Un message au premier tour: Par Abdel Kader Ould Mohamed, juriste, ancien secrétaire d’Etat.   
24/11/2006

Les dépêches  relatives aux résultats partiels des élections législatives et municipales font état d’un notable sucés  «des forces du changement ». Cette charmante nouvelle  qui a fait le tour du monde serait, pour de nombreux observateurs, le principal message de ce premier tour. Pourtant au-delà des chiffres avancés, se cache une appréciation inexacte  des mots.



Il semble, d’ailleurs, que dans la préparation de ce scrutin, qui s’est déroulé dans de bonnes conditions de sécurité et de transparence, le langage politique a brillé  aussi bien par son absence que par son opacité. 
En outre, la confusion des genres qui découle «d’une urgente lecture» à des fins médiatiques et, même, souvent pour les besoins de la propagande, n’est pas de nature  à faciliter une compréhension des enjeux réels de l’actuelle compétition.
 Or il faudrait bien , au risque de heurter la sensibilité   de ceux qui revendiquent, avec un ton euphorique, ce succès, jeter un regard sur la nature  des forces qui ont été mises à contribution pour réaliser le changement annoncé.
 Mise à part la percée, assez limitée, des islamistes et la confirmation, en nette régression, d’un vote urbain, protestataire et anonyme  qui a toujours profité aux  figures emblématiques de la contestation, il est permis de constater  que les principales formations de la coalition  pour le changement, laquelle, par la voix de ses sympathisants exaltés, se prend pour un «cartel des gauches», doivent, et à quel prix ?!, leur poids à un vote des plus conservateurs.
Pire, en plus de cette flagrante contradiction qui fait que les  pratiques clientélistes décriées dans «le programme commun»du  cartel ont  été  déterminantes dans le prétendu succès, ce premier tour aura été marqué par l’émergence d’une forte tendance  régionaliste  favorisée par «des démocrates» qui se réclament d’une ambition nationale porteuse d’un projet de société.
Dans de nombreux cas, le vote démocratique a été, comme il se doit, une occasion rêvée pour des confédérations tribales de renouer, sournoisement ,  avec des antiques rivalités et, au passage, pour permettre à des hommes politiques abîmés de régler des vieux comptes. Peu importe l’ancrage idéologique des leaders d’opinion ou le programme politique des partis, l’essentiel est de négocier, au bout d’un pragmatisme bien ancré dans les mentalités, un rôle  dans la configuration du moment.
Il est bien facile d’objecter à ce constat que l’exercice de la politique implique une prise en compte des réalités mais  il est, autrement plus difficile pour  la plupart «des coalisés», qui ont légitimé le recours aux pratiques décriées tout en les dénonçant, de donner au discours relatif au changement, la moindre crédibilité.
 C’est, précisément, à ce niveau  que  la noble ambition du changement a  été dévoyée par l’obsession démesurée du pouvoir. Au vu des résultats du premier tour, cette ambition souffre manifestement de l’éclatement, de la duplicité et  contient, en son sein  les germes de la déception. A cet égard, il  convient de remarquer que la plupart des formations politiques qui ont été, à la suite d’un tapage médiatique sans précédant, rattachées à  la fracassante ambition du changement,  se  sont déjà révélées , au mieux, des fictions romantiques et, au pire, des  alliances tribalo régionales mues par des intérêts locaux.
 S’il faut, néanmoins, reconnaître que le principal acquis de cette promesse tenue réside, finalement, dans  la préservation, tout au long de la campagne et du  scrutin, de la paix civile, il faut garder à l’esprit que le message profond que les Mauritaniens ont envoyé, au premier tour, tient au fait indéniable qu’ils sont, à présent, profondément divisés voire, passionnément désunis.
Dans la carte éclatée qu’ils ont tracée par leurs sentiments, on ne peut plus, divergents,  ils ont quelque part, lancé un appel  à un homme qui serait à la mesure de leur destin commun. Celui-ci devrait, forcément, se situer au-delà de l’ombre  qui plane sur  un  paysage politique plus que jamais transformé en multitude confuse. Il devrait malgré ou à cause des pouvoirs exorbitants que la constitution lui confère, et dans l’intérêt de la Mauritanie, se placer en juste arbitre au dessus de tous les partis et de tous les indépendants.


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