Naguère modèle de stabilité et de démocratie en Afrique de l’Ouest, le Mali est plongé depuis neuf mois dans une grave crise politique et sécuritaire consécutive uniquement au putsch du 22 mars 2012 et au contre coup d’Etat raté d’avril, qui ont précipité la chute de la partie nord aux mains de groupes armés djihadistes alliés à ...
...Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et entraîné le déplacement de dizaines de milliers de personnes, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays. Prenant prétexte des difficultés internes de gestion de l’armée face à la rébellion touareg et des groupes islamistes, une junte, constituée de soldats du rang et de quelques officiers subalternes, conduits par le capitaine Amadou Sanogo, est ainsi sortie le 21 mars 2012 de ses casernes pour une simple révolte contre le manque d’armement avant de s’emparer du pouvoir et de renverser le «Sidioca» malien Amadou Toumané Touré avec une facilité déconcertante. Ce coup d’Etat, que tout observateur avisé aurait dû voir venir, vu l’atmosphère délétère en place depuis quelques mois, a mis un coup d’arrêt non seulement à la préparation des échéances électorales de renouvellement de l’exécutif et du parlement, mais a contribué à accélérer la dégradation de la situation sécuritaire et militaire dans les régions nord du pays. Un mois et demi après, des forces restées loyales au président déchu Amadou Toumani Touré, réfugié à Dakar, ont mené un coup d’Etat raté contre les putschistes, qui avaient accepté, entre temps, de rendre dans la forme le pouvoir aux civils par la mise en place d’organes de transition, dirigés par un président intérimaire, Dioncounda Traoré, un premier ministre, Cheick Modibo Diarra, et un gouvernement d’union nationale. Mais les putschistes restent influents et ont finalement dégagé le Premier ministre Diarra en le remplaçant par Django Cissoko Le chaos ayant suivi le coup d’Etat du capitaine Amadou Sanogo et la totale désorganisation d’une armée qui a versé dans les exactions à l’encontre des minorités ethniques du Mali a profité dans le Nord à la rébellion touareg, au mouvement islamiste Ansar Dine soutenu par Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et divers groupes criminels, qui ont en trois jours seulement (du 30 mars au 1er avril), pris le contrôle des trois villes et régions de ce vaste territoire aride de Tombouctou, Kidal et Gao. Depuis, le septentrion malien est souvent cité par les organisations des droits de l’homme pour les exactions commises par les islamistes à l’encontre de la population locale à travers les amputations et les autres châtiments corporels, les violences sexuelles, le harcèlement quotidien dans le but d’imposer de nouvelles mœurs, l’enrôlement d’enfants soldats, ou encore l’exécutions extrajudiciaires. Sur le plan humanitaire, plus de 435.000 personnes ont fui les régions du nord pour aller se réfugier dans les autres villes du sud ou dans les pays limitrophes, principalement le Niger, la Mauritanie et le Burkina Faso. Le spectre de l’installation de groupes armés et djihadistes dans le Nord du Mali, capable de déstabiliser les pays voisins, n’a pas manqué d’alerter les pays voisins et la communauté internationale qui ont décidé de soutenir les autorités de transition maliennes pour récupérer les régions du nord et chasser ces groupes armés.
En octobre dernier, le Conseil de sécurité de l’ONU a ainsi adopté une résolution soulignant les "graves inquiétudes" sur la détérioration continue de la situation sécuritaire et humanitaire dans le nord du Mali et l’enracinement des éléments terroristes incluant Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), ses alliés et d’autres groupes extrémistes, et ses conséquences pour les pays du Sahel. Deux mois plus tard, le 20 décembre, le conseil de sécurité approuve une nouvelle résolution autorisant le déploiement d’une force internationale au Mali, sous conduite africaine (MISMA) en vue de restaurer la souveraineté et l’intégrité territoriale de ce pays. Lassés par des mois d’attentisme et de divergences au sein de la communauté internationale sur les voies à suivre pour le règlement de la crise qui secoue leur pays, les Maliens ont accueilli avec grand soulagement cette résolution en dépit des conditions qui ne devraient pas rendre possible le déploiement de la force avant des mois. Réagissant à l’adoption de cette résolution, le gouvernement malien a fait part de sa profonde reconnaissance aux pays membres du Conseil de sécurité et à la communauté internationale pour leurs efforts qui ont abouti à l’adoption d’une résolution autorisant le déploiement MISMA. Le gouvernement s’est réjoui particulièrement des dispositions de la résolution demandant aux Etats membres, y compris ceux du Sahel, de fournir des contingents à la MISMA pour lui donner les moyens de s’acquitter de son mandat et d’apporter un soutien cordonné aux Forces maliennes sous forme d’aide, de formation et de renforcement des capacités logistiques et de renseignement. Par ailleurs, la double crise politique et sécuritaire que connaît le Mali a eu des conséquences socio-économiques dévastatrices se traduisant par une récession sans pareil et un taux d’inflation se situant à 5 pc, outre une baisse de 28 pc du budget de l’Etat. Les pertes d’emplois et licenciements massifs subséquents aux fermetures d’entreprises, l’assèchement des revenus fiscaux, la détérioration des échanges extérieurs et la réduction de la production agricole qui entrainent un renchérissement du prix des denrées de base, ainsi que des difficultés d’approvisionnement dans les différents secteurs d’activités n’ont fait que rendre plus difficile le quotidien des Maliens, dont les conditions de vie se sont particulièrement détériorés au fil des jours depuis le coup d’Etat du 22 mars et l’occupation du nord par des groupes armés. Selon les estimations faites par les autorités, l’économie malienne qui devait connaitre une croissance de 5.4 pc cette année aura probablement une croissance négative (-1.2 pc), alors que les efforts des dernières années visant à accroitre la production de coton jusqu’à 260.000 tonnes, à relancer et redynamiser les industries minières et à offrir un cadre d’affaires serein pour les investissements sont à présent réduits à néant. En sus, les sanctions adoptées par la communauté internationale ajoutées aux fonds gelés par différents bailleurs de fonds africains et internationaux et la suspension de financement de certains projets de développement dans un pays où l’aide internationale représente près d’un tiers du budget national, ont constitué un goulot d’étranglement majeur aux efforts de redressement de la situation, aggravée davantage par une morosité ambiante qui caractérise toutes les activités du secteur tertiaire, qui emploie plus de trois millions de maliens.
Paris coincé entre sa lutte antiterroriste et récupérer ses otages Les menaces d’enlèvements proférées par le groupe qui a revendiqué le rapt d’un Français au Nigeria compliquent la position de Paris, pris entre son soutien à une intervention contre les islamistes au Mali et l’impératif de sauver des otages de plus en plus nombreux. Quatre jours après l’enlèvement d’un ingénieur au Nigeria, le groupe Ansaru - mouvement peu connu mais qui serait lié aux islamistes nigérians de Boko Haram - a revendiqué ce rapt, le justifiant notamment par l’activisme français en faveur d’une opération internationale au Mali. Dans son message, Ansaru menace la France d’autres attaques, en raison aussi de "la position du gouvernement français et des Français vis-à -vis de l’Islam et des musulmans" et d’une loi de 2011 interdisant le port du voile islamique intégral. Lundi, les autorités françaises faisaient profil bas, se bornant à parler de "vérifications" en cours sur ce dernier rapt qui porte à huit le nombre de Français otages au Sahel. Dans cette région, les menaces contre les Occidentaux ne sont pas nouvelles. Mais la France, qui y compte 30.000 ressortissants, y est très exposée. "Tout le monde verse des rançons, sauf les Britanniques", affirme à l’AFP François Loncle, député socialiste français de retour du Mali. "La France ne paye ni plus ni moins que les autres", estime ce co-auteur d’un rapport parlementaire sur le Sahel. Pourquoi les Français sont-ils alors plus particulièrement visés ? "Les terroristes ont fait de la France leur principal ennemi", juge-t-il, en rappelant le rôle moteur de Paris en faveur de la neutralisation des terroristes au Sahel, mais aussi un sentiment anti-français, "legs de l’histoire coloniale". En pointe pour que l’ONU autorise le déploiement d’une force africaine au Mali, Paris l’a aussi été à l’Union européenne pour une mission de formation de l’armée malienne qui débutera en février avec d’abord 150 à 200 instructeurs, selon un responsable européen. Cette mission, pour laquelle la France est "nation cadre", sera dirigée par un général français, précise un diplomate. Sur la gestion d’otages, le président socialiste François Hollande semble avoir infléchi la politique de son prédécesseur de droite, Nicolas Sarkozy. Payer une rançon, "pour moi, ça n’a jamais été un problème", avait indiqué ce dernier à l’été 2011 à l’ex-otage en Afghanistan Hervé Ghesquière, qui en a rapporté le propos dans un livre. "Il y a une vraie réflexion en cours, c’est une question de philosophie d’Etat", confiait au contraire à l’AFP il y a quelques mois un haut responsable socialiste français. Officiellement, Paris ne dévie pas d’une "ligne" de fermeté, réfutant tout lien entre les otages et une intervention au Mali. "Je refuse ce commerce-là (des otages). Autant il y a des contacts qui doivent être pris, il y a des intermédiaires qui doivent être utilisés (...) mais vous voyez bien que ce qui est en train de se passer, c’est une opération commerciale qui n’a rien à voir avec de la politique et qui vise à prendre de l’argent pour ensuite acheter des armes et déstabiliser des pays", dénonçait vendredi François Hollande. La France fait "tout (son) possible pour obtenir" la libération des otages "mais cela ne nous empêche pas de considérer que l’enjeu de l’intégrité du Mali est essentiel pour la sécurité de ce pays, comme pour celle de la France et de l’Europe", a fait valoir de son côté son ministre de la Défense, Yves Le Drian. (Agences)
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