El Houcein Ould Ahmed Hady, député d’Aleg, est l’un des jeunes élus du parti ADIL dont il est membre du Conseil national. Il représente, avec d’autres, la génération montante de politiciens qui tentent de trancher avec la tradition de mutisme qui a prévalu jusqu’ici. Leur manière de poser les problèmes et de discuter au sein du Parlement et du parti ADIL est souvent marquée par le franc parler. Entretiens…
Tahalil Hebdo : Certaines sources d’information ont avancé que les députés du Parti ADIL envisagent une motion de censure pour déstabiliser le Gouvernement de Yahya Ould Ahmed Waghf. Qu’en est-il ?
El Houcein Ould Ahmed El Hady : Il n’en est rien du tout! Et la dernière rencontre qui a regroupé, au cours de la soirée du 15 juin 2008 à l’hôtel «Emira», tous les députés de ADIL -a l’exception de ceux qui étaient absents de Nouakchott à ce moment là - prouve, si besoin est, le soutien que les députés de notre parti apportent au Gouvernement de Ould El Waghf. Il y a eu certes des critiques, et c’est chose normale car ADIL est un parti démocratique qui accepte les critiques objectives et constructives. Mais de là à parler de motion de censure, je crois que quelque part, certains partent vite en besogne. Au contraire, la rencontre s’est déroulée dans d’excellentes conditions. Les députés ont exprimé leurs idées et ont obtenu des réponses édifiantes et appropriées.
TH : Les mêmes sources attribuent la fronde de certains députés au mécontentement d’officiers très supérieurs, notamment après la formation du nouveau Gouvernement.
EHOAE : Les Mauritaniens sont maintenant très avertis pour se prêter à des jeux de cette sorte. Les officiers supérieurs auxquels vous faites allusion s’occupent, et avec brio, du reste, de leurs missions de sécurité et de défense nationales.
TH : Il semble néanmoins, que la rencontre de l’hôtel «Emira» ait été houleuse …
EHOAE : Evidement ! Les débats dans notre parti sont démocratiques, francs et ouverts. Chaque député a exprimé les préoccupations de sa base et des préoccupations d’ordre national. Le Premier ministre a été réceptif et ouvert à toutes les idées formulées. Et les réponses qu’il a apportées ont été satisfaisantes et surtout convaincantes.
TH : A-t-il convaincu, par exemple, les députés ADIL mécontents de la formation du nouveau Gouvernement ?
EHOAE : Absolument, le gouvernement formé le 6 mai 2008 reflète largement, et au delà du Parti ADIL, la coalition qui a choisi de soutenir le programme politique du Président Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdellahi. Un Gouvernement ne peut pas englober tout le monde dans une même fois. L’objectif est plutôt de refléter la composition de la majorité et c’est une chose largement acquise. Ceux qui n’y sont pas n’ont pas été exclus. Ils ne sont pas absents à cause de leur manque de représentativité ou par défaut de critères de compétences. Hélas, le nombre de ministres est limité et ne peut contenir les milliers de cadres du parti ADIL, tous ministrables.
TH : Plusieurs députés ADIL ont exprimé des réserves vis-à -vis de l’accès des partis comme l’UFP et Tawassoul au Gouvernement, surtout que la Majorité, ont-ils défendu, domine largement représentée au Parlement.
EHOAE : Le Premier ministre a été clair sur cette question. Le programme du président de la République est un programme national et requiert la participation de tous, y compris l’opposition, pour qu’elle soit imprégnée des problèmes de gestion du pays, qu’elle les comprenne mieux et qu’elle participe à leur résolution.
TH : On parle aussi d’une autre pierre d’achoppement : le renouvellement des instances du parti ADIL.
EHOAE : Sur ce plan, il n’y a aucun problème. L’implantation de notre parti démarre imminement. Bientôt, il y aura la mise en place de structures provisoires de notre parti au niveau de toutes les communes du pays et les instances seront faites d’elles mêmes.
TH : Le Programme Spécial d’Intervention (PSI) a été également à l’ordre du jour au cours de votre conclave avec le Premier ministre..
EHOAE : Ecoutez. En tant qu’élus du peuple, notre préoccupation majeure est le contrôle des programmes du gouvernement. Et notre souci premier est que les produits et services parviennent aux bénéficiaires, qu’ils ne soient pas mal gérés ou détournés. Les interventions des honorables députés ont versé dans ce sens.
TH : Mais le PSI est un programme ponctuel, fait dans l’urgence. Et le soutien à travers ce programme ne peut pas être indéfiniment pris en charge par l’Etat, avec la hausse continue des prix du pétrole et des produits de première nécessité.. Avez-vous d’alternative ?
EHOAE : Je crois qu’il y a un problème au niveau de la communication et de la compréhension que les gens ont du programme. Savez-vous, par exemple, que l’administration ne gère pas directement les fonds du PSI? Que près de 10 milliards d’ouguiyas sont allés entre la Somelec, la Somagaz et la SNDE pour les aider à maintenir les prix de leurs produits aux seuils où ils étaient avant la flambée des prix du fuel sur le marché international? C’est pour cela que le gaz domestique continue a être vendu chez nous au quart de son prix de revient, et que le prix du gasoil est resté en dessous des prix appliqués au niveau de la sous région. Grâce au PSI, le prix du litre de gasoil, coûte chez nous 253 UM, alors qu’il est vendu à 417 UM le litre au Sénégal voisin. Je crois qu’il y a des efforts considérables, des actions et des acquis qui échappent encore aux Mauritaniens. Il est vrai qu’un tel appui ne pourra pas s’inscrire dans une durée indéfinie, et qu’il faudra trouver le bon moment et surtout le bon moyen de se mettre aux normes du marché. C’est pourquoi, même si au niveau du PSI, cinq milliards d’ouguiyas ont été alloués au crédit agricole pour soutenir la campagne, l’orientation a été résolument prise pour arriver à l’autosuffisance alimentaire, au moins en ce qui concerne les céréales, afin de ne pas être soumis entièrement aux aléas du marché mondial. Pour cela tout a été fait pour que l’agriculteur mauritanien ne bute pas, à la veille du lancement de la campagne agricole, sur des obstacles liés au financement des aménagements, ni aux problèmes de semences ou d’intrants ; ou bien qu’il se trouve incapable de payer la redevance eau pour ceux qui font de l’irrigué, ou de répondre aux exigences de la moisson et aux contraintes de la commercialisation Pour ce qui est de la sécurité alimentaire et des stocks céréaliers, il y a lieu de savoir que 30.000 tonnes de blé sont stockées à Nouakchott, et n’ont pas pu être acheminées à l’intérieur du pays uniquement parce que les infrastructures de stockage ne peuvent pas accueillir plus. Pour le moment, le programme continue à être géré de manière rigoureuse. Vous savez probablement aussi que le comité de pilotage du PSI suit de près la gestion transparente du programme et que des sanctions ont été prises à l’encontre des structures locales de gestion qui se sont rendues responsables de dépassements.
Propos recueillis par IOM
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