L’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), qui contrôle de larges portions des territoires irakiens et syriens, a proclamé le "califat" islamique et appelé tous les mouvements djihadistes à lui prêter allégeance dans un communiqué publié dimanche sur des sites djihadistes.
Cette proclamation de l’EIIL traduit son ambition de mener désormais une guerre sainte mondiale et constitue un défi lancé à Al Qaïda, qui incarnait jusqu’alors le combat djihadiste et a désavoué l’EIIL lorsque le groupe est intervenu l’an dernier sur le front syrien. L’EIIL annonce s’être rebaptisé "Etat islamique" et avoir érigé son chef, Abou Bakr al Baghdadi, au rang de calife, soit le successeur du prophète de l’islam dans l’exercice du pouvoir politique. "Il est l’imam et le calife de tous les musulmans", dit le porte-parole du mouvement, Abou Mohamed al Adnani, dans le communiqué traduit en plusieurs langues et dans un enregistrement audio en arabe. "En conséquence, l’appellation ’Irak et Levant’ est supprimée de tous les débats et communiqués officiels et à compter de la date de cette déclaration, le nom officiel est l’Etat islamique", ajoute-t-il. Pour Charles Lister, un expert des mouvements islamistes au Brookings Doha Center, l’initiative de l’EIIL est lourde de conséquences. "Quoi que l’on pense de sa légitimité, l’annonce de la restauration du califat est sans doute l’évènement le plus important pour le djihadisme international depuis les attentats du 11 septembre (2001)", estime le chercheur. "Tous les groupes liés à Al Qaïda et les mouvements djihadistes indépendants vont désormais devoir décider s’ils soutiennent l’Etat islamique ou s’ils s’opposent à lui", souligne-t-il. Les combattants de l’EIIL se sont emparés de Mossoul et de plusieurs autres villes du nord et de l’ouest de l’Irak au cours du mois écoulé. Ils contrôlent aussi une partie du nord-est de la Syrie, dont la ville de Rakka. En Syrie, ils ont violemment combattu ces derniers mois les autres groupes rebelles, dont le Front al Nosra, lié à Al Qaïda, qui a refusé de passer sous leur coupe. "Il est du devoir de tous les musulmans de prêter allégeance (au calife) et de le soutenir", poursuit le communiqué de l’EIIL. "L’existence légale de tous les émirats, groupes, Etats et organisations disparaît du fait de l’expansion du califat et de l’arrivée de ses troupes sur leurs territoires."
Abou Bakr Al-Baghdadi, "calife" jihadiste (PORTRAIT) Abou Bakr Al-Baghdadi, le mystérieux chef de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) désigné dimanche par son groupe "calife" de tous les musulmans, fait de plus en plus d’ombre au chef d’Al-Qaïda et pourrait bien être le jihadiste le plus influent au monde. L’EIIL, qui se fait appeler désormais "Etat islamique" en effaçant toute référence géo-politique, a annoncé l’établissement d’un califat sur les larges pans de territoires qu’il a conquis en Irak et en Syrie, dans une tentative de rétablir un régime politique islamique disparu il y a près d’un siècle. Ce groupe, déjà puissant en Syrie, mène depuis le 9 juin une offensive fulgurante en Irak. Mais son chef reste une personnalité trouble et mystérieuse. Né en 1971 à Samarra au nord de Bagdad, selon Washington, Abou Bakr Al-Baghdadi, aurait rejoint l’insurrection en Irak peu après l’invasion conduite par les Etats-Unis en 2003, et aurait passé quatre ans dans un camp de détention américain. Les forces américaines avaient annoncé en octobre 2005 la mort d’Abou Douaa -un des surnoms de Baghdadi- dans un raid aérien à la frontière syrienne. Mais il est réapparu, bien vivant, en mai 2010 à la tête de l’Etat islamique en Irak (ISI), la branche irakienne d’Al-Qaïda, après la mort dans un raid de deux chefs du groupe. La stratégie anti-insurrectionnelle américaine, combinée au retournement d’une partie des tribus sunnites contre les jihadistes, avait mis le groupe à mal. Mais il a rebondi en élargissant ses activités à la Syrie voisine, rejetant ensuite l’ordre du chef d’Al-Qaïda Ayman Zawahiri de se concentrer sur l’Irak et de laisser la Syrie au Front Al-Nosra, un groupe jihadiste combattant contre le régime de Damas. Commandant et tacticien
En avril 2013, Baghdadi a annoncé une fusion entre l’ISI et les combattants d’Al-Nosra pour former l’EIIL, mais ces derniers ont refusé d’adhérer. Les deux groupes ont commencé à opérer séparément, avant de s’affronter directement à partir de janvier en Syrie. Très peu de détails ont filtré sur la personnalité de Baghdadi, ou sur l’endroit où il se trouve. Les Etats-Unis, qui l’ont classé "terroriste" en octobre 2011, avaient déclaré l’an dernier qu’il se trouvait probablement en Syrie. Fin mai, un général irakien a déclaré que ses forces pensaient que Baghdadi était en Irak, mais d’autres responsables ont contesté ce point. Le visage de Baghdadi n’a été révélé qu’en janvier, lorsque les autorités irakiennes ont pour la première fois publié une photo noir et blanc montrant un homme barbu, au crâne dégarni en costume-cravate. Le mystère qui l’entoure contribue au culte de sa personnalité, et Youtube voit fleurir les chants religieux louant ses vertus. Au sein de l’EIIL, il est salué comme un commandant et un tacticien présent sur le champ de bataille, contrairement à Zawahiri, son ancien supérieur et actuel rival, sur qui il prend de plus en plus l’avantage dans les sphères jihadistes. Si les combattants de l’EIIL sont majoritairement des Syriens en Syrie et des Irakiens en Irak, cette distinction lui vaut le soutien de nombreux jihadistes, probablement des milliers, venus de toute la région mais aussi d’Europe et au-delà .
(Agences)
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