Un nouveau groupe islamiste jusqu’alors inconnu qui a revendiqué l’enlèvement de trois Européens à Tindouf (ouest de l’Algérie), menace d’étendre ses actions au delà du Sahel, où est déjà présente la branche maghrébine d’Al-Qaïda, à toute l’Afrique de l’Ouest
Le 12 décembre, une vidéo montrant des hommes armés encadrant deux femmes, une Italienne et une Espagnole, ainsi qu’un Espagnol, enlevés le 23 octobre dans la région de Tindouf, fief des indépendantistes sahraouis du front Polisario, est rendue publique par le Mouvement unicité et Jihad en Afrique de l’ouest (MUJAO).
Les experts des affaires de terrorisme n’ont jamais entendu parler de ce groupe et l’enlèvement de ces Européens portait la marque d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), très active dans les pays de la bande sahélo-saharienne depuis 2007 et accusée par le Polisario d’être à l’origine du rapt de Tindouf. Jusqu’alors, seule une secte islamiste radicale et violente, active au Nigeria, Boko Haram, était connue en Afrique subsaharienne.
Dans une autre vidéo visionnée par un journaliste de l’AFP à Bamako, six membres du MUJAO, enturbannés, dont la plupart ont la peau noire, exposent leur idéologie, se référant à Oussama Ben Laden, chef d’Al-Qaïda tué par l’armée américaine au Pakistan, au mollah Omar, chef des talibans afghans, mais surtout à des figures historiques de l’islam en Afrique de l’Ouest subsaharienne.
"Nous nous réclamons d’Ousman Dan Fodio, d’El Hadj Omar Tall et d’Amadou Cheikhou, qui ont tous combattu les colons" européens en Afrique occidentale, affirme, en arabe, l’un des responsables du groupe. Au XIXème siècle, Dan Fodio avait instauré une théocratie musulmane à Sokoto (Nigeria), El Hadji Omar Tall était un chef musulman originaire du Sénégal fondateur d’un empire musulman s’étendant dans plusieurs pays ouest-africains, et Amadou Cheikhou fut chef de l’empire peul du Macina (Mali).
"Nous inaugurons aujourd’hui le Jihad en Afrique de l’Ouest", poursuit l’orateur de la vidéo, qui récite abondamment des versets du Coran. D’autres se succèdent, s’exprimant en anglais, en haoussa - une des langues principales d’Afrique de l’Ouest - rendant hommage "à tous les héros africains qui se sont illustrés contre le colon", se disant prêts à mourir "jusqu’au dernier" pour combattre "les mécréants" dans cette région. Dans un communiqué, le MUJAO affirme ne pas être en guerre avec ses frères musulmans des autres katibas", les unités combattantes d’Aqmi: "Nous avons les mêmes objectifs, le Jihad". Mohamed Mokeddem, spécialiste algérien d’Al-Qaïda, estime que cette "dissidence est née d’une contestation du leadership algérien d’Aqmi par des membres maliens et mauritaniens, de plus en plus nombreux dans l’organisation".
D’autant, selon lui, que "ces chefs algériens sont également soupçonnés (...) d’être largement infiltrés par la sécurité militaire algérienne". Ce mouvement "va tenter de profiter de l’afflux d’armes et d’hommes venus de Libye pour tenter de s’implanter davantage au Sahel du Sud, voire descendre vers des pays comme le Sénégal, la Guinée ou même le Burkina", ajoute-t-il.
A Nouakchott, deux sources militaires mauritaniennes contestent cependant l’existence même d’une "dissidence" d’Aqmi. "L’émiettement n’est pas dans l’intérêt des terroristes, même si nous savons qu’il existe deux branches d’Aqmi, dont une aile dure, qui cohabitent très bien. C’est de la poudre aux yeux, une opération de diversion", dit l’une d’elles. "Aqmi s’est retrouvée dans de sales draps après le rapt d’étrangers sur les terres du Polisario avec lequel elle coopère en terme de trafics.
L’annonce de la dissidence lui permet de dégager sa responsabilité, mais c’est une dissidence tout à fait imaginaire qui ne fera pas long feu", selon l’autre source. Le Polisario, qui se bat avec le soutien de l’Algérie pour l’indépendance du Sahara occidental (sud du Maroc), a poursuivi, jusqu’en territoire malien, les auteurs présumés des enlèvements de Tindouf (Afp)
|