Une lettre pour mon ami l’Auvergnat (Mohamed Baba): Par Abdel Kader Ould Mohamed, Juriste ancien secrétaire d’Etat.   
29/12/2006

C’est avec un grand plaisir que j’ai lu ta réponse à ma récente  contribution laquelle a été publiée sous le titre, quelque peu, imprudent : « l’avenir politique de la  Mauritanie entre l’urgence d’un consensus et la vanité de la démocratie conflictuelle».
 D’emblée je me réjouis que tu ouvres la porte de l’accord entre nous en affirmant, et avec quelle assurance ! que   «la nécessité du consensus n’est même pas à démontrer». Néanmoins, je ne peux m’empêcher de penser au fait que notre amitié, pour laquelle tu apportes un témoignage pathétique, puise, elle même, son origine dans une lointaine imprudence.



De cette période que nous avons vécue «dans les piaules enfumées de la médina R», je garde un souvenir amer, celui d’une génération qui a été engagée dans un combat sans rivage et dont les illusions ont été détournées au nom de l’idéal d’une hypothétique révolution nationale démocratique et populaire (la RNDP). C’est, d’ailleurs, par ce genre d’engagements spontanés, dont l’habillage idéologique varie suivant l’air du temps, que  l’idéalisme d’une certaine jeunesse mauritanienne a, toujours, été dévoyé.
Comme tu l’as signalé, à juste titre, tu as bien raison de te reconnaître, sans la moindre hésitation,  parmi les idéalistes du nouvel ordre démocratique aux quels j’ai fait allusion. Je dois, cependant, préciser qu’à mon sens cette qualification équivaut, plutôt,  à un compliment.
 Malheur, en effet, à la société dans laquelle  les contestataires, les libres penseurs  et tous ceux qui ont le courage de leurs idées sont méprisés. Mais outre ces  louables qualités, il arrive souvent que la généreuse  vocation idéaliste s’enfonce dans la confusion du pragmatisme inhérent aux froides considérations politiques.
 Toute fois, il convient de souligner que dans le contexte mauritanien, les littérateurs  qui, comme toi et moi, dissertent sur le sort du pays exercent, rarement,  une influence décisive sur les réalités. Ce sort  dépend, en fait, d’une foule de facteurs ambigus  qui confinent  le débat d’idées dans un rôle de sombre figurant. C’est dire que, contrairement à ta subtile insinuation, le titre d’ancien secrétaire d’Etat que je revendique  n’implique nullement, de ma part, une quelconque condescendance.
Au demeurant, cette revendication qui semble, à la fois, susciter chez toi un sentiment sincère d’admiration mêlé à une certaine perplexité n’a rien à voir avec celle des ’’hauts fonctionnaires de Vichy’ et heureusement, d’ailleurs, que sur ce point tu as, au moins, pris le soin de ne pas «revendiquer la pertinence complète de la comparaison». 
  En effet, quelque soit la gravité des griefs, légitimes ou non, que l’on peut avoir contre  un pouvoir national, il  me parait  assez injuste de  confondre 
celui-ci avec des autorités d’occupation.
 En tout cas, pour une nation  comme la notre incarnée par un Etat dont les frontières  ont été tracées  en piétinant les dépouilles des résistants  et qui a été conçu dans une intime collaboration avec le colonisateur ,il serait, quelque part,  hasardeux d’avancer sur ce terrain.
De toute manière et sans vouloir m’étendre  sur la question controversée et largement débattue du bilan du régime de Maouiya  que tu compares à celui du maréchal Pétain, je suis navré de te signaler qu’au vu des libres élections qui viennent de s’achever, l’ancienne opposition  s’est révélée bien minoritaire dans l’échiquier politique du pays.
 Les scores des partis (y compris le tien) issus de cette opposition ont été, dans la plupart des cas, obtenus grâce à l’appui massif et onéreux  des symboles du régime que tu décries.
Par-delà ces  alliances suspectes que tu  peux mettre sur le compte de la tactique ou sur celui d’une docte analyse du vote identitaire, la «principale contradiction» apparaît dans cette  logique par laquelle tu jettes l’opprobre sur les nombreux «collabos» adeptes  de «la continuité de l’Etat» tout en proposant un compromis qui a les  allures d’une compromission avec les réalités.
Mais je dirai, pour être positif, que cette élasticité s’inscrit dans la vision consensuelle que tu prêches. Il faut, d’ailleurs, avouer qu’une telle vocation n’est pas nouvelle.  Il y’a quelque années,  elle a été revendiquée, à leurs risque et péril, par «mes anciens camarades» et  nos amis communs de l’union des forces du progrès.
Il reste, cependant, à préciser que les contours de ce consensus n’ont jamais été, réellement, explicités. A cet effet, il faudrait , peut être, dépasser un  certain  état d’esprit, assez répandu, qui se manifeste par  le nihilisme et  la démagogie des uns en guise de réponse à «l’anathème et à l’exclusive» des autres.
Dans ce dernier registre, j’ai effectivement, en vertu de la loi portant code de la nationalité, dénié  à Bilal, le héros de ton roman, le droit de faire la politique en Mauritanie. Comme tu l’as si bien remarqué, Ce qui me gêne le plus,  c’est que dans cette histoire,  tu  as été d’une singulière sincérité.
A en croire ce que tu as écrit, à ce  sujet, une loi aussi «stupide qu’injuste» ne saurait  t’engager. Ta protestation est d’autant plus compréhensible qu’au vu d’une fâcheuse complaisance, les dispositions légales relatives à la nationalité sont rarement  invoquées dans le débat public.
 Je trouve, néanmoins,  regrettable qu’une certaine élite censée promouvoir le très consensuel «Etat de Droit» se moque, en fait, de  l’esprit des lois.


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