Cet après midi, sur mon lit, j’ai consulté un médecin, une femme traumatologue. «Docteur, je souffre un peu de douleurs au niveau de l’épaule droite», lui dis-je. Pendant quelques moments agréables, d’examen, de scrutation…
je sentais la douceur de ses doigts que j’observais, enveloppĂ©s dans des gants blancs et minces. Je suivais tous ses gestes de mon regard attentif, quand j’ai eu comme impression bizarre qu’elle me caressait amoureusement l’articulation, les muscles, la peau… avant de me faire une radio. Puis, elle conclut : « Manifestement, vous avez dĂ©veloppĂ© une tendinite ». Me sentant un peu surpris par le diagnostic, elle essaya de me rassurer. Rien de mieux pour cela que de pousser Ă fond l’échange en vue de me fournir des Ă©lĂ©ments d’explication, personnels et simples, puisĂ©s dans ma vie. Elle me demanda : « Qu’est ce que vous faites, comme travail manuel ?». Et moi de rĂ©pondre : « Pas grand-chose, mises Ă part mes activitĂ©s de ’’ facebookien ’’. En tout cas, peu d’effort manuel, sauf Ă©crire ». Me voyant toujours perplexe, elle expliqua : « Un clavier d’ordinateur, ça peut provoquer une tendinite quand on Ă©crit beaucoup, surtout des textes longs... ». LĂ , je l’interrompis, un peu brusquement: « Moi, je me limite gĂ©nĂ©ralement Ă des commentaires souvent brefs, très brefs mĂŞme, comme ’’ like ’’. Se montrant nullement offusquĂ©e par le ton catĂ©gorique que je lui opposais, elle ne dĂ©sarme pas. Bien au contraire : elle rĂ©agit doucement … lentement… comme si elle cherchait ses mots, mais avec une assurance plaisante. Elle me rĂ©pond, toute en sourire, jouant sur la traduction française de ’’ like ’’, sur le mot ’’ j’aime ’’ : « L’amour… Ça peut faire mal… Parfois très mal ». ImmĂ©diatement, j’ai senti des douleurs terribles : mon Ă©paule, bien sur ; mais tout mon corps est souffrance. TorturĂ©, tourmentĂ©, peinĂ©... Je me rĂ©veille en sursaut. « Heureusement que ce n’était qu’un cauchemar passager », me dis-je, avant de quitter mon lit. Puis, je me lève serein : sans douleur, sans peine…Rien que les sensations de soulagement, de bonheur, que l’on ressent habituellement après un cauchemar. Pour autant, mĂŞme Ă©veillĂ©, lucide et heureux, les paroles de cette traumatologue fictive, croisĂ©e dans mon sommeil, me suivent toujours. Et voilĂ qu’une question me hante: « Comment est ce que ’’ j’aime ’’ peut faire mal ? ». El Boukhary Mohamed Mouemel Mai 2014
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