Fin du 24e sommet Afrique-France: La fin de la Françafrique ?   
20/02/2007

Le 24e sommet Afrique-France, qui s’est tenu à cannes (sud de la France) en présence d’une trentaine de dirigeants africains et du président Jacques Chirac, s’est achevé vendredi en début d’après-midi. Il a été clôturé par une conférence de presse conjointe des présidents Chirac, Amadou Toumani Touré (Mali) et John Agyekum Kufuor (Ghana), président en exercice de l’Union Africaine (UA). Le Mali avait accueilli le précédent sommet en 2003 Le prochain sommet Afrique-France se tiendra au Caire en 2009. Ce 24e sommet marquait les adieux à l’Afrique du président Jacques Chirac, après douze ans au pouvoir et peut être bien la fin de l’époque de la Françafrique.



En tout cas les principaux candidats à la présidentielle en France ont promis une inflexion de la politique africaine de la France, en privilégiant les sujets de l’immigration ou du développement durable, et surtout en affichant leur volonté de clore l’époque de la "Françafrique". Si le 24è sommet Afrique-France de cannes a tourné la page des "années chirac", de nombreuses interrogations portaient dans les couloirs de la réunion sur les changements à attendre du prochain locataire de l’Elysée. Sous la Vème République, la politique vis-à-vis de l’Afrique a été du ressort exclusif du chef de l’Etat.
Jacques Chirac, tout en prônant un approche multilatérale du continent, n’a pas dérogé à la règle, en entretenant des relations personnelles suivies avec nombre de dirigeants africains du "pré-carré", comme le président Omar Bongo Ondimba (Gabon), arrivé au pouvoir en 1967, l’année où M. Chirac, 74 ans, obtenait son premier poste au gouvernement français.
Ségolène Royal, 53 ans, comme Nicolas Sarkozy, 51 ans, ont promis de tourner cette page.
Les deux candidats ont toutefois sacrifié à la tradition des déplacements en terre africaine avant la présidentielle. Ségolène Royal s’est rendue au Sénégal, où elle est née, pour discuter essentiellement de développement. Le ministre de l’intérieur s’était notamment déplacé au Mali en pleine polémique sur sa politique d’immigration choisie. Pour le parti socialiste, qui a jugé que les relations de M. Chirac avaient "terni l’image de la France", la future politique africaine de la France ne devra "plus relever d’un domaine réservé mais être soumise au contrôle du parlement". Le PS a érigé en nouvelles priorités africaines "le développement durable (...), l’accès de tous à la santé, aux médicaments, à l’eau, à l’éducation, le soutien aux sociétés civiles (...) et à la démocratisation". M. Sarkozy a lui aussi promis de rénover l’approche africaine de la France avec une "politique débarrassée des scories du passé" et des "réseaux d’un autre temps" et de tenir un "langage de vérité"aux africains.
Mais c’est surtout son approche des problèmes de l’immigration qui ont fait grincer des dents en Afrique. "Le tout sécuritaire n’est pas une solution", a souligné vendredi le président Malien Amadou Toumani Touré, à la clôture du sommet de Cannes. En 2006, M. Sarkozy avait aussi relevé que la France n’avait "pas économiquement besoin de l’Afrique", tout en estimant que le destin de l’Europe et de l’Afrique étaient "intimement liés".
Les relations commerciales entre la France et l’Afrique ne représentent que 5% des échanges de la France. Et de nouveaux venus, Chine en tête, viennent concurrencer les positions et l’influence de Paris. En outre, une part croissante de l’aide passe désormais par des canaux bilatéraux, comme le fonds européen de développement, et l’Union Européenne joue un rôle diplomatique de plus en plus important en Afrique. Le candidat de l’UDF François Bayrou, qui critique aussi la politique traditionnelle de la France en Afrique, prône une politique européenne de co-développement avec le continent. "La banalisation des rapports entre la France et l’Afrique est déjà engagée, sans que Sarkozy et Royal aient besoin de normaliser", relève le spécialiste des relations franco-africaines Antoine Glaser. "Le grand échec de la politique africaine de la France aura été de ne pas comprendre que l’Afrique redevient un enjeu géostratégique pour l’ensemble du monde. La tâche du nouveau président sera de définir de nouvelles relations avec l’Afrique. Car il y a un potentiel extraordinaire sur ce continent" a-t-il ajouté.
Jacques Chirac prépare sa sortie…ou son retour
Après douze années passées à la tête de l’Etat, le mandat de Jacques Chirac entre dans sa dernière ligne droite. Sauf coup de théâtre, il doit confirmer d’ici le 16 mars son départ de la présidence, une sortie qu’il a soigneusement préparée ces dernières semaines. Certes, Jacques Chirac aura tenté, jusqu’au bout, de faire vivre l’hypothèse d’une candidature à la présidentielle. "Vous me demandez si c’est mon dernier sommet. Je vous réponds: oui... pour cette année!", a-t-il ainsi lancé vendredi, lors de la conférence de presse de clôture du sommet France-Afrique de Cannes. Mais les chefs d’Etat africains présents, eux, s’étaient déjà
fait leur opinion. "Nous allons le regretter", déclarait ainsi le président du Burkina Faso Blaise Compaoré, quand l’ancien Premier ministre japonais Yoshiro Mori appelait Jacques Chirac, "après (sa) retraite", à "rester leader dans ce domaine" africain. "Je lui dis à bientôt Jacques. Où qu’il sera, on se rencontrera, il n’y a pas que la politique", a aussi déclaré le président gabonais Omar Bongo, pour qui c’est bien "la fin d’une époque". Dans l’entourage de Jacques Chirac aussi, on se prépare activement au changement de pouvoir. Les deux principaux collaborateurs du chef de l’Etat, son conseiller diplomatique Maurice Gourdault-Montagne et son secrétaire général Frédéric Salat-Baroux convoitent ainsi la présidence de la Caisse des dépôts et consignation.
L’Elysée a soigneusement préparé la sortie de son chef. Après avoir exposé sa vision des défis à venir à l’occasion des voeux présidentiels en début d’année à travers des discours-programmes parfois un brin surréalistes, Jacques Chirac a consacré ses dernières réunions internationales aux sujets qui lui tiennent à coeur: le Liban, l’environnement et enfin l’Afrique. Jacques Chirac a également entrouvert la porte de son jardin intime, rompant avec ses habitudes. Il s’est ainsi longuement confié au journaliste Pierre Péan ("L’inconnu de l’Elysée", Fayard) pour Ã©voquer notamment pour la première fois publiquement la santé de sa
première fille Laurence, atteinte d’anorexie mentale, "le drame de (s)a vie".
Interrogé dans le cadre de l’émission "Vivement dimanche" sur France-2, il évoquait aussi sa relation avec son épouse Bernadette ou le jour où il quitterait l’Elysée, expliquant qu’il "essaiera(it) de servir la France, les Français d’une autre manière". "Il y a sans aucun doute une vie après la politique. Jusqu’à la mort", ajoutait-il. Seul "hic" dans cette stratégie soigneusement planifiée: la polémique et les ricanements provoqués par ses déclarations sur
l’Iran tenues début février devant des journalistes. Avant de retirer ses propos, il avait semblé suggérer que, à ses yeux, le fait que Téhéran possède une bombe nucléaire n’était "pas tellement dangereux". Lundi, le Parlement réuni en Congrès doit avaliser trois réformes
voulues par Jacques Chirac: l’inscription de l’interdiction de la peine de mort dans la Constitution, la réforme du statut pénal du chef de l’Etat et le gel du corps électoral de Nouvelle-Calédonie. La nomination du nouveau président du Conseil constitutionnel
-l’actuel président de l’Assemblée nationale Jean-Louis Debré, sauf surprise- doit quant à elle intervenir d’ici vendredi au plus tard. S’il devrait laisser passer ces deux rendez-vous avant de se dévoiler, Jacques Chirac n’est ensuite tenu que par la date du 16 mars. S’il n’a pas déposé ce jour-là, à 18h, 500 parrainages d’élus au Conseil constitutionnel, il ne sera, de fait, pas candidat. Reste à savoir s’il voudra rapidement en finir, dès la semaine prochaine, ou s’il voudra attendre l’ultime limite, en laissant passer par exemple le Conseil européen des 8 et 9 mars. Quant à Nicolas Sarkozy, il attend toujours un signe. Après avoir mis en sourdine ses attaques et velléités de "rupture" ces dernières semaines, le candidat UMP espère un adoubement du chef de l’Etat, qui tarde à venir. Là aussi, Jacques Chirac devrait avoir à coeur de garder le mystère le plus longtemps possible.


Toute reprise totale où partielle de cet article doit inclure la source : www.journaltahalil.com
Réagir à cet article
Pseudo
E-mail
Commentaire
Entrer le code
La rédaction de Tahalil vous demande d'éviter tout abus de langage en vue de maintenir le sérieux et de garantir la crédibilité de vos interventions dans cette rubrique. Les commentaires des visiteurs ne reflètent pas nécessairement le point de vue de Tahalil et de ses journalistes.
Les commentaires insultants ou diffamatoires seront censurés.

TAHALIL 2006-2022 Tous droits reservés