Entre sécurité précaire en Libye, diaspora des combattants du Mali, montée du salafisme, discorde politique en Tunisie et la menace persistante des "loups solitaires", le Maghreb est face à de sérieux défis.    
					                       
                                        Magharebia a rencontrĂ© le directeur du Journal Tahalil Isselmou Ould Moustapha, spĂ©cialiste des mouvements jihadistes et du terrorisme, pour tenter de savoir ce qui constitue le principal sujet de prĂ©occupations.       Magharebia : Quelle Ă©valuation faites-vous de la situation sĂ©curitaire actuelle au Sahel et dans le Maghreb ?       Isselmou Ould Moustapha : La menace au Sahel a Ă©tĂ© attĂ©nuĂ©e par l’intervention française au Mali, bien qu’elle reste non nĂ©gligeable au Niger, et qu’il existe une possibilitĂ© de rĂ©surgence au Mali. La situation au Maghreb est prĂ©occupante, notamment dans le Jebel Chaambi en Tunisie et dans le sud libyen, oĂą des groupes jihadistes venus du Mali ont trouvĂ© refuge avec le soutien des salafistes de ces deux pays en transition et instables.       Magharebia : Le centre de gravitĂ© du terrorisme s’est-il dĂ©placĂ©, comme le soutiennent certains analystes, du Nord-Mali vers la Libye et la Tunisie ?       Ould Moustapha : L’intervention militaire française a dĂ©truit les capacitĂ©s opĂ©rationnelles d’AQMI dans le Nord-Mali, oĂą ne subsistent que quelques groupes rĂ©siduels dont le MUJAO. Les groupes liĂ©s Ă  al-Qaida ont fui les frappes aĂ©riennes françaises et ont trouvĂ© refuge dans les sud tunisien et libyen. Certaines sources parlent Ă©galement de leur prĂ©sence au Niger, au Tchad et mĂŞme au Darfour.       Magharebia : Que veulent rĂ©ellement les mouvements touaregs ? Qu’en est-il des narcotrafiquants et des autres criminels qui prolifèrent dans l’Azaouad ?       Ould Moustapha : La complicitĂ© des mouvements touaregs avec les narcoterroristes n’est pas avĂ©rĂ©e. Le problème touareg est en partie un problème de cohabitation intercommunautaire entre une minoritĂ© arabo-berbère et une majoritĂ© africaine dans le cadre de l’État malien, qu’ils accusent d’être raciste et qui les accusent eux d’être des narcotrafiquants.       Magharebia : De votre point de vue, que peut apporter la Mauritanie Ă  la Mission des Nations unies au Mali ?       Ould Moustapha : La Mauritanie peut ĂŞtre utile Ă  la MINUSMA si le concept de l’intervention des troupes mauritaniennes prend en considĂ©ration les exigences de la  sĂ©curitĂ© nationale, ne dĂ©garnit pas les frontières et ne coupe pas les militaires mauritaniens de leurs bases de soutien et de repli.       Magharebia : Cela fait maintenant quelque temps qu’AQMI n’a plus visĂ© la Mauritanie. Certains ont mĂŞme laissĂ© entendre que les Touaregs pourraient ĂŞtre liĂ©s Ă  cette "trève". Quel est votre avis sur la question ?       Ould Moustapha : C’est du blabla. Les Touaregs Ă©taient en guerre contre AQMI, qui les avait chassĂ©s des villes du Nord-Mali. Et les Touaregs ont coopĂ©rĂ© avec les militaires français dans leur traque d’AQMI. Quand Ă  cette soi-disante trĂŞve, la Mauritanie, avec sa stratĂ©gie dynamique  et ses actions prĂ©emptives, a contraint AQMI Ă  s’éloigner de son territoire. La fermetĂ© a payĂ©.       Magharebia : Les observateurs de la situation sĂ©curitaire dans le sud du Sahara insistent souvent sur les liens entre terroristes et trafiquants. Qu’en est-il au juste ?       Ould Moustapha : Les liens entre crime organisĂ© et terrorisme sont rĂ©els. La mission des recruteurs, qui se prĂ©sentent dans les mosquĂ©es en dĂ©veloppant un discours incendiaire sur la situation en Afghanistan, en Irak, sur IsraĂ«l, est avant tout, au-delĂ  de l’idĂ©ologie elle-mĂŞme, de rĂ©colter des fonds par le biais des trafics illicites.       Magharebia : Qu’en est-il de la situation sĂ©curitaire en Tunisie et en Libye ? Quel est le secret de l’activisme grandissant des groupes terroristes ?       Ould Moustapha : Après toutes les rĂ©volutions, le chaos s’installe. AQMI est en train de profiter des transitions tunisienne et libyenne.       Magharebia : Que font les autres États maghrĂ©bins pour venir en aide Ă  ces deux pays ?  Et quel est l’état de la coopĂ©ration sĂ©curitaire entre les pays du Maghreb ?       Ould Moustapha : Les divergences politiques paralysaient dĂ©jĂ  le Maghreb. Les rĂ©volutions ont fait le reste. Le fait qu’il existe trois gouvernements islamistes au Maroc, en Tunisie et en Libye et deux gouvernements de type diffĂ©rents en AlgĂ©rie et en Mauritanie n’augure rien de bon pour la coopĂ©ration en matière de sĂ©curitĂ©. Au cours des quinze dernières annĂ©es, l’AlgĂ©rie a luttĂ© pour se dĂ©barrasser des islamistes radicaux. Il est temps que ses voisins du Maghreb s’unissent dans leur lutte contre le terrorisme.       Magharebia : Après avoir Ă©tĂ© chassĂ©s du Nord-Mali, les terroristes ont-ils conservĂ© la mĂŞme capacitĂ© de nuisance ?       Ould Moustapha : Pas dans le nord du Mali. Mais nous avons vu qu’ils ont su conserver leur capacitĂ© de nuisance ailleurs, avec les attentats d’Agadez et d’Arlit [au Niger] en juin 2013. Et puis il y a les autres menaces imparables : les individus auto-radicalisĂ©s, les loups solitaires et  les explosifs indĂ©tectables.       Propos recueillis Ă  Nouakchott par Bakari Guèye pour Magharebia                     
                    
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