
Le retrait du groupe russe Wagner du Mali marque un tournant stratégique dans l’équilibre des pouvoirs au Sahel et au Sahara. L’importance de ce retrait est d’autant plus grande que Wagner soutenait l’armée malienne dans sa lutte contre les groupes terroristes, notamment Al-Qaïda au Maghreb islamique et Daech en Afrique de l’Ouest.
L’Algérie est accusée de soutenir, de financer et d’instrumentaliser des groupes terroristes dans le but de déstabiliser le Mali et les pays du Sahel, selon un communiqué du ministère malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. Les pays membres de l’Alliance du Sahel (Mali, Burkina Faso et Niger) ont également affirmé, dans une déclaration conjointe, que le régime algérien constitue une menace pour la sécurité et la stabilité de la région en appuyant des groupes armés et terroristes.
Avec le retrait du groupe russe de ses positions sur le terrain, les observateurs redoutent une ruée des groupes armés et des entités terroristes pour combler le vide sécuritaire, exposant ainsi les pays voisins du Mali à une situation de plus en plus préoccupante. Face à ce risque, Nouakchott a accéléré le renforcement de ses frontières sud-est, en déployant des unités blindées et des drones.
Ce mouvement et cet effort militaire mauritaniens vers les frontières sud-est ont été précédés par une opération de redéploiement de ses forces dans certaines zones sensibles de sa frontière nord. Ces zones constituaient un passage emprunté par les mercenaires du Polisario pour contourner la ceinture défensive marocaine et frapper des cibles dans le sud du Maroc. D’ailleurs, la Mauritanie a également procédé à la fermeture d’un point de passage informel vers l’Algérie.
Ces mouvements ne relèvent plus de la simple prudence ou d’une tactique de terrain limitée. Ils reflètent, au contraire, la profonde inquiétude des autorités mauritaniennes face à l’exploitation par le régime algérien des changements et développements actuels dans la région du Sahel. L’objectif, selon le communiqué de l’Alliance du Sahel, serait de réimplanter et d’utiliser les mouvements armés et terroristes qu’il finance contre ses voisins.
De plus, la concentration de la Mauritanie sur ses frontières sud-est, suite aux transformations au Mali, et sa tentative de fortifier ses frontières nord contre les incursions des milices du Polisario (hébergées par l’Algérie), pourraient représenter un lourd fardeau pour l’armée mauritanienne. Cette dernière vient tout juste d’entamer une politique de modernisation.
Cette situation risque d’être exploitée par les « milices de Rabouni », dont les liens avec le terrorisme ont été confirmés par des rapports internationaux. Le plus récent est un rapport des services de renseignement espagnols, qui fait état de l’infiltration d’éléments du Front dans l’organisation Daech – Province d’Afrique de l’Ouest, et de l’ascension d’une dizaine de jeunes Sahraouis issus des camps de Tindouf à des postes de direction au sein de l’organisation.
À la lumière de ces données, la Mauritanie se verra plus que jamais contrainte de revoir son architecture de sécurité et ses alliances régionales. Cela est d’autant plus pressant que son voisin oriental, le Mali, connaît aujourd’hui des changements importants, tandis que l’Algérie est engluée dans le soutien d’une entité de plus en plus extrémiste et incontrôlable (le Polisario) et, d’autre part, dans le « soutien aux groupes terroristes » comme l’a déclaré l’Alliance des États du Sahel.
En contrepartie, le Maroc apparaît comme un partenaire stratégique fiable. Au cours des dernières années, il a constamment démontré sa disponibilité à se coordonner avec Nouakchott dans la lutte contre le terrorisme, l’immigration clandestine et la sécurisation des passages commerciaux.
Selon de nombreux intellectuels et acteurs de la société civile mauritanienne, la stabilité au Maroc et en Mauritanie sont les deux faces d’une même médaille. Toute menace dans l’un des deux pays aurait nécessairement des répercussions sur l’autre.
De ce point de vue, l’élargissement de la coopération maroco-mauritanienne n’est plus seulement une option politique, mais une nécessité sécuritaire, notamment à la lumière des rapports des services de renseignement européens qui révèlent des liens entre des éléments du Polisario et des réseaux extrémistes dans le nord de l’Espagne. Cela concerne principalement l’arrestation de deux personnes au Pays Basque soupçonnées de liens avec des éléments extrémistes liés au Polisario, et l’utilisation croissante de routes de contrebande pour faire passer du matériel et des fonds au service d’agendas terroristes.
Alors que l’Europe ferme les yeux sur le front sud et s’enfonce dans les répercussions de la guerre en Ukraine, le plus grand fardeau sécuritaire incombera aux États régionaux. Ceux-ci sont désormais appelés à construire des alliances sécuritaires flexibles et efficaces. Dans ce cadre, la coopération mauritano-marocaine pourrait être la première étape vers le remodelage d’une nouvelle structure de sécurité régionale, basée sur la confiance et les intérêts mutuels, face au projet de séparatisme extrémiste représenté par le Front Polisario avec le soutien de l’Algérie.
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