Mali : Chaos et angoisses   
25/12/2012

Naguère modèle de stabilité et de démocratie en Afrique de l’Ouest, le Mali est plongé depuis neuf mois dans une grave crise politique et sécuritaire consécutive uniquement au putsch du 22 mars 2012 et au contre coup d’Etat raté d’avril, qui ont précipité la chute de la partie nord aux mains de groupes armés djihadistes alliés à...



...Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et entraîné le déplacement de dizaines de milliers de personnes, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays.
   Prenant prĂ©texte des difficultĂ©s internes de gestion de l’armĂ©e face Ă  la rĂ©bellion touareg et des groupes islamistes, une junte, constituĂ©e de soldats du rang et de quelques officiers subalternes, conduits par le capitaine Amadou Sanogo, est ainsi sortie le 21 mars 2012 de ses casernes pour une simple rĂ©volte contre le manque d’armement avant de s’emparer du pouvoir et de renverser le «Sidioca» malien Amadou ToumanĂ© TourĂ© avec une facilitĂ© dĂ©concertante.
   Ce coup d’Etat, que tout observateur avisĂ© aurait dĂ» voir venir, vu l’atmosphère dĂ©lĂ©tère en place depuis quelques mois, a mis un coup d’arrĂŞt non seulement Ă  la prĂ©paration des Ă©chĂ©ances Ă©lectorales de renouvellement de l’exĂ©cutif et du parlement, mais a contribuĂ© Ă  accĂ©lĂ©rer la dĂ©gradation de la situation sĂ©curitaire et militaire dans les rĂ©gions nord du pays.
   Un mois et demi après, des forces restĂ©es loyales au prĂ©sident dĂ©chu Amadou Toumani TourĂ©, rĂ©fugiĂ© Ă  Dakar, ont menĂ© un coup d’Etat ratĂ© contre les putschistes, qui avaient acceptĂ©, entre temps, de rendre dans la forme  le pouvoir aux civils par la mise en place d’organes de transition, dirigĂ©s par un prĂ©sident intĂ©rimaire, Dioncounda TraorĂ©, un premier ministre, Cheick Modibo Diarra, et un gouvernement d’union nationale. Mais  les putschistes restent influents et ont finalement dĂ©gagĂ© le Premier ministre Diarra en le remplaçant par Django Cissoko
   Le chaos ayant suivi le coup d’Etat du capitaine Amadou Sanogo et la totale dĂ©sorganisation d’une armĂ©e qui a versĂ© dans les exactions Ă  l’encontre des minoritĂ©s ethniques du Mali  a profitĂ© dans le Nord Ă  la rĂ©bellion touareg, au mouvement islamiste Ansar Dine soutenu par Al-QaĂŻda au Maghreb islamique (Aqmi) et divers groupes criminels, qui ont en trois jours seulement (du 30 mars au 1er avril), pris le contrĂ´le des trois villes et rĂ©gions de ce vaste territoire aride de Tombouctou, Kidal et Gao.
   Depuis, le septentrion malien est souvent citĂ© par les organisations des droits de l’homme pour les exactions commises par les islamistes Ă  l’encontre de la population locale Ă  travers les amputations et les autres châtiments corporels, les violences sexuelles, le harcèlement quotidien dans le but d’imposer de nouvelles mĹ“urs, l’enrĂ´lement d’enfants soldats, ou encore l’exĂ©cutions extrajudiciaires.
   Sur le plan humanitaire, plus de 435.000 personnes ont fui les rĂ©gions du nord pour aller se rĂ©fugier dans les autres villes du sud ou dans les pays limitrophes, principalement le Niger, la Mauritanie et le Burkina Faso.
   Le spectre de l’installation de groupes armĂ©s et djihadistes dans le Nord du Mali, capable de dĂ©stabiliser les pays voisins, n’a pas manquĂ© d’alerter les pays voisins et la communautĂ© internationale qui ont dĂ©cidĂ© de soutenir les autoritĂ©s de transition maliennes pour rĂ©cupĂ©rer les rĂ©gions du nord et chasser ces groupes armĂ©s.

En octobre dernier, le Conseil de sécurité de l’ONU a ainsi adopté une résolution soulignant les "graves inquiétudes" sur la détérioration continue de la situation sécuritaire et humanitaire dans le nord du Mali et l’enracinement des éléments terroristes incluant Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), ses alliés et d’autres groupes extrémistes, et ses conséquences pour les pays du Sahel.
   Deux mois plus tard, le 20 dĂ©cembre, le conseil de sĂ©curitĂ© approuve une nouvelle rĂ©solution autorisant le dĂ©ploiement d’une force internationale au Mali, sous conduite africaine (MISMA) en vue de restaurer la souverainetĂ© et l’intĂ©gritĂ© territoriale de ce pays.
   LassĂ©s par des mois d’attentisme et de divergences au sein de la communautĂ© internationale sur les voies Ă  suivre pour le règlement de la crise qui secoue leur pays, les Maliens ont accueilli avec grand soulagement cette rĂ©solution en dĂ©pit des conditions qui ne devraient pas rendre possible le dĂ©ploiement de la force avant des mois.
   RĂ©agissant Ă  l’adoption de cette rĂ©solution, le gouvernement malien a fait part de sa profonde reconnaissance aux pays membres du Conseil de sĂ©curitĂ© et Ă  la communautĂ© internationale pour leurs efforts qui ont abouti Ă  l’adoption d’une rĂ©solution autorisant le dĂ©ploiement MISMA.
   Le gouvernement s’est rĂ©joui particulièrement des dispositions de la rĂ©solution demandant aux Etats membres, y compris ceux du Sahel, de fournir des contingents Ă  la MISMA pour lui donner les moyens de s’acquitter de son mandat et d’apporter un soutien cordonnĂ© aux Forces maliennes sous forme d’aide, de formation et de renforcement des capacitĂ©s logistiques et de renseignement.
   Par ailleurs, la double crise politique et sĂ©curitaire que connaĂ®t le Mali a eu des consĂ©quences socio-Ă©conomiques dĂ©vastatrices se traduisant par une rĂ©cession sans pareil et un taux d’inflation se situant Ă  5 pc, outre une baisse de 28 pc du budget de l’Etat.
   Les pertes d’emplois et licenciements massifs subsĂ©quents aux fermetures d’entreprises, l’assèchement des revenus fiscaux, la dĂ©tĂ©rioration des Ă©changes extĂ©rieurs et la rĂ©duction de la production agricole qui entrainent un renchĂ©rissement du prix des denrĂ©es de base, ainsi que des difficultĂ©s d’approvisionnement dans les diffĂ©rents secteurs d’activitĂ©s n’ont fait que rendre plus difficile le quotidien des Maliens, dont les conditions de vie se sont particulièrement dĂ©tĂ©riorĂ©s au fil des jours depuis le coup d’Etat du 22 mars et l’occupation du nord par des groupes armĂ©s.
   Selon les estimations faites par les autoritĂ©s, l’économie malienne qui devait connaitre une croissance de 5.4 pc cette annĂ©e aura probablement une croissance nĂ©gative (-1.2 pc), alors que les efforts des dernières annĂ©es visant Ă  accroitre la production de coton jusqu’à 260.000 tonnes, Ă  relancer et redynamiser les industries minières et Ă  offrir un cadre d’affaires serein pour les investissements sont Ă  prĂ©sent rĂ©duits Ă  nĂ©ant.
   En sus, les sanctions adoptĂ©es par la communautĂ© internationale ajoutĂ©es aux fonds gelĂ©s par diffĂ©rents bailleurs de fonds africains et internationaux et la suspension de financement de certains projets de dĂ©veloppement dans un pays oĂą l’aide internationale reprĂ©sente près d’un tiers du budget national, ont constituĂ© un goulot d’étranglement majeur aux efforts de redressement de la situation, aggravĂ©e davantage par une morositĂ© ambiante qui caractĂ©rise toutes les activitĂ©s du secteur tertiaire, qui emploie plus de trois millions de maliens.

 

Paris coincĂ© entre sa lutte antiterroriste et rĂ©cupĂ©rer ses otages
Les menaces d’enlèvements proférées par le groupe qui a revendiqué le rapt d’un Français au Nigeria compliquent la position de Paris, pris entre son soutien à une intervention contre les islamistes au Mali et l’impératif de sauver des otages de plus en plus nombreux.
   Quatre jours après l’enlèvement d’un ingĂ©nieur au Nigeria, le groupe Ansaru - mouvement peu connu mais qui serait liĂ© aux islamistes nigĂ©rians de Boko Haram - a revendiquĂ© ce rapt, le justifiant notamment par l’activisme français en faveur d’une opĂ©ration internationale au Mali.
   Dans son message, Ansaru menace la France d’autres attaques, en raison aussi de "la position du gouvernement français et des Français vis-Ă -vis de l’Islam et des musulmans" et d’une loi de 2011 interdisant le port du voile islamique intĂ©gral.
   Lundi, les autoritĂ©s françaises faisaient profil bas, se bornant Ă  parler de "vĂ©rifications" en cours sur ce dernier rapt qui porte Ă  huit le nombre de Français otages au Sahel.
   Dans cette rĂ©gion, les menaces contre les Occidentaux ne sont pas nouvelles. Mais la France, qui y compte 30.000 ressortissants, y est très exposĂ©e.
"Tout le monde verse des rançons, sauf les Britanniques", affirme à l’AFP François Loncle, député socialiste français de retour du Mali. "La France ne paye ni plus ni moins que les autres", estime ce co-auteur d’un rapport parlementaire sur le Sahel.
   Pourquoi les Français sont-ils alors plus particulièrement visĂ©s ?
    "Les terroristes ont fait de la France leur principal ennemi", juge-t-il, en rappelant le rĂ´le moteur de Paris en faveur de la neutralisation des terroristes au Sahel, mais aussi un sentiment anti-français, "legs de l’histoire coloniale".
   En pointe pour que l’ONU autorise le dĂ©ploiement d’une force africaine au Mali, Paris l’a aussi Ă©tĂ© Ă  l’Union europĂ©enne pour une mission de formation de l’armĂ©e malienne qui dĂ©butera en fĂ©vrier avec d’abord 150 Ă  200 instructeurs, selon un responsable europĂ©en. Cette mission, pour laquelle la France est "nation cadre", sera dirigĂ©e par un gĂ©nĂ©ral français, prĂ©cise un diplomate.
   Sur la gestion d’otages, le prĂ©sident socialiste François Hollande semble avoir inflĂ©chi la politique de son prĂ©dĂ©cesseur de droite, Nicolas Sarkozy.
   Payer une rançon, "pour moi, ça n’a jamais Ă©tĂ© un problème", avait indiquĂ© ce dernier Ă  l’étĂ© 2011 Ă  l’ex-otage en Afghanistan HervĂ© Ghesquière, qui en a rapportĂ© le propos dans un livre. "Il y a une vraie rĂ©flexion en cours, c’est une question de philosophie d’Etat", confiait au contraire Ă  l’AFP il y a quelques mois un haut responsable socialiste français.
   Officiellement, Paris ne dĂ©vie pas d’une "ligne" de fermetĂ©, rĂ©futant tout lien entre les otages et une intervention au Mali.
   "Je refuse ce commerce-lĂ  (des otages). Autant il y a des contacts qui doivent ĂŞtre pris, il y a des intermĂ©diaires qui doivent ĂŞtre utilisĂ©s (...) mais vous voyez bien que ce qui est en train de se passer, c’est une opĂ©ration commerciale qui n’a rien Ă  voir avec de la politique et qui vise Ă  prendre de l’argent pour ensuite acheter des armes et dĂ©stabiliser des pays", dĂ©nonçait vendredi François Hollande.
   La France fait "tout (son) possible pour obtenir" la libĂ©ration des otages "mais cela ne nous empĂŞche pas de considĂ©rer que l’enjeu de l’intĂ©gritĂ© du Mali est essentiel pour la sĂ©curitĂ© de ce pays, comme pour celle de la France et de l’Europe", a fait valoir de son cĂ´tĂ© son ministre de la DĂ©fense, Yves Le Drian. (Agences)


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