Les voies et moyens de sortie de crise dĂ©finitive et consensuelle   
20/05/2009

Il n’est pas aisé d’organiser des élections présidentielles en bonne et due forme dans une atmosphère de crise comme aujourd’hui en Mauritanie. Et ceux qui pensent entraîner la Mauritanie dans cette aventure se leurrent gravement. En effet, les élections ne sont pas une fin en soi, ni une solution de nos problèmes en elles-mêmes. Elle ne sont pas, en outre, qu’une affaire intérieure seulement.



Le processus de transition de 2005-2007 nous en donne une preuve qu’il ne nous est pas permis d’oublier. C’est d’autant plus vrai que le coup d’Etat du 5 AoĂ»t 2005 (menĂ© par les mĂŞmes officiers que ceux qui nous gouvernent actuellement contre notre volontĂ©) et les Ă©lections qui l’ont suivies n’a pas empĂŞchĂ© celui atypique et inacceptable du 06 AoĂ»t 2008 intervenu pour assassiner les espoirs du peuple, mais Ă©galement les attentes des observateurs internationaux on ne peut plus satisfaits des Ă©lections naguère organisĂ©e par les militaires. Si le premier a Ă©tĂ© peu contestĂ© Ă  l’intĂ©rieur et a divisĂ© la communautĂ© internationale en favorable et dĂ©favorable, le second a suscitĂ© un rejet et une condamnation tous deux absolus. Neuf mois après, l’opposition nationale au putsch s’élargit de jour en jour et la position internationale ne cesse de durcir en soutien Ă  la dĂ©termination militante des forces anti-putsch. Dans l’autre camp, des dĂ©fections de taille secouent les rangs du camp des soutiens du coup d’Etat qui a perdu, en moins de deux mois, le RFD d’Ould Daddah, suivi de la coalition de trois partis politiques dirigĂ©s par Dr LouleĂŻde Ould Weddad, Med Yehdhih Ould Moctar El Hasan et Cheikh Sid’Ahmed Ould Baba.
Finalement, toute la classe politique nationale crĂ©dible et reprĂ©sentant quelque chose se trouve dans le camp du rejet des Ă©lections unilatĂ©rales. A quoi servent donc ces Ă©lections auxquelles ne participent que des politiciens opportunistes et sans autre crĂ©dit que le soutien d’un putschisme dĂ©sormais morbide ou coup de main lucratif au gĂ©nĂ©ral candidat ? A quoi servent-elles si elles doivent garder entières les raisons de la crise et dĂ©boucher, sous peu, sur un autre coup d’Etat qui pourra cette fois ĂŞtre sanglant ?
L’expĂ©rience prouve que l’organisation des Ă©lections dans une atmosphère de conflit oĂą les rapports politiques entre les diffĂ©rents protagonistes manquent de sĂ©rĂ©nitĂ© ne doit pas avoir pour seul objectif la seule dĂ©signation d’un PrĂ©sident. Elles doivent permettre une rĂ©conciliation nationale et l’apaisement des tensions Ă  travers un processus de nĂ©gociations sĂ©rieuses. Elles doivent forcĂ©ment conduire Ă  des solutions consensuelles et inclusives dont le vote ne sera que la consĂ©cration. Cela exclut, au prĂ©alable les vellĂ©itĂ©s d’imposition manu militari d’un agenda unilatĂ©ral qui dĂ©coule du mĂ©pris, pur et simple, des principales forces politiques, particulièrement, du rĂ´le qui doit Ă©choir au principal protagoniste de la crise, Ă  savoir, le PrĂ©sident dĂ©mocratiquement Ă©lu.
Bref, les éventuelles élections et puisqu’elles ne seront acceptées que si elles seront sérieuses et crédibles doivent être l’exécution d’une feuille de route capitalisant les termes d’un consensus dont le déclic permet l’enclenchement d’un mécanismes devant aboutir à la réalisation des objectifs fixés de commun accord. Ceci étant, et par souci de crédibilité, l’arbitrage doit être du ressort de la communauté internationale seule, entre autre l’Union Africaine et l’Union Européenne
Les conditions d’un débat serein et constructif

La Mauritanie vit, ces jours-ci au rythme des conciliabules menĂ©s sous la houlette de nos frères sĂ©nĂ©galais pour rĂ©soudre la crise politique. Les Ă©lections prĂ©sidentielles, qui sont dĂ©sormais unanimement acceptĂ©e comme un volet de la solution, ne seront viables qui si elles seront inscrites dans une logique de consensus national, issue d’un dĂ©bat serin et constructif, auquel participeront tous les protagonistes de la crise. Elles ne sauraient exclure les pays frères et amis qui seront soit les bailleurs, soit les observateurs de ce scrutin qui se dĂ©cide dans un contexte national prenant des dimensions incontestablement internationales.
Pour que les nĂ©gociations en cours rĂ©pondent donc aux attentes et qu’elles ne fassent pas objet de contestations futures, il faudrait :

-Garantir une atmosphère de négociation sereine dont le gage est la disposition et la bonne volonté de toutes les parties ;

-Exiger du facilitateur de faire preuve de neutralitĂ© et imposer l’exĂ©cution des prĂ©alables ;

-Respecter Ă  la lettre l’esprit de la constitution nationale, seule rĂ©fĂ©rence acceptable pour tous ;

-Se conformer au dernier communiqué du groupe de contact qui requiert l’implication obligatoire du Président de la République élu démocratiquement et exige également que les négociations aient lieu sous la houlette de l’Union Africaine.

Les conditions d’une élection présidentielle crédible

Les élections ne sont pas qu’une question de date comme tente de le faire croire le général limogé et d’aucuns de ses soutiens qui prennent ombrage des exigences anti-putschistes réclamant un débat constructif et inclusif sur toutes les questions en amont et en aval des échéances présidentielles.
Par ailleurs, personne ne peut au préalable circonscrire des négociations de fond entre des protagonistes aussi divergents voire conflictuels que les putschistes et le FNDD-RFD dans un délai défini. Ceci est d’autant plus vrai que ce sont les négociations, leur rythme et leur enjeu qui imposeront leur propre timing.
Toutefois, et vu la complexitĂ© de la crise politique nationale du fait de son internationalisation grave pour le pays tout entier, pour toute nĂ©gociation amorcĂ©e – qui ne devra pas s’éterniser, bien entendu – il faudra : 

-Donner aux bailleurs de fonds, notamment, l’Union EuropĂ©enne - qui compte participer en cas de règlement consensuel de la crise, participer au financement des Ă©lections Ă  la hauteur de 10 millions d’euros â€“ l’occasion nĂ©cessaire de se prĂ©parer pour honorer leurs engagements;

-Accorder aux organisations sous-rĂ©gionales, rĂ©gionales et internationales le temps suffisant pour leur permettre de se prĂ©parer en vue d’accompagner les Ă©lections;

-Rouvrir, pour un délai suffisant, la révision exhaustive des listes électorales et l’inscription des citoyens ;

-Rouvrir les candidatures Ă  tous les mauritaniens qui dĂ©sirent postuler au poste de PrĂ©sident de la RĂ©publique ;

-Se conformer Ă  la pĂ©riode prĂ©vue par la Constitution en vue de statuer sur les dossiers de tous les candidats ;

-DĂ©signer une nouvelle Commission Electorale Nationale IndĂ©pendante impartiale et qui souscrit Ă  tous les critères de neutralitĂ© ;

-Dissoudre le Haut Conseil d’Etat qui est une structure qui permet Ă  la junte de contrĂ´ler l’Etat ;

-Annuler toutes les dĂ©cisions de nominations aux hautes postes de responsabilitĂ©s (les walis, les hakems, les directeurs des organes de presse publique, la HAPA, etc.) qui ne garantissent pas la neutralitĂ© ;

-Nommer un gouvernement d’Union Nationale dont la dĂ©signation doit souscrire aux critères arrĂŞtĂ©s ;

-Signer, sous la coupole de l’Union Africaine, d’un protocole d’accord qui reprend les différents points faisant l’objet de consensus.

Compte tenu de ces impĂ©ratifs, il est clair que le temps optimal pour l’organisation des Ă©lections crĂ©dibles ne peut ĂŞtre en deçà de 8 mois au cours desquels, il sera donnĂ© Ă  tous les acteurs politiques, mais encore aux observateurs, superviseurs et les contrĂ´leurs le temps nĂ©cessaire de s’acquitter en toute honnĂŞtetĂ© de leurs devoirs.
Cependant on ne saurait oublier qu’il y a des problèmes antĂ©rieurs au coup d’Etat suscitĂ© par des officiers qui ont failli Ă  leurs missions originelles (dĂ©fense de l’intĂ©gritĂ© territoriale et la sĂ©curitĂ©) pour immiscer dans les affaires politiques de la Nation qui ressortent des compĂ©tences des politiques. Ce sujet ne saurait ĂŞtre Ă©vacuĂ© qu’à travers un dĂ©bat. Et il constitue un volet non nĂ©gligeable de la crise. Combien de temps cela prendra-t-il ? L’avenir des putschistes ? Le crime de haute trahison ? La responsabilitĂ© de l’embargo et la banqueroute qui frappe l’économie du fait de plusieurs mois de mauvaise gestion ? Que de sujets Ă  dĂ©battre. Pas forcĂ©ment pour dĂ©signer des coupables et prononcer des sanctions, mais pour situer les responsabilitĂ©s et clarifier les rĂ´les Ă  l’avenir. Sans quoi, la Mauritanie restera exposĂ©e Ă  tous les risques et son avenir ouvert sur toutes les incertitudes.
C’est pourquoi il est impĂ©ratif que ceux qui s’évertuent Ă  occulter la rĂ©alitĂ© et rĂ©clament des Ă©lections Ă  l’emporte-pièce, abstraction faite de tout consensus, cessent de s’entĂŞter et d’exposer la stabilitĂ© et la sĂ©curitĂ© du pays fragilisĂ© par plus de neuf mois de schisme politique Ă  davantage de secousses.
L’exĂ©cution de l’agenda unilatĂ©ral conçu par une junte en mal de pouvoir est une mĂ©prise et une insulte pour la volontĂ© de la majoritĂ© du peuple mauritanien dont l’attachement Ă  la lĂ©galitĂ© constitutionnelle est irrĂ©versible. Seule une sortie de crise salutaire et acceptable par l’opinion nationale et internationale sauvera le pays. Ce n’est, d’ailleurs, qu’à ce prix que la Mauritanie recouvrira la place qui lui sied dans le concert des nations et cessera d’être perçue comme un pays pestifĂ©rĂ©. Mais voudrait-on vraiment mettre fin Ă  plus de neuf mois de quarantaine ? Nous le souhaitons tous et, disons la vĂ©ritĂ©, le FNDD et le RFD ont fait toutes les concessions pour ce faire.

Ethmane Ould Bidiel

 


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