En 10 ans, les ex-fermiers blancs du Zimbabwe ont refait leur vie en ville   
19/02/2010

Chassé de ses terres lors des violences contre les fermiers blancs déclenchées il y a 10 ans au Zimbabwe, John Browning survit en faisant des rondes de nuit dans une usine alimentaire de Harare. "A 73 ans, personne ne devrait travailler de nuit. Mais est-ce que j’ai le choix ?", soupire le vieil homme.



"Il n’y a rien de pire que d’être sans le sou." Au cours de la décennie, plus de 4.000 des 4.500 agriculteurs blancs du Zimbabwe ont été dépouillés de leurs fermes, occupées par les vétérans de la guerre d’indépendance (1972-1979) ou prétendus tels, avec le soutien du régime du président Robert Mugabe. Les plus âgés ont eu du mal à s’en remettre. Mais trentenaires et quadras ont reconstruit leur vie dans les centres urbains du pays, où ils sont devenus mécaniciens, bouchers ou chefs d’entreprise. Dans l’ensemble, "les gens ont atteint un stade où ils veulent laisser cet épisode derrière eux", assure Hendrik Olivier, directeur du syndicat des fermiers commerciaux (CFU, qui représente surtout les fermiers blancs). Même John Browning veut aller de l’avant. "Il ne faut pas rester amer, sinon ça vous mange", dit-il. Pourtant l’expérience a été "horrible", confie John Saunders, en se remémorant le jour où un groupe de vétérans, qui occupaient son exploitation depuis un an et demi, ont menacé de s’en prendre à sa fille de 5 ans. "En dix minutes, on était parti." Fin février 2000, le président Mugabe avait lâché ses fidèles sur les exploitations de la minorité blanche, qui détenaient alors 70% des meilleures terres du pays. Officiellement, il s’agissait de corriger les inégalités héritées du passé colonial, vingt ans après l’indépendance. En fait, la population venait de rejeter par référendum un projet de Constitution prévoyant d’accroître les pouvoirs du chef de l’Etat. Qualifiés d"ennemis" par Robert Mugabe, les Blancs étaient érigés en boucs émissaires d’un régime en perte de popularité. La majorité des expulsés a malgré tout décidé de rester au Zimbabwe, où les intimidations contre les derniers fermiers se poursuivent jusqu’à ce jour. "J’ai ce pays dans la peau, je ne pourrais vivre nulle part ailleurs", explique Nigel Saunders. Certes, il a d’abord envisagé un exil "par peur et par colère". "Mais une fois arrivé en ville, loin des vétérans, j’ai pris de la distance", poursuit-il. Là, il réalise que la majorité de la population ne soutient pas la "réforme agraire", avec son cortège de chaos, de violences et de pénuries. "Les gens ordinaires sont des gens bien", affirme-t-il, ajoutant que l’entraide au sein de la communauté blanche a également été capitale. Lui est ainsi logé pour un loyer dérisoire chez un ami parti à l’étranger. Quant à John Browning, qui se dit "inemployable", il a été recruté par un ancien fermier devenu entrepreneur. Depuis deux ans, Nigel Saunders est employé par une association allemande pour former les petits agriculteurs noirs dans les terres communales du pays. "Content de partager" son savoir-faire, il assure lui aussi "être tourné vers l’avenir." "Je veux voir ce pays remis sur pied. Partager mon expérience ne peut qu’aider." Mais une question reste en suspens, selon Hendrik Oliver: "celle des compensations financières", dont le président Mugabe renvoie la responsabilité à l’ancienne puissance coloniale britannique. Pour le syndicaliste, "c’est le seul point qui empêche les fermiers de tout oublier."

 


Toute reprise totale où partielle de cet article doit inclure la source : www.journaltahalil.com
Réagir à cet article
Pseudo
E-mail
Commentaire
Entrer le code
La rédaction de Tahalil vous demande d'éviter tout abus de langage en vue de maintenir le sérieux et de garantir la crédibilité de vos interventions dans cette rubrique. Les commentaires des visiteurs ne reflčtent pas nécessairement le point de vue de Tahalil et de ses journalistes.
Les commentaires insultants ou diffamatoires seront censurés.

TAHALIL 2006-2022 Tous droits reservés