Un nouveau gouvernement a remplacé l’équipe démissionnaire le 3 juillet. Cette équipe a été décriée par des députés, à l’origine de la première motion de censure, dans l’histoire du pays. Rien ne prouve cependant, que la nouvelle équipe est meilleure que celle qui l’a précédé. Et rien n’indique, non plus, que sa formation mettra terme à la crise de confiance entre le président de la République et les députés ADIL soutenus par les Généraux Ould Abdel Aziz et Ould Ghazwani, respectivement, chef d’état Major particulier de la Présidence et chef d’état Major de l’Armée Nationale.
Cette crise au sommet a failli entraîner le limogeage des deux Généraux, rendus célèbres par leur œuvre salutaire d’août 2005. On sait que leur limogeage a été évité in extremis, car il allait être déstabilisateur pour notre démocratie, même si on n’est guère certains, que toute l’Armée Nationale est derrière eux. La crise allait également se traduire par la dissolution du Parlement, n’eut été la reculade sous pression disent certains du président de la République, ou la sagesse, disent d’autres de Sidioca qui a fait démissionner le Gouvernement de Ould Waghf le 3 juillet, une journée à peine, après le discours présidentiel assez fort, du 2 juillet.
Les frondeurs (et leurs soutiens) reprochaient à la précédente équipe, la présence parmi elle, d’une pincée de ministres d’une même tribu, en plus de quelques symboles de l’ère Taya et, son élargissement à deux partis de l’opposition : l’UFP et Tawassoul. Des broutilles qui cachent en fait la crise de confiance au sommet. Une crise avec pour fond la lutte pour l’influence, sans rapport en tout cas avec les dossiers qui divisent les mauritaniens dans leur devenir et leur avenir. Pourtant il y eut un grand tohu-bohu, dont il n’est pas sûr, qu’il se calmera avec la formation, au 15 juillet, d’une nouvelle équipe, marquée par la purge tribale dans la prédominance du critère tribal pour la cooptation, le limogeage des ministres symboles de l’ère Taya et l’exclusion de l’UFP et Tawassoul. Comme son prédécesseur, le nouveau cabinet compte 30 membres, il est caractérisé par la fermeture aux partis et l’ouverture aux tribus. Sur la trentaine de partis que compte la pseudo «majorité présidentielle», seulement, les représentants de trois partis politiques : ADIL, l’APP et l’UDP sont dans la nouvelle configuration. Quatre ministres considérés par les députés dissidents comme des «symboles de l’ancien régime de Ould Taya » (alors les députés dissidents, en comptent plus d’une dizaine!) ont quitté le gouvernement. Il s’agit de Cheikh El Avia Ould Mohamed Khouna, Kane Moustapha, Sidney Sokhna et Mohamed Yehdhih Ould Moctar El Hacen. Paradoxalement, Boidiel Ould Houmeid, l’un des ministres phare de l’ère Ould Taya, qui assume le plus, son passé, -et c’est à son honneur- a continué (après sa «réconciliation» avec un Général et son «aplatissement» devant ce dernier) à siéger au Conseil des Ministres en tant que Ministre Secrétaire Général de la Présidence. Mine de rien, la chasse aux symboles, a donc eu ses limites ! Le nouveau gouvernement compte quatre femmes. Soit, une femme de plus que le précèdent cabinet. Mais il ne faut pas non plus, se tromper. L’augmentation du quota féminin n’est pas le résultat d’un accès progressiste. Pour deux raisons. Uno : Deux postes ministériels accordés aux femmes l’ont été par hasard. Ces postes étaient bien réservés à des «mecs», qui les ont décliné. «On» songeât alors à une femme de plus. Deuxio : La hausse du nombre des femmes dans le nouveau gouvernement s’est accompagnée d’une injustice criarde à l’endroit d’une ex-femme ministre. L’ex-ministre de l’Education Nationale, qui avait le plus marqué le gouvernement démissionnaire par son travail, n’a pas été reconduite et c’est stupide, pour … délit d’appartenance à une tribu. De la varie discrimination contre une dame compétente illustrant par ailleurs le brassage negro-arabe dans ce pays. Un ministre par tribu, telle était la logique (de pacotille), qui avait sous tendue la formation du nouveau Gouvernement. Logique, qui a fait de l’ex-ministre de l’Education Nationale, une victime. Logique, qui n’a pas pour autant été appliquée -et «le CALAME» l’a souligné- à plusieurs autres tribus, lesquelles, se sont retrouvées avec plus d’un ministre au Gouvernement. C’est le cas -par exemple- des «Ideyboussat», des «Laghlal», des «Oulad Nasser», pour rester dans cette vulgarité de mise, depuis la formation du gouvernement démissionnaire. Vulgarité à , laquelle les frondeurs, leurs troubadours intrigants et les généraux ont été sensibles. Qu’on ne reproche donc plus à quiconque d’être petit !
Un dindon de la farce Le PRDR qui a accompagné les frondeurs et accueilli deux députés de plus, à la veille de la formation du Gouvernement, n’a pas été de la partie dans le nouveau Gouvernement. «On» lui a proposé un seul portefeuille. Ghrini Ould Mohamed Vall secrétaire général de ce parti ne savait pas à qui, l’offrir. A son insupportable cousin Mohamed Ould Dié, directeur de l’APAUS ? A un Dahmoud Ould Merzoug, dont la «négritude» (hartanité) est occultée par les frondeurs qui ne voient en lui, que son «arabité» (idawalité), devenue une source d’inquisition? Ne pouvant se déterminer, Ghrini a décliné l’offre. Le parti qu’il dirige (et qui cordonnerait plutôt avec Ely Ould Mohamed Vall) a voulu refuser d’être considéré, un nain politique. Mais notre Ghrini feint-il d’ignorer, que son parti l’est devenu ainsi, par la faute des Militaires, depuis la transition avec les indépendants (d’Ely), devenus par la suite, ADIL (d’Aziz /Ghazwani). Ironie du sort, le PRDR a accompagné ses fossoyeurs dans leur fronde. Mais au moment de passer à la caisse, «on» lui avait prévu juste, un petit bon d’un secrétaire d’Etat. Très grande caractéristique du nouveau Gouvernement : la démagogie. Le défouloir «Roumouz El Vessad » a été utilisé pour écarter plusieurs ministres. Pourtant les nouveaux ministres du nouveau gouvernement sont pratiquement tous des anciens seconds couteaux zélés de l’ex-PRDS. On a encore à l’esprit leurs engagements antérieurs dans «Mahwou El Oumiya», «El Kitab» «Mouharabt El Irhab», «Mouharabt Essemna». Et il n’y a d’ailleurs, rien de plus symbolique, de cette ère que les hommes qui s’occupaient -avec zèle, eux aussi- avant le 3 août 2005, de la sécurité présidentielle (Basep) et du renseignement militaire (B2), lesquels, avaient révisé leur position pour échapper à l’enfer de Lemgheiti, disent les méchantes langues. Avec ce nouvel attelage gouvernemental, «on» s’est engagé dans une dangereuse chasse aux sorcières à la fois contre quatre symboles du régime de Ould Taya qui étaient dans le précèdent cabinet, mais également, contre plusieurs grandes communautés tant par la démographie, l’occupation de l’espace, le nombre d’élus et le potentiel en ressources humaines qualifiées. Au même moment, «on» a fait la part belle, à des communautés tribales présentes uniquement dans un petit patelin et qui ont compté sur l’influence militaire pour s’imposer. Elles en auront besoin, pour se maintenir. La nouvelle équipe comporte plus de la moitié des ministres de l’ancien cabinet et plus d’une dizaine de ministres illustres inconnus et sans expérience. A moins que l’on ne soit un «Bedaa’e», comme un Ould Moualla. Etre ministre doit être le couronnement, et non le début d’une carrière. Et il ne suffit pas à cet effet, d’appeler les siens, à déserter le RFD, pour justifier son assise.
Victoire de qui ? Le Gouvernement formé le 15 juillet 2008 a incontestablement tenu compte des doléances des frondeurs et de leurs soutiens. Trois ministres appartenant à une même tribu, l’un venant du PRDR et le second de l’UFP, en plus, d’une femme ministre ont tous été congédiés. C’est une victoire assimilable chez les députés frondeurs au franchissement de la «ligne de Bar-Lev ». L’influente organisation «Conscience et Résistance » (CR) qui avait fourni le sève idéologique pour «accentuer les divergences au sein d’un même système» selon l’un de ses représentants à Nouakchott, peut donc se frotter les mains, pour avoir eu la primeur, de dénoncer une hégémonie tribale, finalement revue. Mais sa satisfaction doit restée timorée, car «l’hégémonie maure» tant dénoncée par les «JUSTES» (de CR, sont-ils d’ailleurs justes ?) reste encore de mise. Deuxième victoire de CR, quatre ministres symbolisant pour leurs ex-amis (et CR, curieuse convergence conjoncturelle !) le régime de Ould Taya, ont également été éconduits. «Le camp des Généraux» dirait, notre ami de «Houmoum Ennass » a donc remporté la bataille. Une bataille dont le résultat est hélas, assez maigre : Huit ministres dont une femme, vidés ! Ce n’est pas du «Verdun».Ce n’est pas du «Stalingrad » et encore moins, du «El Alameine» au désert libyen. D’ailleurs, les Généraux «Rommel» et «MontGomery» se retourneraient dans leurs tombes en apprenant que leurs collègues du désert mauritanien, étaient engagés sur des fronts pareils ! Surtout que nous n’avons pas encore vengé nos 15 martyrs de Lemgheiti, nos soldats morts à El Ghallawiya et nos policiers tombés au champ d’honneur dans la «bataille du centre émetteur». On attendait une victoire sur ces fronts-là . Et qui nous dit que cette victoire donnerait satisfaction au «camp des Généraux » ? Rien ne le laisse croire ! Car aux premières lignes, au Sénat, à quelques mètres de la Présidence de la République mauritanienne, le projet d’une commission d’enquête visant la fondation présidée par l’épouse du président Sidioca est encore en circuit après que le président du Sénat Bâ Mbaré ait été intimidé. L’accalmie est donc éphémère dans ce processus visible de déstabilisation du parfait anti-Taya, le conciliant et pacifique président Sidi Ould Cheikh Abdellahi. Les démocrates de ce pays et le carré des fidèles au président Sidioca sont maintenant les victimes désignées. Certains d’entre eux, regrettent d’avoir soutenu avec force un président qui a nié dans son discours à la Nation avoir un différend avec les Généraux, alors que «le chacal qui est au nord de Tenweich», le sait. Que dire par exemple de l’UFP qui soutenu fortement l’institution présidentielle contre les militaires et qui fut ridiculisée par les sorties médiatiques d’un président qui affirmera pour sauver les apparences : «malgré les rumeurs, j’ai confiance aux militaires ». Puis : «les militaires ne m’ont pas dit qu’ils me retirent leur confiance». Comme si la confiance de 53% de mauritaniens ne compte pas face à celle de deux Généraux ! Cette pudeur maraboutique avec laquelle le président de la République entoure son différend avec les Généraux ne sied pas face à l’irrévérence et la provocation. Elle agace les mauritaniens lambda, ainsi que l’opposition démocratique. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre les appels à la démission du Président, lancés par Ahmed Ould Daddah et Sarr Ibrahima Moctar. Evidement, le président de la République -ne l’accablons pas- n’a pas été perdant sur toute la ligne. Il a réussi à limiter les dégâts, en revenant sur le limogeage des Généraux, en désamorçant la motion de censure, en évitant la dissolution d’un parlement dont la majorité est instrumentalisée par les militaires et en maintenant Boidiel Ould Houmeid à ses cotés. Et nul n’est dupe ! Le président Sidioca n’est pas partisan d’un choc frontal avec les Généraux et les Généraux ne le sont pas non plus. Une épreuve de force peut ouvrir la boite à pandores qui balayera tout le monde. Ainsi, «le président qui rassure» a voulu rassurer les Généraux : il se concertera dorénavant avec eux et ne se fera plus influencer par les «Kadihines», comme aimeraient dire, les troubadours intrigants, qui ont réussi au nom de leur ambition démesurée et de leurs accointances avérées avec les Renseignements Généraux à semer la zizanie entre le président et ses Généraux. Il va falloir cependant qu’ils trouvent maintenant, d’autres boucs-émissaires. Et ils les trouveront, soyons en sûrs ! Daddah et Sarr sont déjà dans leur ligne de mire.
Doubler l’opposition et devenir un nouveau PRDS La nouvelle crise qui a ébranlé le sommet de l’Etat a été -mine de rien- un vrai coup d’état contre l’opposition démocratique. Dans toute démocratie, ce sont les partis d’opposition qui -en principe- dérangent ! Chez nous, c’est l’inverse. C’est le parti au pouvoir, le PNDD-ADIL (tendance Généraux) qui anime une fronde parlementaire, dépose une motion de censure, fait main basse sur le bureau de l’Assemblée, destitue le gouvernement et fixe les critères de nomination des ministres. Quel a été l’apport de l’opposition démocratique : RFD, HATEM, AJD/MR dans tout cela ? Rien du tout! Ce qui laisse croire que dans la nouvelle reconfiguration de notre scène politique nationale, la vraie opposition est maintenant dans le camp de la majorité. Au sein du parti ADIL. Ne parlons pas de cette arnaque politique appelée «Nouvelles Forces du Changement » (NFC). Elles n’ont rien de « Nouveau », rien de «Forces» et rien de «Changement». Ce qui est dramatique par contre, c’est que l’Opposition démocratique pour laquelle un statut a été mis en place est maintenant OUT, obligée de s’aggriper à la locomotive des frondeurs ADIL. On s’en rendra avec la création du nouveau parti des députés ADIL frondeurs dont la direction va être confiée dit-on, au novice, Mohamed Lemine Ould Aboye ex-SG démissionnaire du PNDD-ADIL. Ce que les démocrates dans ce pays doivent savoir, c’est que le processus destitution du président Sidioca est en marche et qu’il est irréversible. Notre scène politique va être marquée par une curieuse triptyque. Il y aura les démocrates dans ce pays qui vont continuer à soutenir le président légitime Sidioca, même s’il est destitué et remplacé provisoirement par le président du Sénat ou son premier vice-président en attendant de nouvelles élections. Il y aura une opposition démocratique qui sera encore une fois flouée, pour une simple raison : ceux que qui ne se sont pas accommodés d’ «un homme de paille» ne supporteront guère, un homme de caractère (comme Daddah). Le courant qui va tenter de dominer la scène politique pour la prochaine décennie est le parti en gestation, appelé deja: Parti des Lêche-Bottes des Généraux ( PLBG). Ce PLBG tentera de devenir un nouveau PRDS. Mais, il lui manquera un Maaouiya. L’importera-t-il de Doha ? Demandera-t-il à l’un de nos deux Généraux d’ôter ses galons pour endosser le boubou ? Ce sera du déjà vu ! Mais, c’était avec un colonel. Il faut dire qu’on ne sait, à priori, tout ce qu’envisage ce PLBG. Sauf que ses députés programment , comme l’a souligné le journal arabophone «Al Fajr» de se désolidariser d’ADIL et du gouvernement Waghf, réduisant ainsi la légitimité politique du nouveau gouvernement. Les jours du gouvernement Ould Waghf se retrouvent donc comptés. Qui aura donc œuvré à notre «Somalisation» ?
IOM
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