Après quelques semaines de crise au sein de la majorité parlementaire dans les deux chambres et la démission des ministres nommés en mai dernier, le Président de la République vient de rétablir, le 15 juillet 2008, le fonctionnement régulier de l’Exécutif par la désignation d’un nouveau gouvernement sous la direction de Yahya Ould Ahmed El Waghef.
Des prédateurs notoires sous la dictature perdent leurs positions ; d’autres demeurent ; de nouveaux reviennent. Globalement, le rapport des forces tourne à l’avantage égal des deux fractions en concurrence au centre dirigeant du système de domination. Les composantes vertueuses de l’opposition gagnent en crédibilité et pugnacité au détriment des partis dont l’entrisme pathologique dénote l’abdication de l’idéologie et l’alignement sur les intérêts de court terme. Les promoteurs du changement et une frange pragmatique du bloc conservateur ont pu opérer une jonction sans état d’âme et la mener à l’un de ses objectifs. Un tel concours semble annoncer la recomposition des enjeux et acteurs de la concurrence pour la direction de l’Etat, sur la base d’une rupture graduée et négociée d’avec les équilibres hérités de deux décennies d’autoritarisme. Il résulte de ces arrangements rédhibitoires, l’élection, à la vice-Présidence de l’Assemblée Nationale, de l’ex Colonel Elarby Ould Sidi Ali Ould Jiddeîne, présumée tortionnaire, quand il commandait, par intérim, la 6ème région militaire, en l’absence de feu le Colonel Ould Sabbar, alors invalide et sous traitement à Alger ; l’autorité de Ould Jiddeïne couvrait le camp de tortures de Jreïda, siège de plusieurs mise à mort d’officiers et de soldats négro-africains. A ce titre, il recevait, au quotidien, les comptes rendus détaillés du lieutenant Daha Ould Cheikh et du sous-lieutenant Ould Bouzouma, témoins oculaires et, selon les victimes, exécutants, parmi des dizaines d’autres, de brutalités racistes. Des personnalités connues pour leur zèle au service de la dictature conservent une influence décisive sur le devenir de la Mauritanie. Nous en citons : - Yahya Ould Ahmed El Waghef : Premier Ministre, agent subalterne du groupe d’affaires et officine de renseignements Mohamed Abdallahi Ould Abdallahi (MAOA), il traine une empreinte indélébile de mauvaise gestion, qu’étayent des dossiers de détournements aux Programme Alimentaire Mondial, Projet d’Appui à la Réforme des Secteurs de l’Eau de l’Assainissement et de l’Energie (PARSEAE), Parc National du Banc d’Arguin (PNBA), à la Société Mauritanienne de Gaz (SOMAGAZ) et Air Mauritanie ; il mena cette dernière à la faillite. - Cheikh Ahmedou Tidjane Bal : Ministre de la Justice, avocat préposé, lors de la Conférence de Durban contre le racisme en 1999, à gommer, sinon relativiser les crimes ethniques du régime Ould Taya ; - Boidjel Ould Homoïd : Ministre Secrétaire Général de la Présidence, divers témoignages lui imputent des fraudes massives dans la région du Trarza durant l’ère Ould Taya, il se distingue par une certaine audace à la négation de l’impunité, des déportations et du racisme, outre sa réputation de prévaricateur hors pair ; - Mohamed Ould Bahiya : Ministre de l’hydraulique et de l’énergie, ex Directeur de la Société Mauritanienne d’Electricité (SOMELEC), objet d’un rapport sévère de l’Inspection Générale de l’Etat lui imputant, en tout ou partie, des détournements de recettes, des attributions frauduleuses de marchés, des surfacturations, des d’achats de poteaux électriques selon une procédure d’urgence mais dont des stocks rouillent désormais à l’air libre. Il ne serait pas téméraire de parier que le Président de la République ignore de tels antécédents ; - Mohamedou Ould Michel : Conseiller principal chargé de la diplomatie et de la sécurité, ancien Gouverneur de la Banque Centrale puis ambassadeur à Washington dont la prodigalité, aux deux postes, enrichissait, soudain, parents et amis ; l’on se souviendra de ses factures de ravalement de notre représentation diplomatique qu’il quittera à la limite de l’insalubrité. Le terme provisoire du bras de fer traduit l’adoption d’une sortie de crise par la cooptation rotative des notables. Du jeu, circonscrit au vivier inépuisable de la médiocrité, les aspirations des populations et le concours de la société civile se trouvent exclus; le partage de positions symboliques et matérielles, selon un croisement de logiques centrifuges où l’étiquette de parti compte bien moins que la région, la tribu, le village, vient atténuer la violence du litige entre le Président et ses détracteurs. Aujourd’hui, la formule d’entente consacre une trêve mutuellement insatisfaisante ; la contradiction n’est que différée tant les divergences d’intérêts étroits des deux clans iront, croissant ; la confiance se dilue au sein de la superstructure, en son noyau. L’intégrité des dispositions constitutionnelles ne paraît pas en péril puisque l’essence du conflit révèle la nudité subjective des inimitiés et appétits de pouvoir. Orpheline de grandeur et de vision collective, la querelle de préséance épicière au sommet de l’Etat n’en vise pas les fondements démocratiques. Comme le démontre son dénouement, elle ne sollicite le volontarisme des Justes. En conséquence, Conscience et Résistance : - Engage tous les mauritaniens à l’action commune et soutenue afin de démettre le nouveau Gouvernement de Yahya Ould Ahmed Waghef et marquer ainsi un terme au recyclage permanent de générations de cadres dépourvus de repères éthiques, à commencer par le sens de l’intérêt général ; - Maintient ses réserves sur l’aptitude, de l’honorable Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi, à conduire les affaires publiques et garantir le droit hors de toute influence des siens, au moment où les suspicions de vente de charges publiques et de trafic d’influence rémunéré s’accumulent à sa périphérie immédiate, avec la complicité et l’expérience, protéiforme dans le crime, de ses amis parmi la parentèle du Colonel Ould Sid’Ahmed Taya ; - Rappelle la précarité de l’édifice de la paix dans ce pays, tant que n’auront pas été apurés les aspects pénaux, civils, administratifs et fonciers du contentieux humanitaire, sur la base de responsabilités et de dommages nominaux, loin de la moindre velléité d’occultation ; - Attire l’attention des partenaires étrangers, sur l’impossibilité de faire respecter la loi en Mauritanie, face aux trafiquants de drogue, groupuscules terroristes et auteurs d’actes d’esclavage, tant que l’appareil judiciaire demeure sous contrôle de magistrats d’obédiences pro wahhabite, souvent socialisés à l’école de la tribu, de l’inégalité de naissance et du commerce des prérogatives. Conscience et Résistance
Le 21 juillet 2008
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