Opinion: COD, la fin de la ‘récré’   
04/06/2012

L’Opposition radicale mauritanienne envoie de plus en plus de signaux de déliquescence politique, conséquence d’une tactique défaillante, d’une actualité décevante du «Printemps arabe» et d’un pouvoir au sang froid à toute épreuve.



Cafouillages tactiques mortels

Lorsque la COD s’était ébranlée, sous l’impulsion des «Frères musulmans» locaux, Tawassoul, les connaisseurs de ce pays n’avaient pas manqué de relever un «compagnonnage du phacochère et de la biche», voué à l’échec, entre des forces politiques aux références idéologiques incompatibles; à titre d’exemples, l’UFP, au background marxiste, pouvait difficilement cohabiter avec des Islamistes de Tawassoul, aux relents liberticides salafistes, et les champions de la gabegie durant la sinistre ère Maaouya, n’avaient pas d’acquintances politiques minimales avec un RFD, dirigé par Mr Ahmed Ould Daddah, à la fibre politique socialiste.

 

A en juger par le discours chaleureux du maire de Bogué, prononcé à l’endroit du Président Aziz, lors de sa dernière visite au Brakna, l’on comprenait bien que l’UFP entamait son «Printemps arabe» …à reculons. La trop grande hétérogénéité idéologique n’avait visiblement suscité aucun souci opérationnel, au sein d’une COD, obnubilée par la question du partage d’un butin politique hypothétique.

 

Cependant, les divergences politiques n’avaient pas tardé à surgir, particulièrement lors des sit-in sauvages, des 12 et 19 mai derniers, quand certains des dirigeants de la COD, ont décidé de passer leurs nerfs les uns sur les autres, au grand bonheur de leurs adversaires politiques et surtout des nombreux amateurs de potins; la faible réactivité de la rue nouakchottoise aux appels assourdissants à la révolte, lancés par la COD, est passée par-là.

 

Se rendant compte que le peuple ne se soulevait pas, les dirigeants de la COD ont jugé utile de concevoir une feuille de route censée accélérer l’atteinte de l’objectif ultime. Mal leur en a pris, car un tel document fut diffusé par le site «Nashra Elmagharibiya», la veille de sa mise en œuvre. Aux divergences idéologiques de départ, sont venus se greffer des ressentiments dus au déficit de mobilisation populaire et des …veillées tardives durant les sit-in sauvages; une certaine petite notabilité maure, ruinée par une lutte sans merci contre la gabegie, ne saurait accepter la moindre atteinte à son honneur tribal!!

 

La diffusion prématurée d’une feuille de route au contenu hautement «stratégique», indique à quel point l’heure est désormais aux règlements de compte, au sein d’une COD, confrontée à un échec politique irréversible. Les rédacteurs de la feuille de route ébruitée, y suggèrent de «démultiplier » les foyers de tension dans la Capitale, en recourant à des structures non partisanes, comme l’UNEM.

Ce dernier syndicat, proche de Tawassoul, vient de jeter l’éponge, en décrétant la «fin de sa grève», dans un communiqué signé par ses seuls soins, le 31 mai, en l’absence d’un quelconque acquis palpable; les syndicats estudiantins SNEM et Elbadile, avaient signifié, auparavant, leur retrait d’une «coalition», qui ne compte désormais qu’un singleton!

 

Du point de vue de cette nébuleuse UNEM (MJM, Voix de l’élève,…), la cause est entendue, au grand dam de Tawassoul, de ses alliés et de leur utopie politique commune. Le pire pour la COD est que les lignes de fractures politiques, traversent non seulement ses composantes, mais elles sont entrain de lézarder le front intérieur de chacune des formations politiques concernées, prise séparément. Les débats houleux au sein du RFD, de Tawassoul, de l’UFP et des autres petits partis, n’augurent rien de bon, pour l’avenir d’une COD qui s’est trompée d’objectif et de tactique.

 

Les voyants rouges du «Printemps arabe»

Lors de son déclenchement en Tunisie, le « Printemps arabe» avait pris de court les élites dirigeantes, mais aussi les opinions publiques concernées et le monde occidental. L’hameçonnage idéologique était des plus réussis, car il était question de «liberté» et de «dignité», sur fond de raccourcis intellectuels et d’une suractivité des «réseaux sociaux». Pour résoudre les problèmes structurels, il suffit de se débarrasser de la tête de l’hydre étatique, facile, n’est-ce pas?

 

Quid des inerties sociales et autres pesanteurs spécifiques, des contraintes dictées par un contexte de crise économico-financière planétaire? Vivement le chaos rédempteur! Une fois surmonté l’effet de surprise, les dynamiques d’antan, se remettent mécaniquement à l’œuvre; les courants politiques les plus rétrogrades, croient pouvoir saisir une opportunité inespérée, pour connaitre, enfin, les griseries du pouvoir.

 

Les tenants du projet de «retour du monde arabe à l’âge de pierre», croient pouvoir obtenir par le «Printemps», ce que les armes les plus sophistiquées n’ont réalisé que partiellement et avec d’irréparables «effets collatéraux», les marchands du pétrole découvrent la possibilité de se débarrasser de négociateurs coriaces et à l’abri du besoin, au profit d’hommes corruptibles à souhait et susceptibles de se suffire de miettes, dans une région du monde dont le sous-sol renferme environ 40% des réserves mondiales en hydrocarbures, et les trafiquants en tous genres, entrevoient l’opportunité de s’affranchir des contraintes sécuritaires, en Méditerranée méridionale, aux portes de l’Europe, au moment où les mafias de la drogue, se voient interdire les voies traditionnelles d’accès aux marchés américains et européens.

 

Et la démocratie dans le monde arabe?, me diriez-vous. Eh bien, c’est le souci d’une poignée d’idéalistes locaux, passés à la trappe de l’Histoire, depuis belle lurette. Aujourd’hui, il est possible de faire un bilan préliminaire du «Printemps arabe».

En Tunisie, toute proche, le premier ministre Djebali menace ouvertement la mouvance salafiste décidée à faire tomber son gouvernement, sur fond de dégradation de la situation sécuritaire du pays et de détérioration de l’économie tunisienne; une détérioration attestée par l’âpreté du débat autour de la nécessaire démission du gouverneur de la Banque Centrale Tunisienne. En Lybie, la réalité du pouvoir est entre les mains de milices tribales rivales, la Cyrénaïque réclame sa sécession, dans un pays où le mot d’ordre est la vengeance tous azimuts.

 

Ce pays disposait du PIB par tête d’habitant, le plus élevé du continent africain. L’onde de choc libyenne continue à déstabiliser toute la région sahélo-saharienne; le Mali voisin s’est disloqué pour de bon, faisant le lit de l’instabilité, de l’intolérance et de l’intégrisme religieux, à nos frontières. Le Yemen est quasiment sorti du champ de la modernité et la Syrie sombre petit à petit dans la guerre civile. L’Egypte, où les Frères musulmans ont glané environ 50% des suffrages au cours des dernières élections législatives et viennent d’envoyer l’un des leurs disputer le fauteuil présidentiel, est confrontée à une récession économique porteuse de risques incalculables.

 

Grosso modo, le «Printemps arabe», en dehors de gesticulations électorales formelles, n’a ni amélioré la condition de la femme arabe, bien au contraire, ni impulsé les réformes des systèmes éducatifs, ni remis les citoyens au travail, ni porté au pouvoir des hommes et des femmes, suffisamment qualifiés pour identifier et traiter les vrais problèmes de sous-développement. Ce «Printemps» est synonyme d’affaissement de l’autorité de l’Etat, d’émergence des courants politiques anti-démocratiques et de déclin économique.

 

Un «Printemps» à moindre coût

L’excitation politique qui s’est emparé de l’Opposition radicale mauritanienne, sous la houlette des représentants locaux des «Frères musulmans», Tawassoul, a tourné court, pour des raisons évidentes. En effet, la Mauritanie est un pays à la fois arabe et subsaharien; il est impossible d’en faire un pays exclusivement arabe ou exclusivement subsaharien, à moins de vouloir le démanteler. C’est ce trait caractéristique qui fait de la Mauritanie, un pays difficile à déstabiliser via la rue, dès lors que l’Etat continue, comme aujourd’hui, à assurer ses fonctions régaliennes, dans l’impartialité et la transparence.

 

L’erreur (la bêtise) politique de la COD est d’avoir pris la Mauritanie, pour un pays exclusivement arabe et d’avoir tenté d’y transposer un phénomène propre à l’espace arabe. Le résultat ne s’est d’ailleurs pas fait attendre, car le caractère particulariste a tout de suite sauté aux … objectifs des caméras présentes. Si demain, un «Eté subsaharien» ou une toute autre fronde politique se déclenchait en Afrique subsaharienne, la Mauritanie serait entièrement à l’abri, car, encore une fois, l’identité plurielle de ce pays, constitue un solide argument de stabilité politique.

 

Par ailleurs, la Mauritanie est difficilement accessible aux démons du «Printemps arabe», car la transition de 2005-2007, les évènements politiques de 2008-2009 et spécialement les deux élections présidentielles transparentes de 2007 et 2009, sont assimilables à des mini «Printemps» politiques, qui ont eu l’avantage de «vider l’abcès» contestataire, réduisant le potentiel de crise au strict minimum.

 

Sur un autre plan, le champ des libertés publiques n’a jamais été aussi développé en Mauritanie; le contenu médiocre et injurieux - à l’endroit des plus hautes autorités de l’Etat- de certaines manifestations politiques, sans conséquences judiciaires pour leurs auteurs, constitue la meilleure preuve de la liberté totale d’expression dans le pays. Le fait qu’aucune autorisation de manifester ne soit rejetée par les pouvoirs publics, représente un indice de maturité démocratique indéniable. Ce ne sont pas les rédacteurs du site «Alakhbar» qui diront le contraire, eux qui refusent jusqu’au droit de réponse...

 

Le volet gestion des deniers publics est des plus exemplaires de la sous-région, ainsi l’Etat fait face, avec succès et sur fonds propres, aux urgences d’une année déficitaire sur les plans pluviométrique et céréalier, et caractérisée par un afflux massif de réfugiés maliens. Il est vrai que cette gestion qualitative a ulcéré les accrocs des passe-droits et des prébendes de l’ère Maaouya, au point de les pousser à vouloir mettre le feu au pays.

 

Le dernier dialogue national entre la majorité et la partie électoralement significative de l’Opposition, a abouti à des résultats probants, susceptibles de désarmer politiquement les révolutionnaires les plus récalcitrants. Le fait que les gesticulations de la COD n’aient pas déclenché des manifestations publiques à grande échelle, de la part d’un pouvoir qui en a les moyens politiques, prouve que personne ne prend aux sérieux de telles gesticulations désordonnées.

 

En réalité, les exigences des acteurs du «Printemps arabe», en termes de libertés publiques, de bonne gouvernance et de démocratie, ont été satisfaites en Mauritanie, avant que les «marionnettes» de l’anarchie, ne soient actionnées à distance par de cupides manœuvriers.

En somme, notre pays a entrepris, avant l’heure, son « Printemps arabe», conformément à ses spécificités nationales et à moindre coût. Il est grand temps que la COD en tire les bonnes conclusions, mette fin à sa «récré» politique puérile et infructueuse et s’organise mieux pour éviter de s’enfoncer davantage dans la marginalité électorale, à la faveur des toutes proches élections générales.

Source : Babaghoura (CRIDEM)

 


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