Attaques à l’engin explosif improvisé, tirs de roquettes, attentats meurtriers: les jihadistes signent leur retour en force dans le nord du Mali, d’où ils avaient été chassés en grande partie par une opération militaire internationale lancée par la France en janvier 2013.
"Ça n’est plus un contexte de maintien de la paix", a reconnu mardi le chef des opĂ©rations de maintien de la paix de l’ONU, HervĂ© Ladsous, venu Ă Bamako Ă la suite de l’attaque la plus meurtrière depuis le dĂ©ploiement des forces internationales en juillet 2013, dans laquelle ont pĂ©ri neuf militaires nigĂ©riens. Grâce Ă l’opĂ©ration anti-jihadiste française Serval Ă laquelle se sont joints des soldats africains, "il n’y a plus ces terroristes Ă Gao, Kidal et Tombouctou", chefs-lieux des trois rĂ©gions administratives du nord du Mali, a affirmĂ© Ă l’AFP Oumar Diarra, du gouvernorat de Tombouctou, joint par tĂ©lĂ©phone. "Mais ils sont revenus et ont mĂŞme renforcĂ© leurs positions" dans d’autres zones du Nord, oĂą les populations vivent dĂ©sormais dans "la crainte", dĂ©plore-t-il. En septembre, un civil touareg enlevĂ© près de Tombouctou en mĂŞme temps que quatre membres de sa famille - ensuite relâchĂ©s - a Ă©tĂ© dĂ©capitĂ©. Selon ses proches, il a Ă©tĂ© tuĂ© par des membres d’Al-QaĂŻda au Maghreb islamique (Aqmi), qui le soupçonnaient d’être un informateur des forces internationales. Trois groupes jihadistes, Aqmi, Ansar Dine et Mouvement pour l’unicitĂ© et le jihad en Afrique de l’ouest (Mujao), ont contrĂ´lĂ© les rĂ©gions du Nord pendant près d’un an entre 2012 et 2013, avant d’en ĂŞtre en grande partie repoussĂ©s par l’intervention militaire internationale, toujours en cours. Ils y demeuraient nĂ©anmoins actifs, commettant rĂ©gulièrement des opĂ©rations meurtrières. Mais l’insĂ©curitĂ© y a Ă©tĂ© "aggravĂ©e par l’insuffisance des forces de sĂ©curitĂ© prĂ©sentes sur le terrain", selon le dernier rapport de l’ONU sur la situation au Mali, datĂ© du 22 septembre. "Noeud gordien" du problème, selon un ancien ministre malien: Kidal, fief de rebelles touareg oĂą l’Etat malien n’a jamais rĂ©ussi complètement Ă reprendre pied. Il y a mĂŞme rĂ©gressĂ© depuis la dĂ©faite de l’armĂ©e en mai face Ă des combattants essentiellement touareg et arabes qui en ont profitĂ© pour Ă©tendre leur contrĂ´le Ă d’autres localitĂ©s.
’Lien avec la Libye’ En outre, la France a basculé en juillet sa force Serval sur Barkhane, une opération plus large de lutte contre le jihadisme avec 3.000 soldats mobilisés au Sahel. La mission de l’ONU au Mali, la Minusma, comptait au 1er septembre près de 9.300 militaires et policiers essentiellement déployés dans le Nord. L’armée malienne ne fournit pas de chiffre sur ses troupes, qu’une source à la Minusma évalue à "un millier" d’hommes "dans une partie des régions de Mopti (centre), Tombouctou et Gao". Selon des sources concordantes, plusieurs centaines de jihadistes sont aujourd’hui sur le terrain, alors qu’auparavant ils se cachaient. Hervé Ladsous a confirmé mardi "une recrudescence qui est le résultat de la diminution progressive du dispositif Serval mais aussi du retrait pour l’essentiel de l’armée malienne du nord du Mali". Il voit aussi "probablement un lien avec la situation dans le sud de la Libye", devenu sanctuaire de groupes islamistes radicaux auprès desquels les jihadistes opérant au Mali "ont repris du poil de la bête et ont réacquis des équipements". Les jihadistes ciblent en particulier les forces internationales, qui compte plus de 30 morts, dont 20 depuis début septembre, et des dizaines de blessés, victimes d’explosions d’engins artisanaux ou de mines, de tirs de roquettes ou d’attentats suicides. L’attaque du 3 octobre contre les Casques bleus nigériens a été revendiquée par un jihadiste malien proche du Mujao. Mardi soir, un Casque bleu sénégalais a été tué par des tirs sur le camp de la Minusma à Kidal. Aucune revendication n’a été enregistrée mais des sources diplomatiques et militaires ont fait état à l’AFP de menaces d’attaques d’Iyad Ag Ghali, chef d’Ansar Dine. La situation "doit interpeller la communauté internationale sur la nécessité de faire face au terrorisme", a déclaré à l’AFP le ministre des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop, relevant que ces violences coïncidaient avec la reprise des pourparlers à Alger entre le gouvernement et six mouvements armés du Nord. Facilitateurs et ONU réclament des progrès et invitent les groupes armés à collaborer au retour de l’apaisement. "Tous les experts reconnaissent qu’il existe des passerelles entre les différents groupes armés", qu’ils soient jihadistes ou non, assure un haut responsable gouvernemental malien.
AFP
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