, celle de se situer au nœud des routes nouvelles du narcotrafic qui font de la côte ouest africaine une zone de stockage et de réexpédition de la drogue en provenance de l’Amérique du sud.
Mais il est vite apparu qu’une réforme des services de sécurité était devenue un passage obligé pour une lutte efficace contre ce fléau. C’est cette réforme que les généraux n’ont pas, jusqu’ici, accepté de mettre en œuvre.
De l’immigration clandestine
Là également, la position géographique du pays en fait une zone de passage des migrants clandestins. Avec ses partenaires, notamment espagnols, la Mauritanie a mis en place un dispositif de lutte qui va en s’améliorant. Une gestion globale de cette question est engagée, en partenariat avec l’Union Européenne et en coordination avec nos voisins de l’Union Africaine.
Du terrorisme salafiste
L’assassinat des touristes français près d’Aleg, l’attaque du poste frontière de Ghallawiya et de l’ambassade d’Israël ont certes porté un coup dur à la réputation du pays et nuit gravement à ses  intérêts. Mais après avoir connu une première phase de flottement, les services de sécurité ont fini par mettre la main sur les présumés assassins, après une longue cavale meurtrière. Le réseau terroriste a finalement été démantelé. Fortement préoccupé par cette menace, le Président a pu obtenir un montant de 50 millions de dollars auprès d’un pays ami en vue de lutter contre l’insécurité et le terrorisme. Ces fonds sont actuellement logés à la Banque Centrale. A la date du 6 Août, ils n’avaient fait l’objet d’aucun retrait. Le Président de la République ayant exigé leur budgétisation et une programmation claire et transparente pour leur utilisation.
Depuis plusieurs mois les putschistes, dans la perspective du coup de force, développaient une campagne calomnieuse contre le Président lui imputant la responsabilité de la libération des auteurs des attentats terroristes. C’est le lieu ici de rappeler que :
dès son investiture le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi a confié toutes les questions relatives à la sécurité et de l’armée aux deux futurs généraux.
la libération des  futurs auteurs de l’assassinat de touristes à Aleg est le résultat d’une décision de justice indépendante de la volonté du Président.
le meurtrier principal dans l’attentat d’Aleg n’avait même pas été déféré au tribunal par les services de sécurité suite à l’intervention d’une haute autorité militaire.
Des inondations de Tintane
Dès l’annonce des inondations catastrophiques de Tintane, le Président de la République s’est rendu sur les lieux, a pris connaissance de l’étendue du sinistre et ordonné la mobilisation, tout de suite, des secours d’urgence.
Toutes les victimes ont ainsi pu être relogées dans des abris de première urgence et des kits de secours d’urgence ont été distribués aux victimes.
Le président de la République s’est également attelé à la mobilisation des amis de la Mauritanie pour participer à la reconstruction de la ville de Tintane sinistrée. Ainsi, l’Arabie Saoudite a octroyé un don de 20 millions de dollars à cet effet. Par la suite, des lenteurs ont été enregistrées dans la mise en œuvre des travaux de reconstruction de cette ville. On ne peut cependant pas imputer toute la responsabilité de ces retards à l’Etat qui s’est trouvé confronté à des difficultés dues aux divergences sur la relocalisation de la ville et aux procédures de décaissement du principal bailleur. A ce jour les financements extérieurs n’ont pas été utilisés. Seule la contrepartie sur le budget de l’Etat a été consommée pour la réalisation des études techniques préalables.
De la crise alimentaire
Face à la crise alimentaire aiguë, doublée d’une hausse vertigineuse des prix des hydrocarbures, le Gouvernement Mauritanien a, sous l’impulsion du Président Sidi Mohamed O Cheikh Abdallahi,  pris l’initiative de relever substantiellement les salaires des fonctionnaires et de mettre en Å“uvre un programme spécial d’intervention (PSI) au profit des populations les plus démunies.
Annoncé par le Président de la République le 05 avril 2008, ce programme dont le coût global s’élève à plus de 37 milliards d’ouguiya (soit 16% des ressources budgétaires de l’Etat) s’est donné comme objectifs de :
fournir l’aide d’urgence aux plus démunis,
réduire à court terme la vulnérabilité économique et alimentaire des populations,
améliorer, à moyen et à long terme, le revenu des populations vulnérables.
Le PSI s’est voulu une réponse à la crise mondiale dans ses deux dimensions conjoncturelle et structurelle. Aussi s’est-il articulé autour de deux trains de mesures:
des actions d’urgence (approvisionnement du marché, aide alimentaire, atténuation des prix…),
des mesures structurelles (agriculture, hydraulique, AGR, formation/insertion).
 Au bout de 4 mois, le PSI a  enregistré les principaux résultats probants  qui lui ont valu d’être cité comme un exemple de réussite dans la sous-région:
la stabilisation des prix de l’eau, de l’électricité, du gaz et du pain,
la vente du blé et des aliments du bétail à des prix plafonnés,
l’approvisionnement régulier du marché en denrées alimentaires de base et à des prix accessibles pour les plus démunis.
Signalons par ailleurs les autres effets positifs de ce programme à savoir:
le développement d’une approche de complémentarité intersectorielle,
la contribution à l’émergence d’une culture de contrôle citoyen basée sur un suivi-évaluation participatif  et à l’amélioration des relations entre l’administration territoriale et les citoyens  à travers une cogestion transparente des ressources.
Depuis la mise en œuvre du PSI, le Président a veillé à ce que tous les partis, toutes les organisations de la société civile, tous les élus soient directement impliqués, et de façon régulière dans les opérations de suivi, de contrôle et d’exécution de ce plan d’urgence. Rien donc ne justifiait l’agitation parlementaire faite, tout dernièrement, autour de cette question.


                                           Partie II :
De la «crise politique» provoquée au Coup d’Etat programmé.

 Origines de la crise :
Les racines de la crise :
Les auteurs du coup d’état du 3 août 2005 n’avaient nullement l’intention de quitter le pouvoir de leur plein gré. C’était en effet la vive désapprobation de la communauté internationale doublée de la pression unanime de la classe politique nationale qui leur avait arraché un compromis sur la limitation de la période de transition et un engagement à ne pas se présenter aux échéances électorales.
Par la suite ils décidèrent, avec des arrières pensés certaines, de créer un mouvement des indépendants et d’apporter leur soutien aux candidats issus de ce mouvement aux législatives pour en faire une force de manœuvre parlementaire.
Aux présidentielles, ils se divisèrent les uns soutenant la candidature de Sidi Ould Cheikh Abdallahi, les autres celle d’Ahmed Ould Daddah. Ce qui, en soi, constituait déjà un manquement à leur engagement de neutralité.
Après l’investiture du Président élu, ils s’employaient à s’assurer le contrôle total de l’armée d’abord en installant un proche au ministère de la défense, puis en s’attribuant le commandement des forces de sécurité nationale et le bataillon de la sécurité présidentielle. Ils ne cessèrent par la suite de renforcer davantage leur position. En particulier le Général O. Abdel Aziz cumulera les postes de chef cabinet militaire, de chef d’état major particulier du Président  et de commandant du Basep. Un cumul qui n’a jamais eu lieu en 48 années d’indépendance. L’étape suivante consista à relever de leurs postes tous les officiers supérieurs gênants : notamment le chef d’Etat Major de l’armée et son adjoint ainsi que le Commandant de la garde nationale.
Pour mieux asseoir leur  autorité sur toute l’armée, ils se firent élever au grade de Généraux,  alors qu’ils n’étaient ni les plus anciens ni les plus méritants des colonels. Parvenus à ce niveau hiérarchique, ils n’eurent aucune difficulté à procéder, en mai 2008, aux affectations ultimes qui leur permirent de contrôler totalement la situation militaire et sécuritaire. Ce dispositif une fois mis en place, ils engagèrent le processus de déstabilisation du Président en s’appuyant sur  un groupe  de députés qui leurs sont affiliés.
En effet, les interférences entre ces ex-membres du CMJD et des parlementaires soucieux de restaurer les anciennes pratiques de trafic d’influence se sont poursuivies. Il s’en est suivi une situation ou l’allégeance aux ex-membres du CMJD est devenue plus importante que  l’appartenance aux partis politiques ou la fidélité au programme politique du Président démocratiquement élu.
Le simple exercice par le chef de l’état de ses prérogatives constitutionnelles a été donc considéré comme une provocation, voire comme la rupture d’un pacte non écrit. Les conflits de compétences entre l’exécutif et le législatif et l’utilisation par le chef de l’état d’arguments juridiques pour protéger ses prérogatives ont été considérés par ceux qui préparaient le coup d’état comme un blocage des institutions.
La nomination du gouvernement d’ouverture et certaines autres initiatives relevant du programme du chef de l’état, en particulier dans le domaine de la consolidation de l’unité nationale et  l’émancipation sociale, de la démocratie et de l’apurement du passif humanitaire ont fait l’objet de critiques virulentes de la part de l’alliance militaro - parlementaire.
Au fil des mois, cette alliance placée sous la direction d’officiers visant à exercer le pouvoir pour leur propre compte, s’est finalement révélée comme une véritable opération de restauration du système dont les mauritaniens avaient espéré qu’ils en avaient fini pour toujours.
Telles sont les sources véritables de la crise qui a abouti au putsch du 6 août 2008 et qui s’est déroulée en deux phases.
La déstabilisation du gouvernement d’ouverture :
Dès la formation du gouvernement d’ouverture en mai 2008, des parlementaires encadrés par les officiers qui par la suite exécuteront le coup d’état du 6 août, ont engagé une procédure de dépôt d’une motion de censure contre un  gouvernement qui n’avait même pas encore présenté sa déclaration de politique générale devant le Parlement. Pour justifier ce comportement pour le moins insolite, des arguments qui apparaissaient et disparaissaient au gré des circonstances ont été invoqués. D’abord l’accent a été mis sur le rejet de ce qu’on appelle  de manière bien sélective « les symboles de la gabegie » au sein du gouvernement. Puis les « symboles de la gabegie » ont laissé place à d’autres arguments tels que l’exclusion du gouvernement des partis de l’opposition traditionnelle, au motif que leur présence lèserait la majorité et affaiblirait l’opposition.
C’est le lieu de rappeler que le dépôt d’une motion de censure contre un gouvernement qui n’a pas encore présenté son programme d’action au Parlement est une immixtion flagrante du législatif dans les prérogatives de l’exécutif, car il ne s’agit plus alors d’une « motion de censure du gouvernement» mais bien d’une « motion d’investiture » et donc d’une censure des pouvoirs du Président de la République, que la  constitution en vigueur ne prévoit pas.
Parallèlement, une sourde campagne était menée, dans un esprit ethnocentrique, contre l’application de certains éléments essentiels du programme du chef de l’état, en particulier ceux relatifs au retour des réfugiés, au règlement du passif humanitaire et à la loi criminalisant l’esclavage.
Des initiatives ont été lancées pour la constitution de commissions d’enquête sur  la fondation de l’épouse du chef de l’état, sur le programme spécial d’intervention, ou encore sur la gestion du sénat pour la simple raison que le Président de cette Institution a reprouvé ces méthodes mafieuses.
C’est le lieu de noter que l’attaque contre la Fondation KB s’explique uniquement par le fait qu’aucun grief n’a pu être trouvé contre la personne du Président.  On peut être pour ou contre l’implication de la première dame dans ce type d’activités caritatives, mais force est de constater que cette fondation n’a bénéficié d’aucun soutien de l’Etat et que la plupart des épouses des Présidents dans le Monde se livrent à de telles activités. Il faut signaler aussi que le Parlement n’a pas vocation à enquêter sur des utilisations de fonds autres que les fonds publics.
C’est aussi le lieu de rappeler que ces actions n’ont visé que les partisans du Président démocratiquement élu. En effet, à aucun moment la corruption et la mauvaise gestion en général n’ont fait l’objet de la prétendue volonté d’assainissement de l’alliance militaro – parlementaire. Ses initiateurs se sont limités à la période du mandat Présidentiel, alors que la transition et l’avant transition ont certainement, sur le plan de la gestion, de nombreuses révélations qui méritaient d’attirer la curiosité de ces vaillants parlementaires!
Ainsi, il est devenu patent que la demande de constitution de commissions d’enquête relève du chantage politique et du règlement de comptes.
Il est de notoriété publique que, durant  cette phase, les officiers en question sous la conduite du Chef d’Etat major particulier du Président de la République recevaient ouvertement les députés individuellement ou par groupes, à leurs domiciles et même dans leurs bureaux. Ceux-ci rapportaient des propos particulièrement éloquents quant au degré d’implication de ces deniers dans le processus de déstabilisation du gouvernement en dépit de l’obligation de réserve que leur imposent leurs fonctions.
Les difficultés apparues dans la collaboration entre le Chef de l’Etat et le parlement ou d’autres institutions, ne revêtaient pas un caractère exceptionnel et de tels exemples sont très fréquents dans tous les pays démocratiques. Dans certains cas, ils ont duré des mois  comme récemment au Liban, en Turquie, et en Bolivie, mais ils ont justement été résolus par les mécanismes démocratiques et par des arbitrages prévus dans la constitution elle-même. En dehors de tels mécanismes tout n’est qu’arbitraire et la loi du plus fort ne peut qu’engendrer encore plus d’arbitraire et encore plus d’usage de la loi du plus fort.
En dépit de tout ce qui précède, le Président de la République a accepté, au regard de son devoir vis-à-vis de la Nation et du poids des responsabilités qui sont les siennes,  la  démission de son gouvernement. Mais force est de constater que cette décision n’a pas donné les résultats escomptés. Au contraire, en raison de l’implication des Généraux, on assista au départ d’une nouvelle offensive visant, cette fois, directement le Président.
La déstabilisation du Président :
Un nouveau gouvernement a donc  été formé en concertation avec les militaires et les parlementaires qui évoluent dans leur orbite. Les partis Tawassoul et l’UFP ont été exclus de la nouvelle composition.
Quelques jours après, les officiers conspirateurs ont de nouveau actionné les parlementaires, élevant cette fois le seuil de leurs revendications, en demandant la convocation d’une session parlementaire extraordinaire pour désigner les membres de la Haute Cour de Justice. Un vice-président de l’Assemblée nationale a transmis une demande dans ce sens au gouvernement.

Le gouvernement a rejeté cette demande pour non-conformité à la procédure en vigueur. En effet le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, qui a force de loi, en son article 53 stipule: « Le Président de l’Assemblée nationale transmet les communications de l’Assemblée au Président de la République et au gouvernement. Le Président de l’Assemblée nationale transmet les projets et propositions de lois adoptés par l’Assemblée nationale au Premier ministre. Les projets de lois rejetés sont communiqués suivant la même procédure. »
S’agissant des missions du vice-président, elles sont définies, de manière limitative, par l’article 9 du même règlement intérieur comme suit : « Les missions du vice-président appelé à suppléer le Président se limitent à la présidence de séance et la représentation de l’Assemblée aux cérémonies officielles »
C’est le lieu de rappeler que la motion de censure aurait pu être transmise régulièrement par le Président de l’Assemblée Nationale au Gouvernement. Mais cette fois, en fait, le Président de l’Assemblée nationale était en congé de courte durée et les demandeurs d’une session extraordinaire auraient pu attendre son retour.
D’ailleurs le gouvernement avait requis une session extraordinaire pour la révision de la loi de finances 2008 et la présentation de la déclaration de politique générale. Le bureau de l’Assemblée nationale avait demandé le report de cette session extraordinaire au mois de septembre.
Nonobstant toutes ces péripéties, les officiers conspirateurs ont poursuivi leurs pressions sur les parlementaires à leur solde, pour les inciter à davantage d’escalade.
Face à l’entêtement des officiers en question à s’immiscer dans le jeu politique de façon ostentatoire et à pousser les parlementaires évoluant dans leur sillage à susciter une série de crises créées de toutes pièces, le Président de la République a décidé  de recevoir les parlementaires au cours d’audiences. Ces audiences ont convaincu certains d’entre eux à renoncer au projet des conspirateurs. Ce qui a commencé à inquiéter  ces derniers.
Constatant l’obstination des officiers putschistes de continuer à transgresser les règles républicaines régissant  le comportement et le fonctionnement des armées, le Chef de l’Etat commandant en chef des forces armées a décidé, conformément à ses prérogatives constitutionnelles, de mettre fin aux fonctions des conspirateurs.
On peut conclure, suite à ce qui précède, qu’il n’y avait aucun blocage des institutions mais un conflit qui devait et qui pouvait être réglé par des voies constitutionnelles.
En effet le Parlement a fonctionné normalement tout au long des 14 premiers mois du Mandat du Président et, pendant la crise, le Chef de l’Etat s’est abstenu de recourir à la dissolution. Au total l’Assemblée Nationale  a tenu sept (7) sessions ordinaires et extraordinaires, voté une quarantaine de lois. Lorsque les parlementaires ont menacé de censurer le gouvernement le Président de la République a préféré accepter la démission de celui-ci.
Les commissions d’enquête n’ont jamais été refusées par le gouvernement et on sait que le sénat avait désigné des commissions d’enquête sur les différents programmes d’urgence ; commissions qui exerçaient leurs activités sans entraves.
Aussi la publicité orchestrée par les putschistes autour du blocage de l’action parlementaire n’est qu’une allégation sans aucun fondement. Comment peut-on considérer que la demande de respect d’une procédure constitue un blocage politique et institutionnel qui justifie un coup d’Etat militaire ?
Il s’agit donc  d’une usurpation flagrante du pouvoir, d’un renversement de la démocratie et d’un reniement, par ces mêmes officiers, des  engagements qu’ils ont pris solennellement devant le peuple mauritanien et devant la communauté internationale dans la période de transition.
Il s’agit d’un mépris total de la constitution et de la volonté du peuple mauritanien qui a accordé sa confiance à un Président élu dans la transparence.


                                           Partie III.
Le coup d’Etat : Un crime contre la Nation

La Charte et ses implications juridiques :
Le nouvel ordre constitutionnel dissident a pour fondement une «Ordonnance constitutionnelle » adoptée par le « Haut Conseil d’Etat » en violation flagrante de la constitution. D’après cette « ordonnance constitutionnelle », ce sont « Les forces armées et de sécurité, par l’intermédiaire du Haut Conseil d’Etat (qui) ont mis fin au pouvoir du Président de la République ». Ce faisant, ces « Forces armées et de sécurité » deviennent la source (même provisoire) de l’autorité de l’Etat et ce Haut Conseil d’Etat, l’incarnation (dut-elle être provisoire) de l’Etat, ce qui est d’une incompatibilité absolue avec l’article 2 de la constitution qui dit que le peuple et le peuple seul « est la source de tout pouvoir », et que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants élus et par la voie de referendum », et non à l’armée ou à un quelconque corps constitué, puisque « Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice ». Il en va de même  avec l’article 24 de cette même constitution qui dispose que c’est le Président de la République élu qui est seul, « gardien de la constitution (et ) incarne l’Etat »...
A ces dispositions de notre constitution (que soulignent par ailleurs de redoutables normes pénales)  s’ajoutent celles des actes internationaux auxquels notre pays est lié et qui sont relatifs à la représentativité des gouvernements en place, la légitimité formelle des autorités établies. Ces dispositions condamnent désormais avec une vigueur irrésistible, toute prise de pouvoir par la voie des coups d’Etat et imposent le respect de la pérennité des  institutions démocratiques, c’est-à-dire celles dont les membres ont accédé au pouvoir par la voie des urnes et non par celle des armes et la conspiration. Ces actes internationaux qui nous sont applicables sont, rien que pour notre continent, notamment la résolution d’Alger de l’OUA de septembre 99, la Déclaration de Lomé de juillet 2000, l’Acte constitutif de l’Union Africaine, la Charte africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance – que notre pays a été le tout premier Etat africain à avoir ratifié le 7 juillet 2008, ironie du sort…), sans parler d’une solide assise formelle onusienne et autres…
Il est vrai que les auteurs du Coup d’Etat ont proclamé, dans leurs déclarations publiques et dans leur « ordonnance constitutionnelle », leur volonté de conserver, en dehors de la présidence de la République-à laquelle ils entendent substituer leur « Haut Conseil d’Etat »-, les « autres institutions démocratiques », c’est à dire essentiellement, l’Assemblée nationale et le Sénat, qu’ils savent sous contrôle grâce à une majorité domestiquée notamment après le putsch.
En pleine improvisation juridique et institutionnelle, les auteurs du Coup d’Etat prétendent seulement « rectifier » ou « corriger » l’ordre existant « sans porter atteinte outre mesure que nécessaire aux dispositions de la constitution du 20 juillet 1991 » (préambule de «l’ordonnance »). Ils entendent donc, avec leur « majorité circonstancielle », transformer la nature du régime en vigueur par une opération de grande chirurgie constitutionnelle, en gommant ses traits les plus saillants sans aller plus loin, « outre mesure que nécessaire », et tout en conservant la physionomie générale. Aussi, leurs experts ont découpé notre Loi Fondamentale pour lui donner la forme militaro-parlementaire nécessaire, sans même y toucher, par la seule magie des subterfuges juridiques. Au final, un nouveau régime est né, un hybride mais qui n’est, en fait, rien d’autre qu’un régime militaire classique !
Seulement, la nature de ce régime n’est pas définie en raison du maintien verbal, formel des autres institutions de la République (article 8) mais du fait de la nature réelle et de la portée  des pouvoirs dévolus au Haut Conseil et à son Président. Une lecture de l’Ordonnance sur ce point capital prouve qu’un nouvel ordre juridique a été institué par le Coup d’Etat, en remplacement de celui, légitime, qui prévalait jusqu’au 6 août -et qu’un nouveau régime-quelle que soit sa durée- est désormais imposé au pays, en rupture complète avec le régime constitutionnel légitime.
D’abord, le Haut Conseil d’Etat est désormais investi des pouvoirs du Président de la République puis d’une compétence législative dont il décide seul des conditions, détails et délais de mise en Å“uvre, comme il se l’est autorisé dans son article 8 qui dispose, justement comme dans le débat  en cours, que « Lorsque pour des raisons quelconques, le fonctionnement du Parlement est entravé, le Haut Conseil d’Etat  édicte par ordonnance les mesures de force législative nécessaires à la garantie de la continuité des pouvoirs publics et à la garantie de la liberté et de la transparence des élections présidentielles prévues ». En clair, le Parlement perd, sur les matières qui sont de son ressort dans la constitution légitime, le bénéfice de sa souveraineté au profit du HCE, à l’initiative et à la seule discrétion de ce dernier. Le HCE est seul juge de ce que recouvre « la garantie de la continuité des pouvoirs publics », de la « garantie de la liberté » et de la « transparence des élections présidentielles prévues ».
Pour « bétonner » davantage ces matières sensibles, l’ordonnance militaire instaure une véritable hiérarchie des normes entre elle-même, adoptée par une dizaine d’officiers supérieurs, et la constitution nationale, adoptée par le peuple mauritanien par referendum. L’ordonnance militaire est la super constitution, la norme de référence, en quelque sorte, la constitution de la constitution alors que la constitution civile est la norme supplétive, soumise, la constitution déclassée, comme le déclare sans ambages l’article 9 en ces termes: « Les dispositions de la constitution du 20 juillet 1991 modifiée, contraires ou incompatibles avec la présente ordonnance constitutionnelle, sont modifiées  en tant que de besoin et ce, pendant la période  nécessaire à l’organisation des élections présidentielles et à l’investiture du Président de la République. ».
Ajoutons, toujours au registre du cocasse, que cette ordonnance est une vraie revanche du Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallah sur les députés à la solde des putschistes dont la simple menace de dissolution de leur Chambre avait valu de leur part au Président, un feu d’enfer de protestations démocratiques aigues, tandis qu’eux-mêmes engageaient déjà contre le Premier Ministre, la  procédure de la censure. Désormais les choses seront plus simples : le Premier Ministre et les Ministres ne sont plus responsables que devant le Haut Conseil et son Président, contrairement aux dispositions de l’article 74, de la constitution (la vraie). La responsabilité gouvernementale devant l’Assemblée Nationale qui était l’ultime reliquat du semi parlementarisme du régime est supprimée. Son maintien est en effet incompatible avec l’article 6 de l’ordonnance.  Par contre, le droit de dissoudre l’Assemblée est conservé intact, quoique soigneusement caché dans l’article 8 alinéa 2. 
Nonobstant ces observations de fond, la procédure de révision de la constitution, au plan formel, a été complètement bafouée. Ainsi, la constitution civile dispose (article 99 nouveau) que tout projet de révision doit être voté à la majorité des deux tiers des deux chambres pour pouvoir  être soumis au référendum, ou alors (article 101), si le président de la République en décide autrement, doit être soumis au Parlement convoqué en congrès et statuant à la majorité des trois cinquième. Même en sachant que la majorité des chambres est désormais, à sa dévotion, la junte n’a pas daigné  faire semblant de respecter cette procédure, au grand mépris de ses nouveaux thuriféraires. D’ailleurs, dans une situation normale, certaines de ces dispositions ne sont même pas susceptibles de modifications, car la constitution régulière édicte (article 99, alinéa 4), qu’aucune procédure de révision de la constitution, ne peut être engagée « si elle met en cause l’existence de l’Etat ou porte atteinte…à la forme républicaine des institutions….ou au principe de l’alternance démocratique et à son corollaire, le  principe selon lequel le mandat du Président de la république est de cinq ans….. ».   
Pour couronner le tout, l’ordonnance confirme la nature singulière du régime, en tant que régime militaire, c’est-à-dire un régime de confusion des pouvoirs au bénéfice de la haute hiérarchie militaire puisque, outre les pouvoirs traditionnels de l’exécutif et ceux du législatif, le HCE s’accapare ni plus ni moins l’autorité du pouvoir constituant lui-même, dans la pire tradition des monocraties militaires ; l’article 10 de l’ordonnance donnant à cette structure le droit de modifier, à sa convenance, ses propres ordonnances constitutionnelles, pouvant elles mêmes modifier les dispositions de notre constitution civile.
En somme  la lecture même rapide de cette ordonnance bien singulière montre de façon claire que le régime qu’elle impose n’a plus rien à voir avec le régime semi présidentiel inscrit dans notre constitution légitime. Contrairement à ce qu’affirme avec fracas – pour plaire aux  conspirateurs- l’article 2 de l’ordonnance, ce ne sont  pas seulement les pouvoirs dévolus au Président de la République en vertu des dispositions de la constitution du 20 juillet 1991, modifiée, qui sont exercés  par le Haut Conseil d’Etat. Ce sont également les prérogatives du pouvoir constituant lui-même (le peuple par voie de referendum notamment) et celles du Parlement qui tombent dans le giron de cette institution, en réduisant au passage, mine de rien, certains des pouvoirs les plus significatifs reconnus à l’Assemblée (suppression de la censure du Gouvernement et de la responsabilité de ce denier devant elle.). Si donc les putschistes ont fait main basse sur l’institution présidentielle, pilier éminent de notre démocratie, l’institution parlementaire n’est pas non plus en reste, elle qui est organiquement très dépendante de la première dans notre système constitutionnel. La greffe, décidément très artificielle, est un échec cuisant au plan juridique comme au plan institutionnel.
En définitive, il apparaît clairement qu’il y’a deux ordres constitutionnels en concurrence,  incompatibles l’un l’autre : l’ordre légitime fondé sur la constitution en vigueur au jour du Coup d’Etat et l’ordre militaire, fondé sur l’ordonnance du HCE issu d’un Coup d’Etat c’est-à-dire de la négation même du précédent. La référence du second au premier, pour en conserver les dispositions formelles « compatibles », ne change rien à cette incompatibilité de principe. Les institutions démocratiques prévues dans la constitution civile ne peuvent donc conserver leur légitimité initiale en acceptant de s’intégrer dans le nouvel ordre.  C’est la raison pour laquelle la résistance multiforme  à la domination de l’ordre nouveau est à la fois un devoir et une condition de la continuité de la légitimité de l’ordre constitutionnel qui précède le Coup d’Etat et pour son rétablissement par des moyens non moins légitimes et avec le soutien de la communauté internationale.
Le coup d’état et ses implications politiques :
A l’intérieur, le coup d’Etat a terni l’image du modèle démocratique mauritanien. Il a vidé les institutions constitutionnelles de leur contenu. Il les a transformées en instruments que les putschistes utilisent pour justifier leur conspiration contre la démocratie et la Constitution. Ainsi, ont- ils effectivement suspendu la Constitution en donnant au «Haut Conseil d’Etat » le pouvoir de la modifier et en usurpant au Parlement ses prérogatives, le transformant en un outil qui ne peut leur opposer la moindre résistance, comme le stipule l’article 8 de leur « Ordonnance constitutionnelle ». Ils ne se privent pas, par ailleurs, de se servir du Parlement comme un instrument pour intimider, exercer le chantage et, peut être, réprimer leurs opposants, qu’ils menacent d’enquêtes politiques et de jugements. Le maintien du parlement en l’état, alors que le gouvernement n’est pas responsable devant lui, relève d’une volonté de corrompre et de fonctionnariser les parlementaires.
Tout cela a été accompagné d’un rétrécissement rapide de l’espace des libertés publiques. Ainsi de nombreuses actions de protestation ont été interdites et de multiples manifestations de condamnation du putsch ont été sauvagement réprimées, y compris celle organisée par des parlementaires, en violation de leur immunité. D’un autre côté, l’administration centrale et territoriale (Secrétaires généraux de ministères, Directeurs d’établissements publics, Walis, Hakems et supplétifs) ont été  commis pour embrigader et contraindre les fonctionnaires, les notables et le commun des citoyens à participer à des manifestations destinées à donner l’impression d’un soutien populaire au coup d’État. On en revient aux pratiques de l’inquisition et du chantage.
Quant aux médias publics qui étaient des tribunes pour l’opinion et l’opinion contraire, ils sont devenus des instruments de propagande et de désinformation, qui ressassent les mêmes litanies à  longueur de journée.
Le retour du régime militaire et l’appui que lui apportent de nombreuses personnes ayant trempés directement ou indirectement dans les atteintes au droits humains suscitent des craintes légitimes pour les progrès accomplis dans l’organisation du retour de nos réfugiés et la criminalisation des pratiques esclavagistes, menaçant ainsi l’unité et la cohésion nationales.
Le paysage politique a subi de nombreuses déformations suite à ce coup d’Etat. Les pratiques des régimes d’exception et l’hypocrisie politique ont réapparu, sous l’influence de la crainte et de la cupidité.
Cependant, si ce coup d’Etat peut avoir quelque chose de positif, c’est bien l’apparition d’une élite politique consciente, attachée aux valeurs démocratiques et rejetant toute atteinte à  la légalité. Cette élite s’est exprimée à travers le Front National pour la Défense de la Démocratie (FNDD) qui est à l’avant-garde d’un vaste mouvement d’opinion impliquant des partis politiques, des centrales syndicales, des organisations de droits de l’homme.
A l’extérieur on assiste à la dégradation de l’image démocratique du pays en tant qu’exemple à suivre et aux risques graves  d’un isolement du pays sur la scène internationale, ce qui fait peser de lourdes conséquences sur la Nation.
Il est à craindre qu’on assiste au recul des espérances que les démocrates en Afrique et dans le monde arabe fondaient sur l’exemple mauritanien, ce qui risque d’encourager les forces de l’oppression et de la tyrannie dans la région, si les forces démocratiques ne réussissent pas à faire échec de façon exemplaire à ce coup d’état, à rétablir la légalité et à obliger les militaires à se ressaisir et s’astreindre à leur glorieux rôle républicain.
Le coup d’état et ses implications économiques :
Le Coup d’Etat du 6 Août 2008 a suscité une réaction de rejet et de condamnation de la part de nos partenaires au développement qui ont commencé à entreprendre des mesures allant dans le sens de la suspension de l’aide consentie à notre pays sapant la confiance qui a été rétablie à grande peine avec l’investiture du Président de la République.
La suspension des décaissements extérieurs entraînera une contraction de l’investissement qui se traduira à son tour par un recul de la croissance économique et partant, de l’emploi et des ressources de l’Etat. Pour que l’Etat continue de fonctionner normalement, il sera nécessairement fait appel: soit à la « planche à billet » alimentant ainsi les tensions inflationnistes, soit en pompant l’épargne intérieure évinçant par la même occasion le financement de l’investissement privé ou encore en accumulant des arriérés de paiement vis-à-vis de ses fournisseurs. Ces mesures n’étant pas durables, l’Etat se trouvera nécessairement amené à augmenter la pression fiscale ou à utiliser les ressources du secteur parapublic (SNIM, par exemple.) achevant ainsi le processus inévitable de déstructuration de l’économie nationale.
Par ailleurs, la rupture de confiance sur le plan international entraînera quant à elle un renchérissement des coûts de transactions liées aux opérations d’importation obérant ainsi les réserves de change du pays, déjà limitées, et paupérisant davantage une population dont le pouvoir d’achat était rudement éprouvé par la hausse internationale des prix des hydrocarbures et des céréales. Au plan intérieur, cette rupture de confiance rendra encore plus cher le crédit intérieur dégradant ainsi la situation de la dette publique et ralentissant davantage l’activité économique.
En plus de ces effets, une dégradation inévitable du taux de change ne manquera pas de se produire sous l’effet conjugué du renchérissement du coût des importations et de l’assèchement des financements extérieurs.
 (A suivre)
                                      


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