Nous savons ce que pensent les politiques toutes tendances confondues du coup d’Etat du 6 août. Nous savons cependant peu, de ce que pensent les intellectuels mauritaniens peu marqués politiquement. Pour parler de la crise que traverse notre pays après ce coup d’Etat, nous avons tendu notre micro à l’un d’eux. Entretiens…
Tahalil Hebdo : M. Nech, en tant qu’intellectuel et observateur indépendant quels sont vos sentiments sur la situation qui prévaut aujourd’hui en Mauritanie ? Mohamed Nacer Ould Moctar Nech : En tant que citoyen, j’aimerais dire, car le moment est grave et tous les mauritaniens, quels qu’en soient la position ou l’appartenance politique doivent se mobiliser pour aider à préserver les intérêts supérieurs de notre pays et, avant tout, la paix civile et la sécurité publique. T H : Mais que faut il faire pour revenir à une situation normale ? M N O M N: La vraie question est là … que faudra-il faire ? Je pense que c’est la question que doivent aussi se poser tous les responsables et acteurs politiques mauritaniens, loin des passions et des pressions venant de l’extérieur. Les solutions ne peuvent, cependant, être aussi tranchées qu’on veut les présenter au niveau d’une certaine élite politique, même si dans le principe ces positions peuvent se justifier amplement dans des circonstances moins graves. Mais les crises majeures, comme celle que nous vivons aujourd’hui devraient, en fait, être l’occasion pour toutes les parties prenantes de voir ce qui ne va pas et de trouver des points de rapprochement pour régler la crise et non d’accentuer les divergences et les tensions récurrentes. T H: D’après vous, il faut consommer le coup d’état et tourner la page pour une autre aventure démocratique à la mauritanienne, en attendant un autre coup d’état et ainsi de suite ! MNOMN: En tant que citoyen, je suis pour la légalité. Les coups d’état ne peuvent être la règle pour solutionner les problèmes du pays ou pour créer l’alternance politique. Au demeurant, que constatons-nous ? Qu’à l’exclusion du président Ely Ould Mohamed Vall, et cela pour des raisons évidentes, il y a eu au moins autant de coups d’état que de présidents et chefs de gouvernements mauritaniens élus ou pas. Le président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, dont la légitimité a été reconnue par tous et par tous les pays, et qui avait d’énormes opportunités de faire franchir un pas important à la démocratie mauritanienne n’a pas su échapper à la logique regrettable que nous vivons depuis la proclamation de l’indépendance. A y bien réfléchir, c’est que quelque part, quelque chose ne va pas dans notre système politique et c’est précisément par là que les politiciens et les constitutionalistes doivent commencer pour trouver une nouvelle plate-forme constitutionnelle qui permet à notre pays de sortir durablement du cercle infernal des coups d’état. T H: avant de ramener le président Sidioca sur son fauteuil ou après ? MNOMN: Une solution, aujourd’hui, qui aura pour effet de diviser davantage les mauritaniens n’est pas de mon point de vue souhaitable. Le président est l’institution la plus importante de notre édifice constitutionnel, mais, il faut l’admettre, c’est un chapitre parmi d’autres chapitres de notre socle constitutionnel. La constitution est une et indivisible. C’est une erreur de lecture que la constitution se limite au poste présidentiel et c’est d’ailleurs pour cela que c’est une institution qui ne marche pas, qui finit toujours par s’écrouler, amenant ainsi désillusion et déception pour tous les mauritaniens. Ramener un président au sommet, surtout sans trouver au préalable des solutions fondamentales à l’équilibre des pouvoirs au niveau de l’ensemble des institutions du pays, ne servira à rien. Tout au plus on reculera le moment de vérité, pour revivre toujours les mêmes problèmes et donc les mêmes tensions avec les mêmes conséquences sur la pérennité de l’institution présidentielle. T H: Donc pour vous, Exit le président! MNOMN: Non, ce n’est pas cela. Mais il est temps de rompre avec le régime présidentiel sous la forme actuelle. Le régime qui conviendrait le mieux, serait à mon avis un régime parlementaire, avec un président élu au suffrage indirect. Ce la coûterait moins cher pour le contribuable et limitera les appétits tribaux et régionaux toujours prompts à phagocyter le chef de l’état et à ignorer superbement les autres symboles non moins importants de la république. Propos recueillis par IOM
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