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Quel est cet « œil » en plein milieu du désert du Sahara ?

Au milieu du désert mauritanien se cache une étrange structure formée d’anneaux concentriques, connue sous le nom d’« œil de l’Afrique ». Visible depuis l’espace, cette formation géologique spectaculaire a longtemps intrigué les scientifiques.

Géologie des systèmes volcaniques – une invitation au voyage Entretiens datant de 2009 avec Georges Boudon, physicien à l’IPGP, et des membres de l’équipe étudiant le fonctionnement des volcans, depuis la génération des magmas jusqu’aux éruptions . La vocation des films de l’IPGP est d’ouvrir les portes des laboratoires et d’accompagner les scientifiques dans l’univers des géosciences. Ce film fait partie d’une série de 14 films de format court qui sont une invitation à un voyage du cosmos au centre de la Terre. Conception & réalisation : Medi@terre, IPGP – 2009

Il faut prendre de la hauteur pour découvrir cette impressionnante structure géologique nichée au cœur du désert mauritanien. Connue sous le nom d’« œil de l’Afrique », ou Guelb er Richât, la structure de Richat a souvent été l’objet de l’attention des astronautes de l’ISS qui l’ont photographiée à de nombreuses reprises.

Mesurant environ 40 kilomètres de diamètre, l’origine de cette étrange structure concentrique perdue au milieu d’un paysage désertique a longtemps questionné les scientifiques.

Une origine magmatique
Décrite pour la première fois en 1916, la structure de Richat a fait l’objet de nombreuses études. D’abord interprétée comme les restes d’un impact météoritique, l’étude des roches la composant montre que son origine est bien plus terrestre. Les anneaux concentriques sont en effet composés de strates sédimentaires obliques. Le centre est quant à lui formé de roches magmatiques intrusives (gabbros, carbonatites) et extrusives (rhyolites). Bien qu’érodées, deux anciennes bouches éruptives peuvent être observées. Les gabbros se retrouvent sous la forme de deux dykes concentriques entourant le centre rhyolitique. De nombreuses autres intrusions de type dyke et sills ont été identifiées au sein de la structure. Il ne fait donc aucun doute que l’œil de l’Afrique a en réalité une origine magmatique. La datation des roches a d’ailleurs permis de dater l’événement à 100 millions d’années environ.

Des roches sédimentaires plus vieilles au centre
Mais pourquoi cette forme en anneaux concentriques ? Pour comprendre, il faut se pencher sur les anneaux créés par les strates sédimentaires. Car ils donnent une information capitale : l’âge des sédiments décroît du centre vers les bords de la structure. Ce type d’architecture est bien connu des géologues. Il s’agit d’un anticlinal : les strates sédimentaires, planes au préalable, ont été plissées pour former un dôme, de telle sorte que les strates les plus vieilles (originellement les plus profondes), se retrouvent au centre de la structure. Mais pour obtenir l’architecture visible aujourd’hui, il faut attendre que l’érosion fasse son œuvre. Au fil des millions d’années, les vents, la glace et l’eau ont raboté le dôme, supprimant progressivement les enveloppes superficielles pour faire apparaître le cœur du dôme et donc les strates les plus anciennes.

Les anneaux internes de la structure de Richat, vus du sol. © Clemens Schmillen, Wikimedia Commons, CC by-sa 4.0 

Mais alors que les anticlinaux sont généralement le résultat de forces tectoniques compressives, il faut ici faire appel au magmatisme pour expliquer la formation de cette structure.

Une « bulle » de magma qui a soulevé les couches sédimentaires
Il y a 100 millions d’années, un important épisode de fusion a généré une remontée de magma qui a finalement cristallisé en profondeur, au sein des sédiments. Au cours de son ascension, cette « bulle » magmatique a cependant déformé les strates sédimentaires sus-jacentes en les soulevant, menant à la création d’un anticlinal en forme de dôme. Si quelques laves ont visiblement réussi à s’épancher en surface, le magmatisme est principalement resté intrusif, ne donnant pas lieu à la formation d’un volcan.

De nombreux restes archéologiques ont été retrouvés sur le site, notamment des outils en pierre acheuléens, datant du début du Paléolithique (1,76 – 0,13 million d’années). Il est vraisemblable que les niveaux de quartzite, une roche sédimentaire particulièrement dure et mise à nu par l’érosion du dôme, aient servi temporairement à la fabrication d’outils pour les hommes préhistoriques vivant dans la région.
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