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Cédéao: six mois de plus après le retrait des pays de l’AES, pour faire quoi?

Le sommet des chefs d’État de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) réuni le 15 décembre 2024 à Abuja a décidé d’acter officiellement le retrait des trois pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) à compter du 29 janvier prochain, tout en instaurant un délai de « transition » de six mois. Il doit permettre d’organiser les modalités de départ du Mali, du Niger et Burkina Faso – ce qui aurait dû être fait au cours des 12 derniers mois – mais aussi de permettre, selon le président de la Commission de la Cédéao, la poursuite des médiations sénégalaise et togolaise « afin de ramener les trois pays membres au sein de » l’organisation sous-régionale.

Ce n’est pas une prolongation du délai de retrait, mais cela y ressemble pourtant. Le 29 janvier prochain, les trois pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) ne seront officiellement plus membres de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Eux qui considèrent leur départ comme effectif et irréversible depuis déjà près d’un an, auront tout de même six mois supplémentaires pour poursuivre leur réflexion, à la demande du Sénégal, facilitateur de la Cédéao pour tenter d’obtenir le retour de ces trois pays, et du Togo, pays de la Cédéao le plus proche des régimes militaires de l’AES.

Un délai qui sera surtout utile à la Cédéao elle-même, qui n’a pas réagi dimanche à l’annonce inattendue, la veille, de l’AES : cette dernière offre la liberté de circulation en son sein aux ressortissants des pays de la Cédéao. L’organisation sous-régionale pourrait-elle accorder la réciprocité aux citoyens maliens, nigériens et burkinabè ? Ce qui pourrait être perçu comme un moindre mal, voire une victoire, permettant d’éviter la « désintégration » de la Cédéao tant redoutée par le médiateur, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, ou comme un aveu de faiblesse, concession de taille démontrant l’incapacité de la Cédéao à retenir ces trois pays. Pendant majeur à la libre circulation des personnes : la question des droits de douanes.

Rupture ou flexibilité ? Cédéao forte ou « à la carte » ?

Les pays de la Cédéao ont, à ce stade, choisi de ne pas choisir. L’option de la rupture avec les régimes de l’AES serait synonyme de Cédéao forte et cohérente avec ses principes, mais avec des conséquences potentiellement dommageables pour les populations concernées – le même dilemme que lorsque des sanctions avaient été imposées après les coups d’État dans ces trois pays – et pour l’avenir même de l’organisation.

À l’inverse, l’option d’une Cédéao plus flexible serait également celle d’une Cédéao « à la carte », résignée, qui permettrait aux régimes putschistes de conserver les avantages en se passant des « inconvénients » liés à la gouvernance démocratique. Ce qui créerait – et ce n’est pas un petit détail – un précédent risqué.

Ces six mois supplémentaires pourraient permettre aux pays ouest-africains d’harmoniser leurs positions, en fonction de possibles évolutions. « Face à un régime fragile comme le Burkina, pose un chercheur ouest-africain, à un Niger qui n’a toujours pas mis en place de transition, et à un Mali qui pourrait organiser des élections, la patience est peut-être la stratégie de la raison ».

RFI