«On revient au temps des arrestations et manifestations interdites ou dispersées à coups de lacrymogène».   
21/08/2008

Trente-deux parlementaires mauritaniens sur les 151 s’opposent à la junte qui a renversé le président le 6 août. Leur Porte-parole, Mohamed Moustapha Ould Bedredine, dénonce un "retour au système dictatorial" après quinze mois de démocratie et trente ans de pouvoir militaire. M.Ould Bedredine est député et vice-président de l’Union des Forces du Progrès (UFP).



Question: Pourquoi boycottez-vous la session extraordinaire du parlement convoquée par le chef de la junte, le Général Mohamed Ould Abdel Aziz, à la demande des deux-tiers des députés favorables au putsch?

Réponse: Parce qu’elle est illégale pour différentes raisons. Une session extraordinaire ne peut être convoquée que par le président, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, qui a été arrêté le 6 août et reste privé de liberté. Le général a d’abord convoqué cette session pour recevoir solennellement le soutien des parlementaires. Les hommes de la loi ont rendu un «vibrant hommage» à l’armée alors qu’elle vient d’agir contre la loi: c’est très choquant!

Le pays a été dirigé pendant trente ans par les militaires, avant la présidentielle de 2007 que tout le monde a jugé transparente. Le coup d’Etat est un très grave retour au système dictatorial. On revient au temps des arrestations et manifestations interdites ou dispersées à coups de lacrymogène.

Les hommes de Maaouiya Ould Taya (président de 1984-2005, ndlr) reviennent en force. A la tête du pays, nous avons à présent un Général qui doit toute sa carrière passée au système du régime Ould Taya et à la vice-présidence de l’assemblée (El Arby Ould Jidein, ndlr), un colonel qui était chef d’état-Major de l’armée sous la dictature d’Ould Taya.

Question: Les 107 parlementaires approuvant le putsch veulent à présent élire les membres de la haute cour de justice, qui pourrait juger le président renversé. Qu’en pensez-vous?

Réponse: Ils veulent constituer cette haute cour essentiellement parce qu’il y a de bonnes places à occuper, avec des avantages. Juger le président serait une totale absurdité. Il faudrait qu’il se soit rendu coupable de haute trahison. Et d’ailleurs, dans notre juridiction, cette notion n’est même pas encore déterminée.

Les parlementaires veulent aussi créer une commission d’enquête sur la «gestion» de la fondation que dirigeait l’épouse du président. C’est une autre absurdité. Cette Ong n’a jamais reçu des fonds de l’Etat, ils ne sont pas habilités à juger de sa gestion. ce qui est vrai, c’est que les mauritaniens ont souvent été choqués par la forte présence et l’activisme de la première dame, et que ses agissements ont été largement exploités par les ennemis du président.

La junte accuse aussi le président d’avoir favorisé la corruption, les détournements. C’est faux. La période des malversations, c’était celle de 1978 jusqu’à 2007. Ceux qui crient aujourd’hui "au voleur" étaient impliqués. Sidi a pris des mesures pour juguler les malversations mais n’y est pas parvenu en quinze mois.

Question: Que dites-vous des marches de "soutien inconditionnel" au coup d’Etat qui sont organisées dans le pays?

Réponse: Les mauritaniens se sont habitués aux coups d’Etat depuis trente ans. Cette fois, il y a eu de nombreuses réactions contre. Mais une frange de la société n’a pas encore perdu l’habitude du système dictatorial et de l’allégeance au nouveau pouvoir pour des raisons opportunistes.

En écoutant les promesses démagogiques des militaires, les gens croient que les difficultés connues sous le régime de Sidi vont disparaître. Mais ils vont subir les difficultés de la répression, en plus de la crise économique et sociale que l’isolement du pays va accentuer.


Toute reprise totale où partielle de cet article doit inclure la source : www.journaltahalil.com
Commentaires
rachat de credit
robsonabrill@live.fr
2010-12-20 15:06:54

Il semble que vous soyez un expert dans ce domaine, vos remarques sont tres interessantes, merci. - Daniel

Réagir à cet article
Pseudo
E-mail
Commentaire
Entrer le code
La rédaction de Tahalil vous demande d'éviter tout abus de langage en vue de maintenir le sérieux et de garantir la crédibilité de vos interventions dans cette rubrique. Les commentaires des visiteurs ne reflètent pas nécessairement le point de vue de Tahalil et de ses journalistes.
Les commentaires insultants ou diffamatoires seront censurés.

TAHALIL 2006-2022 Tous droits reservés