La Mauritanie et les grands bouleversements dans le monde / Yahya Ould Amar   
14/12/2012

Peut-on nous arrêter un instant pour examiner les grands bouleversements mondiaux qui se dessinent et réfléchir sur ce que nous devons faire pour ne pas subir les conséquences catastrophiques de l’inaction.
La crise alimentaire mondiale
Selon les Nations Unis, la population mondiale est passée de 1,55 milliards en 1900 à...



...7,094 milliards en 2012 soit une multiplication de 4,5 du nombre d’habitants. Pour les instituts de prévisions démographiques, nous serons 9 milliards de personnes en 2050.
En 2012, selon la FAO, 870 millions de personnes ont souffert de la faim. 
Sur les dix dernières années, à six reprises, le monde a consommé en denrées alimentaires plus qu’il n’en a produits, épuisant ainsi les stocks existants.
Ce qui avait amené des pays d’Asie (Pakistan, Inde, …) à interdire temporairement les exportations de certains produits alimentaires pour les réserver à leurs marchés locaux.
D’autres nations ont acheté des terres en Afrique (en Ethiopie, au Malawi, au Sud Soudan, …) pour des projets agricoles destinés à leurs propres marchés.
Sur cette mĂŞme dĂ©cennie, les indices de prix diffusĂ©s par  la FAO montrent que les prix des produits alimentaires ont Ă©tĂ© multipliĂ©s par 2,4.
Ceux des cĂ©rĂ©ales, des huiles alimentaires et du sucre ont Ă©tĂ© respectivement multipliĂ©s  par 2.5 ; 2.6 et 3.2.
Ces hausses continues de prix sonnent l’alarme des crises alimentaires majeures avec leurs lots de famines, de colères populaires et de guerres civiles. 
La priorité de l’approvisionnement énergétique est désormais remplacée par celle de la nourriture.
Nous sommes devenus trop nombreux sur la terre et les denrées alimentaires produites sur notre planète déja surexploitée, ne peuvent plus suffire à nos besoins.
Selon Lester Brown, président du Earth Policy Institute : «la demande en nourriture croît tellement vite que la rupture est inévitable» ; « Les pénuries alimentaires ont détruit des civilisations antérieures. Nous sommes sur la même voie. Chaque pays devra maintenant se débrouiller par lui-même».
Nous, terriens, sommes en train de subir les conséquences désastreuses du changement climatique, de la disparition de la couche d’ozone, des pénuries d’eau et de denrées alimentaires conséquences directes et indirectes de notre explosion démographique.
C’est comme si notre développement est porteur du germe de notre destruction.
Actions recommandées
Devant de telles perspectives, il est nécessaire de prendre des mesures rapides pour développer notre agriculture, notre industrie agro-alimentaire et constituer des stocks tampons afin d’éviter les famines quasi-programmées. Ce qui participera aussi à la réduction du chômage dans notre pays.

Explosion de l’offre de pétrole dans le monde au cours des prochaines années
Suite Ă  l’exploitation des hydrocarbures de schiste – rĂ©sultat d’avancĂ©es technologiques rĂ©centes -  les Etats Unis disposent, dĂ©sormais, de rĂ©serves pouvant alimenter le monde durant une centaine d’annĂ©es. Le « World Energy Outlook 2012 », rapport annuel de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) indique que les Etats Unis seront le premier producteur mondial de pĂ©trole en 2017 (dans 4 ans) et qu’ils commenceront Ă  exporter celui-ci Ă  partir de 2030.
Mais les experts avertis considèrent que cette exportation commencera en 2020, dans 8 ans et que la  production journalière des Etats Unis atteindrait 22 millions de barils, dĂ©passant ainsi celles rĂ©unies de la Russie (10,1 millions B/J) et de l’Arabie SĂ©oudite (9,7 millions B/J).
Aux Etats-Unis, sur les quatre dernières années, les extractions de barils de brut par jour sont passées de 4,9 millions en 2008 à 6,2 millions en 2012, soit une hausse de +26,5%.
A aujourd’hui, les Etats Unis sont déjà exportateurs de produits raffinés comme l’essence et se préparent à exporter le gaz de schiste vers l’Europe et l’Asie.
Avec l’essoufflement des Ă©conomies asiatiques - oĂą la croissance chinoise est tombĂ©e Ă  7,8% en dessous du niveau de 8% assurant les dĂ©bouchĂ©s pour les nouveaux arrivants sur le marchĂ© du travail -  un tel bouleversement a des consĂ©quences Ă©normes sur les diffĂ©rentes Ă©conomies dans le monde et sur la gĂ©opolitique.
Finie donc pour les américains la priorité de protection diplomatique et militaire de leurs approvisionnements qui les ont souvent menés dans des guerres coûteuses.
Finie enfin, la crainte de l’éventuel retour aux torsions du droit international amplement observĂ©es sous  l’administration rĂ©publicaine de Bush, menĂ©e par des nĂ©oconservateurs qui avaient ouvert Guantanamo et Abougraib en Irak sous fond de « choc des civilisations » oĂą le clivage idĂ©ologique s’efface devant celui des cultures et donc des religions, ci-après pour rappel, certains slogans de l’époque de cette administration :
- Â« la guerre contre le terrorisme est une entreprise globale d’une durĂ©e incertaine »
- Â« Les alliĂ©s de la terreur sont  les ennemis de la civilisation »
- les « Etats voyous » (rogue states)
- les « Etats dĂ©liquescents (failed states) pourront ĂŞtre soumis Ă  un Ă©ventuel  changement de rĂ©gime  si les Etats-Unis estiment qu’il en va de leurs intĂ©rĂŞts »
- Â« frappes prĂ©ventives »
- Â«Ce sera un combat monumental du Bien contre le Mal [a monumental struggle of good versus evil ]. Mais le Bien l’emportera»
- Â« L’AmĂ©rique agira contre ces menaces naissantes avant qu’elles ne se soient complètement formĂ©es »
- Â« Agir dans le cadre d’une coalition de volontaires est un modèle pour les conflits futurs » [contournement de l’ONU]
Le Moyen Orient perdra sa place de  rĂ©gion stratĂ©gique au profit du Pacifique et de la Mer de Chine. Les capitaux amĂ©ricains et la main d’œuvre asiatique qualifiĂ©e et bon marchĂ©, assureront la croissance Ă©conomique aux Etats Unis et en Asie.
La chute des revenus du pĂ©trole, la perte du parapluie amĂ©ricain, la concentration de pouvoirs autoritaires au sein de quelques familles rĂ©gnantes s’appropriant toutes les richesses, prĂ©cipiteront les dĂ©parts des Ă©mirs et rois arabes dans un contexte post rĂ©volutions islamistes censĂ©es  idĂ©ologiquement soutenir de tels changements.
Actions recommandées
Il n’est plus certain que l’exploitation de notre pĂ©trole après les 8 prochaines annĂ©es pourra ĂŞtre aussi rentable, eu Ă©gard aux consĂ©quences sur le prix du baril de la baisse prĂ©vue Ă  cet horizon de la demande mondiale conjuguĂ©es aux couts Ă©levĂ©s inhĂ©rents Ă  toute extraction dans l’offshore profond (ocĂ©an atlantique : Tiof, Banda, Tevet, Chinguiti, …) ou dans l’onshore prometteur (Bassin de Taoudeni, …)  loin de tout port d’exportation. 
Une solution pour accélérer l’exploitation de nos champs pétroliers ou gaziers devrait être rapidement trouvée. Après le départ obligé de l’opérateur australien Woodside, le malaisien Petronas qui lui a succédé, peine manifestement à nous assurer une production minimale acceptable.
Les actions complémentaires
Comparativement aux pays de la région, la Mauritanie est le moins peuplée.
Nous n’avons pas un vĂ©ritable marchĂ© que ce soit en termes de taille, d’infrastructures, de pouvoir d’achat, de  richesse ou de qualitĂ© de la main-d’œuvre dans une Ă©conomie organisĂ©e pouvant attirer l’investissement Ă©tranger.
Nous devons donc faire preuve d’imagination pour contourner notre dĂ©ficit concurrentiel en termes de lois, de règlementations,  de justice, de risque de change par un amendement constitutionnel assurant entre autres aux investisseurs Ă©trangers des garanties sur la libertĂ© d’établissement, de transfert des capitaux, de facturation en devises, d’avantages fiscaux rĂ©els, de tribunal spĂ©cial.

Pour une meilleure crédibilité, ce tribunal spécial pour les investisseurs pourrait avoir comme second niveau de juridiction, une cour composée de récents magistrats retraités de grands pays de droit.
Et comme il ne peut y avoir de développement économique ni d’attrait de l’investissement étranger sans sécurité, il est nécessaire, eu égard aux menaces permanentes pesant sur nos frontières, d’ouvrir amplement les portes de l’armée et de la police à nos jeunes chômeurs.
 
Yahya Ould Amar
Administrateur Directeur Général
BCIMR (filiale du Groupe Bancaire français BPCE)
Région Afrique de l’Est et Moyen Orient


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