Reportage: Thieb-thieb, quand tu nous tiens   
13/12/2007

Tieb-thieb, voici un mot d’origine bien mauritanienne. Qui l’a inventĂ© ? C’est une question Ă  laquelle il serait bien difficile de rĂ©pondre. Il est tout aussi aventureux de vouloir dĂ©finir ce mot fourre-tout qui renvoie tout de mĂŞme Ă  toute activitĂ© exercĂ©e dans un cadre informel et qui contourne les normes. Dès cet instant, le thieb-thieb trempe dans les eaux troubles de l’illĂ©galitĂ©. Mais qu’à cela ne tienne, puisque tout le monde s’y adonne, pourquoi s’en priver ?



Le marchĂ© thieb-thieb, le si bien nommĂ©, est donc le cadre idĂ©al oĂą s’expriment les fruits des magouilles et les petites combines de certains citoyens mais c’est aussi, le lieu oĂą s’écoulent les butins des caĂŻds patentĂ©s. Toutefois, sur place, on y rencontre aussi des surprises. Impossible n’est pas mauritanien tant qu’existera le thieb-thieb, affirment certaines personnes pour se donner du courage et exorciser un Ă©ventuel Ă©chec devant les labyrinthes de l’administration, ce, pour l’obtention d’un document. Vous voulez vous faire un peu d’argent pendant vos heures de loisirs afin de dĂ©passer sereinement le cap fatidique du 15 du mois si meurtrier pour les fonctionnaires ? Pas de problème ! Mettez-vous au thieb-thieb. En d’autres termes, trouvez-vous un job aussi dĂ©calĂ© soit-il des aptitudes que vous confèrent vos diplĂ´mes quitte Ă  tordre le coup aux règles morales, sociales, dĂ©ontologiques et de tout ce qu’on veut. Le principal est de rĂ©cupĂ©rer quelques sous pour tenir le coup de la marche forcĂ©e du quotidien. Cette trouvaille est donc mauritanienne. S’il y en a qui s’en dĂ©marquent, ils ne sont pas lĂ©gion. Le gros de la troupe s’en accommode très bien car beaucoup y trouvent leur compte. C’est cette quasi permissivitĂ© qui a conduit Ă  la naissance du marchĂ© thieb-thieb situĂ© au nord du marchĂ© central de Sebkha. Cette place Ă©tait en fait, un terrain vague communĂ©ment appelĂ© : «marchĂ© noir» Il a hĂ©ritĂ© de ce nom du fait que l’endroit Ă©tait le lieu connu de tout Nouakchott oĂą l’on pouvait se procurer toutes sortes d’objets Ă  bas prix, des devises Ă©trangères avant l’explosion que l’on connaĂ®t aujourd’hui. Sur place, l’on trouvait aussi tous les produits dont la vente est prohibĂ©e, du genre, revues et films pornographiques, prĂ©servatifs et mĂŞme des boissons alcooliques. C’est pourquoi, le milieu Ă©tait infestĂ© de truands et de loubards aux mines patibulaires. Ils y rĂ©gnaient en maĂ®tres absolus. Aussi, pour certains, passer Ă  cĂ´tĂ© de ce lieu donnait la chair de poule. En fait, un fait est notable depuis que le marchĂ© s’est fait appeler thieb-thieb, il a acquis un semblant d’honorabilitĂ©. Le terrain nu a depuis, Ă©tĂ© mis en valeur pour se doter de boutiques qui se spĂ©cialisent en vente de matĂ©riels de construction, d’électricitĂ© et d’audio visuel.. Par ailleurs, une partie de l’espace a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©e pour devenir le fief de marchands d’un genre nouveau : les revendeurs de mobilier d’occasion. En effet, depuis quelques annĂ©es, les habitants de ce pays ne jettent plus rien et ne font plus de cadeaux aux moins bien lotis. Les vieux matelas des salons ainsi que les tapis, finissent bradĂ©s aux revendeurs plutĂ´t que de tomber entre les mains du parent necessiteux. La conjoncture Ă©conomique est passĂ©e par lĂ  ! D’autres boutiques offrent Ă©galement de la brocante, de vielles pièces de rechange. Plus curieux, c’est la prĂ©sence de femmes, debout, formant une haie, et proposant des vĂŞtements. Les temps changent. LĂ , ce sont des agneaux qui sont exposĂ©s. Quatre agneaux de lait sont couchĂ©s et attendent d’être cĂ©dĂ©s Ă  des acquĂ©reurs. Tout cela est nouveau et si diffĂ©rent du rĂ©el visage que prĂ©sentait ce lieu. En dĂ©pit de cette nouvelle configuration, le cĹ“ur de l’ancien marchĂ© noir bat encore. En effet, dans une sorte de ravin qui sĂ©pare les deux parties construites du lieu, on note une marĂ©e humaine compacte et très bruyante oĂą chaque individu tient Ă  la main et propose, qui, une montre, qui, un tĂ©lĂ©phone mobile, des chaussures, des poste radio et toutes sortes d’articles. Ça nĂ©gocie, ça marchande ferme. A cet endroit prĂ©cis, l’on peut difficilement rester zen. Les frĂ´lements des uns et les regards fixes des autres appellent Ă  rester sur ses gardes pour ne pas se voir dĂ©pouiller proprement. Les voyous sont prĂ©sents partout et vous font monter l’adrĂ©naline au quart de tour. Quelque part, l’on se dit que le bon vieux marchĂ© noir est encore opĂ©rationnel. On pourrait encore s’y rendre pour acheter moins cher mais certainement plus pour retrouver le poste tĂ©lĂ©viseur qu’on nous a volĂ© la nuit d’avant. En effet, il est loin le temps oĂą l’on pouvait voir une personne prendre au collet un voleur ou son receleur. Les premiers ne s’y prĂ©cipitent plus pour se dĂ©barrasser de leur butin, les seconds y rĂ©flĂ©chissent Ă  deux fois avant d’acheter les dits butins. Tout ce beau monde a Ă©voluĂ©. C’est l’effet thieb-thieb. D’autre part, l’existence de ce no man’s land en ce lieu ne peut et ne doit plus perdurer. En effet, ils coincĂ© entre deux Ă©coles fondamentales. L’une, publique l’autre privĂ©e. MalgrĂ© la proximitĂ© d’un commissariat de police, ça n’est pas certainement pas le voisin idĂ©al pour ces chĂ©rubins.
Biri N’Diaye


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