France : Les jeunes djihadistes, loin du profil type   
19/11/2014

La variété des profils des jeunes occidentaux qui rejoignent l’Etat islamique, démontrée par une vidéo de décapitations dans laquelle apparaissent deux Français, tous deux convertis et sans passé judiciaire, illustre la complexité du phénomène. Qu’ils soient sur place...



...en transit ou rentrés, 1.132 Français sont impliqués dans les filières de départ vers la Syrie et l’Irak, issus de près de 90 départements. Ils sont 376 sur place, dont 88 femmes et 10 mineurs, et 226 en transit. Quarante-neuf sont morts dans ces zones de combat.
 
    "Ca va du petit village de Normandie au quartier de banlieue des grandes villes, c’est un spectre relativement large", souligne SĂ©bastien Pietrasanta, rapporteur socialiste de la loi de lutte contre le terrorisme.
 
    Les autoritĂ©s françaises ont confirmĂ© lundi la prĂ©sence, sur une vidĂ©o dans laquelle des djihadistes de l’EI dĂ©capitent une quinzaine de prisonniers syriens, de Maxime Hauchard, Normand de 22 ans originaire d’un bourg d’environ 3.000 âmes, dans l’Eure.
 
    Jeune homme quasiment sans histoire, avec une seule mention au casier judiciaire pour conduite sans assurance et dĂ©lit de fuite, il bascule dans l’islam radical Ă  17 ans, seul, via internet. MalgrĂ© "une enfance ordinaire dans une famille ordinaire", s’étonnera son oncle dans les colonnes du Parisien.
 
    "C’est malheureusement loin d’être un cas isolĂ©", a dĂ©clarĂ© lundi le procureur de Paris, François Molins.
 
    Le second Français identifiĂ© mercredi par les autoritĂ©s, Mickael Dos Santos, 22 ans, originaire de Champigny-sur-Marne, non loin de Paris, est Ă©galement un converti, sans casier judiciaire.
 
   
    CONVERTIS
    Vingt pour cent des Français impliquĂ©s sont des convertis, indique SĂ©bastien Pietrasanta. Un chiffre qui monte jusqu’à 30% chez les femmes.
 
    Sur le millier de personnes impliquĂ©es, une sur deux n’était pas connu des services de renseignement, ajoute-t-il.
 
    "Maxime Hauchard, c’est l’exemple type du phĂ©nomène que l’on est en train de connaĂ®tre : petit village de province, famille très bien intĂ©grĂ©e, avec des boulots, converti, radicalisation sur internet extrĂŞmement jeune, dĂ©part", dit le rapporteur.
  "C’est assez illustratif Ă  la fois sur la diversitĂ© des profils et sur la manière dont l’autoradicalisation se fait."
    En 2011, le Normand est repĂ©rĂ© par les services de renseignement pour son Ă©volution dans la mouvance radicale de la rĂ©gion de Rouen. Entre octobre 2012 et mai 2013, il effectue deux sĂ©jours en Mauritanie pour suivre un enseignement coranique dans des Ă©tablissements d’obĂ©dience salafiste.
 
    "Il Ă©tait rentrĂ© de Mauritanie se disant déçu et considĂ©rant que l’enseignement prodiguĂ© (...) n’était pas assez radical Ă  son sens", indiquera le procureur de Paris.
 
    Puis, en aoĂ»t 2013, il part vers la Syrie, sous couvert d’action humanitaire. Viennent les photos en tenue de combat sur Facebook, et les appels Ă  le rejoindre.
 
    "Les gens pensent tous qu’il y a un gourou, une sorte de gourou derrière () mais en fait non, j’ai rencontrĂ© personne", dira-t-il Ă  BFM TV en juillet, dans le cadre d’un entretien via Skype, depuis Rakka, fief de l’EI en Syrie.
 
    Au final, Mickael Dos Santos, le second Français, naturalisĂ© en 2009 selon le maire de sa ville d’origine, se distingue, comme lui, par sa radicalitĂ© sur les rĂ©seaux sociaux. Sur Twitter, il invite Ă  rejoindre l’Etat islamique et poste des images et vidĂ©os d’une rare violence.
 
   
    CLASSES MOYENNES
    Ces jeunes basculent "Ă  domicile, chez les parents, dans le cocon protecteur soudain honni", soulignent l’anthropologue Dounia Bouzar, Christophe Caupenne, ex-nĂ©gociateur du service d’élite de la police, le Raid, et Sulayman Valsan.
 
    Tous trois sont auteurs d’un rapport intitulĂ© "La metamorphose operee chez le jeune par les nouveaux discours terroristes" et publiĂ© sur le site du Centre de prĂ©vention contre les dĂ©rives sectaires liĂ©es Ă  l’islam (CPDSI).
 
    "Jusqu’à cette annĂ©e, le discours de l’islam radical touchait d’abord des jeunes dits ’fragiles’, et notamment ceux qui se sentaient ’de nulle part’, qui avaient grandi dans des ’trous de mĂ©moire’ et qui avaient dans leur histoire une figure de père dĂ©chu", rappelle leur Ă©tude, qui s’appuie sur les tĂ©moignages de 160 familles qui ont contactĂ© le Centre.
 
    "Aujourd’hui, (les conversions au radicalisme) touchent toutes les classes sociales et peuvent faire basculer un jeune scolarisĂ© dans une grande Ă©cole ou une championne de natation, en pleine rĂ©ussite et ascension sociale."
    Sur les 160 familles qui ont contactĂ© le CPDSI, 80% se disent athĂ©es et plus de 84% appartiennent aux classes sociales moyennes ou supĂ©rieures, "avec une forte reprĂ©sentation des milieux enseignants et Ă©ducatifs." Les jeunes, eux, sont souvent hypersensibles et ont connu un Ă©pisode dĂ©pressif.
 
    Les tĂ©moignages recueillis par le Centre dĂ©montrent par ailleurs que l’endoctrinement se fait quasiment toujours sur internet, le passage par la mosquĂ©e n’étant pas "automatique" et une rencontre physique avec un mentor ne pouvant intervenir que très loin dans le processus, au moment du dĂ©part.
 
    Sur la toile, tout est sur-mesure. "Les ’nouveaux discours terroristes’ ont affinĂ© leurs techniques d’embrigadement en maĂ®trisant l’outil internet, Ă  tel point qu’ils arrivent Ă  proposer une ’individualisation’ de l’offre qui peut parler Ă  des jeunes tout Ă  fait diffĂ©rents", expliquent les chercheurs.(Reuters)



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