MĂ©morandum : De la crise politique actuelle en Mauritanie et les propositions du RFD pour pouvoir en sortir   
12/08/2008

Le Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD) apprécie à sa juste valeur l’initiative des institutions régionales et internationales, entreprises pour s’informer des tenants et aboutissant de la crise qui prévaut actuellement en Mauritanie. Il tient à exposer, en détail, les raisons profondes de cette crise et les phases de son développement.



En guise de conclusion, il prĂ©sentera un ensemble de propositions dont la mise en oeuvre lui semble dĂ©terminante pour  y trouver une solution.
Au prĂ©alable, nous ferons, une brève prĂ©sentation du RFD. Il s’agit d’un parti patriotique qui rassemble toutes les composantes du peuple mauritanien, s’attache aux valeurs dĂ©mocratiques et refuse, ce qui le distingue de plusieurs autres formations, toute forme d’extrĂ©misme. Il mène depuis longtemps un grand combat pour mettre un terme aux rĂ©gimes d’exception, aux injustices et au despotisme. C’est actuellement le plus grand parti du pays, par le nombre de ses militants, le niveau de sa reprĂ©sentation au parlement et l’ampleur  de son implantation au niveau national.

I. Les causes de la crise actuelle et ses principales Ă©tapes

1. Avant qu’il ne soit Ă©lu, le PrĂ©sident Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi est restĂ© absent de la scène politique mauritanienne durant près de deux dĂ©cennies, sans prĂŞter la moindre attention aux graves Ă©vènements et secousses politiques qui ont failli emporter le pays. En 2006, dans la perspective de l’organisation de l’élection prĂ©sidentielle qui s’est dĂ©roulĂ©e finalement en 2007, il lui a Ă©tĂ© « suggĂ©rĂ© » par les dirigeants du ComitĂ© Militaire pour la Justice et la DĂ©mocratie (CMJD) qui ont pris le pouvoir suite au coup d’Etat du 03 aoĂ»t 2005, de se porter candidat. Le CMJD et son gouvernement l’ont soutenu de manière ouverte et ont dĂ©ployĂ© tous les moyens Ă  leur disposition pour le faire Ă©lire, ce qu’il a reconnu lui-mĂŞme rĂ©cemment dans une interview sur la chaĂ®ne Al Jazeera.
2. MalgrĂ© les interfĂ©rences  partisanes de l’administration et du CMJD qui ont Ă©maillĂ© les diffĂ©rentes phases de ces Ă©lections, ainsi que l’utilisation des moyens matĂ©riels et humains de l’Etat mauritanien au profit de ce candidat, le PrĂ©sident du RFD, Monsieur Ahmed Ould Daddah, obtenant plus de 47% des suffrages exprimĂ©s, a tenu Ă  reconnaĂ®tre la victoire de son concurrent afin d’éviter les troubles que d’autres pays avaient connu dans de pareilles circonstances. En tant que Leader de l’Opposition DĂ©mocratique, il avait aussi pris l’habitude de se rĂ©unir avec l’ancien prĂ©sident et de lui prodiguer ses conseils sur la nĂ©cessitĂ© de faire face Ă  la grave situation Ă©conomique et sociale que connaĂ®t le pays.
3. Monsieur Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi ne disposait pas , au moment de son Ă©lection,  de l’appareil d’un parti politique reprĂ©sentĂ© au Parlement qui puisse soutenir l’action de son gouvernement, les Ă©lections lĂ©gislatives ayant eu lieu plusieurs mois avant le scrutin prĂ©sidentiel. Les parlementaires Ă©lus sous l’étiquette « candidats indĂ©pendants » se sont retrouvĂ©s sous la bannière d’un parti (ADIL), crĂ©e Ă  la demande de l’ancien prĂ©sident qui a fini par en assurer la prĂ©sidence effective en violation flagrante de la constitution. 
4. Après plusieurs mois, Monsieur Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi et ces parlementaires – sensĂ©s pourtant ĂŞtre de sa majoritĂ© – sont entrĂ©s peu Ă  peu dans des divergences inavouĂ©es d’abord, et qui ont Ă©clatĂ© au grand jour ensuite, se traduisant par :

- le dĂ©pĂ´t par les dĂ©putĂ©s d’une motion de censure contre le gouvernement du prĂ©sident
- les menaces du PrĂ©sident de dissoudre l’AssemblĂ©e Nationale,
- la rĂ©vocation du gouvernement par le PrĂ©sident afin d’empĂŞcher le parlement d’exercer ses prĂ©rogatives
- la menace de mise en place par le parlement de la Haute Cour de Justice afin de  juger Monsieur le PrĂ©sident
- la menace d’engager des poursuites pĂ©nales contre l’épouse du prĂ©sident pour dĂ©tournement de deniers publics , de diffamation et d’outrages profĂ©rĂ©es publiquement Ă  l’encontre du peuple et des parlementaires
- la menace de mise en place de commissions d’enquĂŞte sur des dossiers sensibles : Mines,   gestion du Fonds des Hydrocarbures,   plans d’urgence, reconstruction de la ville sinistrĂ©e de Tintane….
- le recours par l’ancien PrĂ©sident Ă  la corruption  par l’octroi de hautes charges publiques ou de sommes d’argent pour s’attacher l’allĂ©geance de parlementaires.
 
5.  La crise a ensuite atteint son paroxysme avec le limogeage par le PrĂ©sident des principaux chefs militaires Ă  l’aube du 6 aoĂ»t 2008 faite en dehors des procĂ©dures officielles avec le concours dans la  confection et la diffusion par des personnes qui ne sont pas fonctionnaires de l’Etat, et leur  remplacement par des officiers choisis sur des bases sectaires et des critères rĂ©gionalistes, exposant ainsi l’institution militaire  Ă  la division et  mĂŞme Ă  l’éclatement, Ă  un moment oĂą le pays fait face au spectre de l’insĂ©curitĂ©. C’est cette action qui a conduit aux Ă©vĂ©nements qui se sont produits  le mĂŞme jour et qui a eu pour consĂ©quence – malheureusement – la dĂ©position du prĂ©sident de la RĂ©publique, son arrestation, l’annonce de l’annulation des mesures qu’il a prise concernant le limogeage des chefs militaires et la formation d’un Conseil d’Etat qui exerce les pouvoirs du PrĂ©sident de la RĂ©publique tout en maintenant les autres institutions constitutionnelles (les deux chambres du Parlement et le Conseil constitutionnel) et en maintenant en vigueur les textes relatifs aux libertĂ©s publiques, politiques et syndicales. Ce changement est intervenu dans le calme, sans effusion de sang, ni atteinte aux libertĂ©s et   biens des citoyens.

II. Bilan des 15 mois du pouvoir de M. Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi

La pĂ©riode que l’ex-prĂ©sident a passĂ©e Ă  la tĂŞte de l’Etat, entre sa prise de fonction officielle et le 06 aoĂ»t 2008, a Ă©tĂ© caractĂ©risĂ©e par : 

- L’entrave du Parlement dans l’exercice de ses prĂ©rogatives constitutionnelles,
- le dĂ©roulement, pour la première fois de l’histoire du pays, d’affrontements armĂ©s dans les rues de Nouakchott ont Ă©tĂ© le théâtre, entre des groupes prĂ©sumĂ©s salafistes djihadistes et des unitĂ©s de la sĂ©curitĂ© nationale entraĂ®nant des morts et des blessĂ©s dont des Ă©lĂ©ments de la police nationale,
- l’instrumentalisation et le tapage mĂ©diatique sur les grands dossiers se rapportant Ă  l’unitĂ© nationale, sans rĂ©unir les conditions matĂ©rielles et financières que requiert la solution effective juste et Ă©quitable de ces dossiers,
- la gestion patrimoniale des deniers publics et des ressources de l’Etat,
- l’inĂ©galitĂ© des citoyens devant les institutions  et emplois publics et l’exclusion de bon nombre de citoyens de ces institutions pour de  dĂ©risoires raisons tribales rĂ©gionales ou pour cause de non subordination,
- l’incapacitĂ© patente de faire face aux  grands dĂ©fis  qui interpellent le pays   (drogue, migration clandestine, lutte contre le terrorisme). A cet Ă©gard, il convient d’observer que plus un jour ne se passe Ă  Nouakchott sans qu’on enregistre un meurtre suite Ă  une agression armĂ©e,
- la rĂ©volte des affamĂ©s qui s’était Ă©tendue sur l’ensemble du territoire et qui a Ă©tĂ© sĂ©vèrement rĂ©primĂ©e faisant un mort et plusieurs blessĂ©s,
- l’augmentation continue et effrĂ©nĂ©e des prix des denrĂ©es de première nĂ©cessitĂ©, malgrĂ© la mise en place de deux plans d’urgence qui ont coĂ»tĂ© des dizaines de milliards d’ouguiyas Ă  l’Etat, hors autorisation parlementaire,
- des rapports avec les chefs militaires oscillant entre la soumission servile  et l’opposition  frontale Ă  eux et le recours contre eux par des procĂ©dĂ©s inconsidĂ©rĂ©s,
- la planification de la dissolution des partis politiques de l’opposition et particulièrement le RFD.

III. Notre position   par rapport Ă  la crise actuelle et nos propositions pour lui trouver un dĂ©nouement.

Partant des donnĂ©es exposĂ©es ci-dessus et après un examen approfondi de la situation que vit le pays, le RFD - soucieux d’éviter tout ce qui peut conduire au dĂ©sordre et Ă  l’anarchie  -, avait publiĂ© le 06 aoĂ»t 2008 un communiquĂ© oĂą il dĂ©clare prendre acte du changement intervenu  tout en appelant Ă  un dĂ©bat national,  responsable et sincère entre tous les acteurs politiques, pour revenir Ă  une vie constitutionnelle normale dans les plus brefs dĂ©lais possibles (Annexe 1).
 Le RFD avait aussi publiĂ© une dĂ©claration avec les partis de l’Opposition DĂ©mocratique pour fixer les conditions nĂ©cessaires pour pouvoir parvenir Ă  cet objectif (Annexe 2), ces conditions Ă©tant :

- la dĂ©finition dans le temps de la phase transitoire,  
- la mise en place du programme de la pĂ©riode transitoire en concertation avec les diffĂ©rents acteurs politiques dans le pays,
- l’implication de ces acteurs politiques dans la gestion du programme de la transition, en prenant en compte les critères de compĂ©tence, d’intĂ©gritĂ© et de patriotisme pour le choix des responsables durant cette phase,
- la mise en place de mĂ©canismes et de garanties permettant l’organisation d’élections prĂ©sidentielles libres et transparentes.

La satisfaction de telles conditions créera l’amorce d’une détente dans la crise actuelle et permettra la restauration de toutes les institutions de la République.
 

Nouakchott le 10 août 2008.


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