Le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) apprécie à sa juste valeur l’initiative des institutions régionales et internationales, entreprises pour s’informer des tenants et aboutissant de la crise qui prévaut actuellement en Mauritanie. Il tient à exposer, en détail, les raisons profondes de cette crise et les phases de son développement.
En guise de conclusion, il présentera un ensemble de propositions dont la mise en oeuvre lui semble déterminante pour y trouver une solution. Au préalable, nous ferons, une brève présentation du RFD. Il s’agit d’un parti patriotique qui rassemble toutes les composantes du peuple mauritanien, s’attache aux valeurs démocratiques et refuse, ce qui le distingue de plusieurs autres formations, toute forme d’extrémisme. Il mène depuis longtemps un grand combat pour mettre un terme aux régimes d’exception, aux injustices et au despotisme. C’est actuellement le plus grand parti du pays, par le nombre de ses militants, le niveau de sa représentation au parlement et l’ampleur de son implantation au niveau national.
I. Les causes de la crise actuelle et ses principales étapes
1. Avant qu’il ne soit élu, le Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi est resté absent de la scène politique mauritanienne durant près de deux décennies, sans prêter la moindre attention aux graves évènements et secousses politiques qui ont failli emporter le pays. En 2006, dans la perspective de l’organisation de l’élection présidentielle qui s’est déroulée finalement en 2007, il lui a été « suggéré » par les dirigeants du Comité Militaire pour la Justice et la Démocratie (CMJD) qui ont pris le pouvoir suite au coup d’Etat du 03 août 2005, de se porter candidat. Le CMJD et son gouvernement l’ont soutenu de manière ouverte et ont déployé tous les moyens à leur disposition pour le faire élire, ce qu’il a reconnu lui-même récemment dans une interview sur la chaîne Al Jazeera. 2. Malgré les interférences partisanes de l’administration et du CMJD qui ont émaillé les différentes phases de ces élections, ainsi que l’utilisation des moyens matériels et humains de l’Etat mauritanien au profit de ce candidat, le Président du RFD, Monsieur Ahmed Ould Daddah, obtenant plus de 47% des suffrages exprimés, a tenu à reconnaître la victoire de son concurrent afin d’éviter les troubles que d’autres pays avaient connu dans de pareilles circonstances. En tant que Leader de l’Opposition Démocratique, il avait aussi pris l’habitude de se réunir avec l’ancien président et de lui prodiguer ses conseils sur la nécessité de faire face à la grave situation économique et sociale que connaît le pays. 3. Monsieur Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi ne disposait pas , au moment de son élection, de l’appareil d’un parti politique représenté au Parlement qui puisse soutenir l’action de son gouvernement, les élections législatives ayant eu lieu plusieurs mois avant le scrutin présidentiel. Les parlementaires élus sous l’étiquette « candidats indépendants » se sont retrouvés sous la bannière d’un parti (ADIL), crée à la demande de l’ancien président qui a fini par en assurer la présidence effective en violation flagrante de la constitution. 4. Après plusieurs mois, Monsieur Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi et ces parlementaires – sensés pourtant être de sa majorité – sont entrés peu à peu dans des divergences inavouées d’abord, et qui ont éclaté au grand jour ensuite, se traduisant par :
- le dépôt par les députés d’une motion de censure contre le gouvernement du président - les menaces du Président de dissoudre l’Assemblée Nationale, - la révocation du gouvernement par le Président afin d’empêcher le parlement d’exercer ses prérogatives - la menace de mise en place par le parlement de la Haute Cour de Justice afin de juger Monsieur le Président - la menace d’engager des poursuites pénales contre l’épouse du président pour détournement de deniers publics , de diffamation et d’outrages proférées publiquement à l’encontre du peuple et des parlementaires - la menace de mise en place de commissions d’enquête sur des dossiers sensibles : Mines, gestion du Fonds des Hydrocarbures, plans d’urgence, reconstruction de la ville sinistrée de Tintane…. - le recours par l’ancien Président à la corruption par l’octroi de hautes charges publiques ou de sommes d’argent pour s’attacher l’allégeance de parlementaires. 5. La crise a ensuite atteint son paroxysme avec le limogeage par le Président des principaux chefs militaires à l’aube du 6 août 2008 faite en dehors des procédures officielles avec le concours dans la confection et la diffusion par des personnes qui ne sont pas fonctionnaires de l’Etat, et leur remplacement par des officiers choisis sur des bases sectaires et des critères régionalistes, exposant ainsi l’institution militaire à la division et même à l’éclatement, à un moment où le pays fait face au spectre de l’insécurité. C’est cette action qui a conduit aux événements qui se sont produits le même jour et qui a eu pour conséquence – malheureusement – la déposition du président de la République, son arrestation, l’annonce de l’annulation des mesures qu’il a prise concernant le limogeage des chefs militaires et la formation d’un Conseil d’Etat qui exerce les pouvoirs du Président de la République tout en maintenant les autres institutions constitutionnelles (les deux chambres du Parlement et le Conseil constitutionnel) et en maintenant en vigueur les textes relatifs aux libertés publiques, politiques et syndicales. Ce changement est intervenu dans le calme, sans effusion de sang, ni atteinte aux libertés et biens des citoyens.
II. Bilan des 15 mois du pouvoir de M. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi
La période que l’ex-président a passée à la tête de l’Etat, entre sa prise de fonction officielle et le 06 août 2008, a été caractérisée par :
- L’entrave du Parlement dans l’exercice de ses prérogatives constitutionnelles, - le déroulement, pour la première fois de l’histoire du pays, d’affrontements armés dans les rues de Nouakchott ont été le théâtre, entre des groupes présumés salafistes djihadistes et des unités de la sécurité nationale entraînant des morts et des blessés dont des éléments de la police nationale, - l’instrumentalisation et le tapage médiatique sur les grands dossiers se rapportant à l’unité nationale, sans réunir les conditions matérielles et financières que requiert la solution effective juste et équitable de ces dossiers, - la gestion patrimoniale des deniers publics et des ressources de l’Etat, - l’inégalité des citoyens devant les institutions et emplois publics et l’exclusion de bon nombre de citoyens de ces institutions pour de dérisoires raisons tribales régionales ou pour cause de non subordination, - l’incapacité patente de faire face aux grands défis qui interpellent le pays (drogue, migration clandestine, lutte contre le terrorisme). A cet égard, il convient d’observer que plus un jour ne se passe à Nouakchott sans qu’on enregistre un meurtre suite à une agression armée, - la révolte des affamés qui s’était étendue sur l’ensemble du territoire et qui a été sévèrement réprimée faisant un mort et plusieurs blessés, - l’augmentation continue et effrénée des prix des denrées de première nécessité, malgré la mise en place de deux plans d’urgence qui ont coûté des dizaines de milliards d’ouguiyas à l’Etat, hors autorisation parlementaire, - des rapports avec les chefs militaires oscillant entre la soumission servile et l’opposition frontale à eux et le recours contre eux par des procédés inconsidérés, - la planification de la dissolution des partis politiques de l’opposition et particulièrement le RFD.
III. Notre position par rapport à la crise actuelle et nos propositions pour lui trouver un dénouement.
Partant des données exposées ci-dessus et après un examen approfondi de la situation que vit le pays, le RFD - soucieux d’éviter tout ce qui peut conduire au désordre et à l’anarchie -, avait publié le 06 août 2008 un communiqué où il déclare prendre acte du changement intervenu tout en appelant à un débat national, responsable et sincère entre tous les acteurs politiques, pour revenir à une vie constitutionnelle normale dans les plus brefs délais possibles (Annexe 1). Le RFD avait aussi publié une déclaration avec les partis de l’Opposition Démocratique pour fixer les conditions nécessaires pour pouvoir parvenir à cet objectif (Annexe 2), ces conditions étant :
- la définition dans le temps de la phase transitoire, - la mise en place du programme de la période transitoire en concertation avec les différents acteurs politiques dans le pays, - l’implication de ces acteurs politiques dans la gestion du programme de la transition, en prenant en compte les critères de compétence, d’intégrité et de patriotisme pour le choix des responsables durant cette phase, - la mise en place de mécanismes et de garanties permettant l’organisation d’élections présidentielles libres et transparentes.
La satisfaction de telles conditions créera l’amorce d’une détente dans la crise actuelle et permettra la restauration de toutes les institutions de la République.
Nouakchott le 10 août 2008.
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