La nouvelle charge d’Ely Ould Mohamed Vall   
01/09/2014

InvitĂ© d’une Ă©mission  de  la «Radio Libre de Nouakchott» la soirĂ©e du 31 aoĂ»t  l’ancien prĂ©sident Ely Ould Mohamed (2005-2007)  a rĂ©pondu deux heures durant aux questions du journaliste Mohamed Mahmoud Ould Aboulmaaly,  et lancĂ© une nouvelle  charge contre le pouvoir.



Dans un Hassaniya  parfois secouru  par  des  expressions  de la langue  Française,  l’ancien prĂ©sident a repondu avec passion  sur  sa prolixitĂ© après son  mutisme , sur la transition 2005-2007, le coup d’Etat du 6 aoĂ»t 2008,  celui de 2005,  et  le «saut vers l’inconnu», annoncĂ© rĂ©cemment dans ses sorties mĂ©diatiques, devenues de plus en plus rĂ©gulières . 

Il  est Ă©galement revenu   sur   sa comparaison de l’ArmĂ©e  aux milices,  sa prĂ©sentation du prĂ©sident Aziz en rebelle, les  informations  sur d’éventuelles poursuites contre lui par le ministère de la DĂ©fense,  ainsi que l’histoire du fameux bateau coulĂ© au SĂ©nĂ©gal avec une cargaison  d’armes,  auquel des medias l’ont liĂ©.

Ould Mohamed Vall a rĂ©pondu  aussi,  Ă  des questions relatives Ă   la dĂ©tĂ©rioration de ses relations avec le prĂ©sident Aziz,  Ă   la partialitĂ©  du ComitĂ© Militaire pour la Justice et la DĂ©mocratie (CMJD ) lors de la prĂ©sidentielle de 2007, aux  influences exercĂ©es  sur des notables et des parlementaires.

Il a Ă©ludĂ© des  questions sur le tir de Tweila,  les enregistrements d’Accra  avant de  retrouver sa superbe avec des sujets  ayant trait Ă  des  lignes rouges tracĂ©es durant la transition 2005-2007 (IsraĂ«l, passif humanitaire, islamistes)  et sur  sa relation avec le «projet  Aladin pour la mĂ©moire de la shoah», ainsi que  son patrimoine personnel,  les accusations de corruption relatives aux affaires de Woodside et la licence Chinguitel  et enfin,  sur le dernier congrès des Flam.

«Je ne me suis  jamais tu. Mes  positions sont en fonction des contextes »  a-t-il dit pour justifier  le   mutisme constatĂ© par les observateurs, avouant d’ailleurs  avoir  dit en avril 2007 ne pas souhaiter que des conditions le poussent Ă  revenir sur scène.  Ces conditions ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es, selon lui, par le  putsch du 6 aoĂ»t 2008 qu’il assimile Ă  une «rĂ©bellion personnelle » suivie par une deuxième rĂ©bellion avec le blocage de la mise en Ĺ“uvre  l’Accord de Dakar durant plus de 20 jours .

Ould Mohamed  Vall a affirmĂ© qu’il n’était pas favorable Ă  la participation Ă  la prĂ©sidentielle de 2009,  qu’il a mĂŞme reçu ses propres rĂ©sultats 3 jours avant le scrutin, mais qu’il s’est quand mĂŞme prĂ©sentĂ© pour que les Mauritaniens ne puissent un jour lui dire : vous nous avez tournĂ© le dos, vous avez refusĂ© de nous donner une alternative.  Et que sitĂ´t le scrutin tenu,  il a organisĂ© une confĂ©rence de presse chez lui  pour demander aux Mauritaniens de refuser la «rĂ©bellion personnelle»  d’un officier limogĂ© par un prĂ©sident Ă©lu qui s’est permis de l’arrĂŞter pour exiger qu’il revienne sur sa dĂ©cision .
OĂą est-elle donc la rectification,  s’est-il exclamĂ© !

Mais il y avait une crise avec les dĂ©putĂ©s,  lui  a dit ,  le journaliste. 
RĂ©ponse d’Ely : Â«Alors quel rapport entre un officier chargĂ© de la sĂ©curitĂ© prĂ©sidentielle  et des dĂ©putĂ©s? C’était une rĂ©bellion. C’est dĂ©bile et minable de l’accepter. »

Relance du  journaliste : le putsch de 2005, n’était-il pas une rĂ©bellion ?
Pas du tout -rĂ©torque Ely- les contextes Ă©taient bien diffĂ©rents : le putsch de 2008 est intervenu après des Ă©lections unanimement chantĂ©es par les Mauritaniens, les Arabes ,les Africains et les Occidentaux , celui de 2005 est venu alors que le pays Ă©tait Ă  bord de la guerre civile, un consensus national  s’est dĂ©gagĂ© et une amnistie a Ă©tĂ© dĂ©crĂ©tĂ©e.

Il n’y a pas de prisonnier politique actuellement, glisse le journaliste. Ould Mohamed Vall rĂ©plique aussitĂ´t : Â«Les bases des libertĂ©s ont Ă©tĂ© jetĂ©s avant 2008,  ce qu’il ya eu par la suite,  c’est juste des petits colmatages, ce qu’il y a maintenant,  c’est une pagaille gĂ©nĂ©ralisĂ©e dĂ»e  Ă  la faiblesse du rĂ©gime.»

InterrogĂ© sur le saut vers l’inconnu dont il a parlĂ© dans des rĂ©centes sorties,   Ely s’engage dans une vitesse supĂ©rieure :  «Le chef du rĂ©gime est un rebelle sans lĂ©gitimitĂ©, le SĂ©nat et l’AssemblĂ©e nationale sont illĂ©gaux, les Ă©lections organisĂ©es sont unilatĂ©rales, la prĂ©sidentielle a vu la participation de seulement  20% des Mauritaniens,  la justice est domestiquĂ©e,  les institutions des coquilles vides, il n’y a pas de rempart,  pas de perspectives,  il n’ y a que les rĂ©fĂ©rences aux ethnies, aux races et aux clans.»

Vous avez comparĂ© l’armĂ©e mauritanienne Ă  des milices demande Aboulmaaly Ă  Ely Ould Mohamed Vall , lequel,  après une allusion Ă  des Ă©crits  signĂ©s par des plumes au service du pouvoir  qui reçoivent ,selon lui, des articles emballĂ©s ayant  parfois plusieurs signataires,   revient Ă  la question : « Je n’ai aucun complexe avec l’ArmĂ©e,  j’y servi  depuis 1966 Ă  l’âge de 12 ans. Jeune lieutenant , j’ai Ă©tĂ© envoyĂ© Ă  Bir Moghrein deux jours après mon retour de Meknès (Maroc)  et j’y suis restĂ© jusqu’à juillet 1978, je dormais sur une roue de Land-rover. Ce que j’ai dit,  c’est par jalousie sur l’ArmĂ©e. »
 Et de renchĂ©rir : «J’ai dit que des agissements ont transformĂ© l’ArmĂ©e en milices car la hiĂ©rarchie a Ă©tĂ© inversĂ©e avec des avancements  hors norme et le rebelle (allusion Ă  Aziz ) est devenu gĂ©nĂ©ral en dehors des critères. »
C’est le prĂ©sident Sidi Ould Cheikh Abdellahi qui l’a nommĂ© gĂ©nĂ©ral  lui prĂ©cise  le journaliste. «Il a Ă©tĂ© conditionnĂ©,  il a Ă©tĂ© trompĂ©,  il n’y a pas eu  de mĂ©rite,  ni d’anciennetĂ©,  l’ArmĂ©e le sait,  c’est douloureux et dangereux »,  rĂ©pond Ely Ould Mohamed Vall.
Le journaliste revient Ă  la charge : Pourtant l’armĂ©e mauritanienne est la meilleure dans la sous rĂ©gion. «L’habit ne fait pas le moine»,  lui lance Ely.

InterrogĂ© sur les  poursuites judiciaires dont il peut faire l’objet pour diffamation de l’ArmĂ©e, Ely indique  qu’il pèse ses mots,  que ce n’est pas la première fois qu’il est menacĂ©,  qu’il n’a pas peur. «Qu’ils apportent la preuve que ce que je dis est faux , au lieu des menaces et de l’instrumentalisation de quatre chaines de tĂ©lĂ©vision et de trois cellules pour  les insultes. Ils perdent leur temps et doivent plutĂ´t rechercher les solutions. »

A une question relative  au bateau coulĂ© au SĂ©nĂ©gal en transportant des armes,  Ely Ould Mohamed Vall ne cache pas son exaspĂ©ration :  «On  n’a jamais trouvĂ© mes traces dans des choses minables (chi roueykhi), ce sont des articles diffusĂ©s par le rĂ©gime  comme quoi je suis en train de faire venir des armes pour faire imploser la Mauritanie . »
Et de poursuivre : « Ce sont eux qui veulent faire imploser la Mauritanie,  moi j’ai veillĂ© sur le pays en 78, 84, 2003, 2004 et 2005. »
Et il assène : «Ils ont coulĂ© un pays,  ils peuvent bien couler un bateau,  ce sont eux qui envoient des bateaux dans le dĂ©sert Ă  Gao , Tombouctou.  L’affaire du bateau est prise en charge par la marine française et par deux pays le SĂ©nĂ©gal et le Mali, c’est une affaire internationale. Pourquoi s’empressent-ils avant les rĂ©sultats de l’enquĂŞte ? »
«C’est de la pauvretĂ© intellectuelle,  de la faiblesse en matière d’action et du mĂ©pris pour les Mauritaniens auxquels ils ont l’habitude de lui faire tout avaler.»,  martèle-t-il.

Sur la dĂ©tĂ©rioration des relations avec le prĂ©sident Aziz,  l’ancien prĂ©sident souligne qu’il n’ya pas de diffĂ©rend personnel,  qu’il s’agit de questions nationales. Sur un autre plan,  il a affirmĂ©  qu’il ne connait pas Sidi Ould Cheikh Abdellahi , lequel, avait dit qu’il ne le connait pas, non plus. Ould Mohamed Vall  a ajoutĂ© que le CMJD n’avait pas officiellement de candidat Ă  la prĂ©sidentielle de 2007, et que si soutien il y eut , c’était sous la table. Il a  dĂ©fendu son plaidoyer pour  le bulletin blanc tant dĂ©criĂ© en 2007, soulignant qu’il  Ă©tait pourtant une option d’expression  dĂ©mocratique pour ceux qui ne voulaient pas des candidats en lice, Ă  l’époque.
Soulignant ĂŞtre très proche de la famille du prĂ©sident Aziz,  il a indiquĂ© ĂŞtre venu leur  prĂ©senter ses condolĂ©ances Ă  la mort de leur fils de Ahmedou Ould Abdel Aziz,   mais qu’il ne pouvait rendre visite au prĂ©sident Aziz après sa blessure consĂ©cutive au tir de Tweila (octobre 2012) en raison du contexte et des interprĂ©tations qui en seront faites.
Et pourquoi ne lui avez-vous pas tĂ©lĂ©phonĂ© lui  a demandĂ© le journaliste . « Moi je viens, je ne tĂ©lĂ©phone pas»,  s’est-il vu rĂ©pondre.

Et l’esquive se poursuit. «Je ne veux pas parler de l’incident de Tweila,  ni des enregistrements d’Accra  car je ne veux pas parler de sujets sur lesquels je n’ai pas d’informations prĂ©cises.»

Puis les questions pleuvent.  D’abord sur les indĂ©pendants suscitĂ©s durant la transition 2005-2007, lĂ , Ely dit n’avoir pas encouragĂ©,  ni dĂ©couragĂ© l’initiative.  Les relations avec IsraĂ«l ? Il tient Ă  prĂ©ciser qu’il n’est pas  Ă  l’origine de leur Ă©tablissement mais qu’il a eu Ă  refuser une injonction de Kadhafi appelant Ă  leur rupture,   puis,  que leur rupture en 2009  n’est  pas survenue au nom de l’intĂ©rĂŞt national,  mais sur pression extĂ©rieure et pour un intĂ©rĂŞt personnel.

Et l’appartenance au projet Aladin ?
Réponse de l’ancien président : « C’est une institution au service du dialogue entre les religions. Je n’ai pas de complexe avec l’arabité et j’ai toujours défendu la cause palestinienne. »

Concernant le refus de l’autorisation d’un parti islamiste  Ely  souligne que cette question  a Ă©tĂ© laissĂ©e au Gouvernement  qui allait ĂŞtre   Ă©lu en 2007 et que lui (au moins) les la laissĂ© se prĂ©senter aux Ă©lections (de novembre 2006)  en indĂ©pendants.

Certains disent que vous ĂŞtes riches,  que vous avez de l’immobilier, des fours , d’oĂą avez-vous eu cela ?  lui a demandĂ© le journaliste.
«J’entends des voleurs Ă  visages d’acier,  en parler. Je n’ai ramenĂ©  aucune ouguiya de la  prĂ©sidence, je n’ai aucune brique Ă  l’étranger et je peux justifier l’origine de  mon patrimoine.»

A la question :  on parle de 100 millions de Woodside et de la licence Chinguitel,  Ely contre-attaque : «Ils parlent de 450 millions de dollars,  mais c’est bizarre, on accuse quelqu’un d’un  si grand dĂ©tournement et on le laisse libre,  alors que des gens sont malmenĂ©s (youmelghou)  pour des affaires de 1 millions. »
Et l’ancien prĂ©sident de dĂ©fendre son bilan :  «Woodside ne respectait pas  certains engagements,  il y a eu un arbitrage international,  j’ai mobilisĂ© 17 avocats dirigĂ©s par Me Ould Mohamed Saleh,  elle a reconnu les faits et payĂ© 100 millions de dollars versĂ©s Ă  la BCM.  Quand Ă   l’affaire de Chinguitel, elle  a Ă©tĂ© pilotĂ©e par trois hommes qui peuvent tĂ©moigner que je n’ai menĂ© aucune interfĂ©rence : Sidi Ould Tah l’actuel MAED,  c’est lui qui a amenĂ© Chinguitel,  Sidi Mohamed Ould Boubacar (ancien Premier ministre)  et Moustapha Ould Cheikh Mohamedou (ancien prĂ©sident de l’AutoritĂ© de RĂ©gulation). Chinguitel a payĂ© 100 millions de dollars et investi 100 millions. Tout cela,  c’est de la mesquinerie (dheu eula emn elkhazou) ».

A une dernière question relative au congres tenu par les Flam Ă  Nouakchott,  Ely Ould Mohamed Vall s’est dit opposĂ© Ă  toute atteinte Ă  l’intĂ©gritĂ© et l’unitĂ© du pays  et dĂ©noncĂ© le manque d’intĂ©rĂŞt accordĂ© aux questions essentielles. 

Plusieurs questions importantes n’ont cependant pas Ă©tĂ© posĂ©es au prĂ©sident Ely notamment sur son degrĂ© d’implication dans la prĂ©paration et la mise en Ĺ“uvre du putsch  du 3 aoĂ»t 2005, sur les conditions dans lesquelles il a Ă©tĂ© portĂ© Ă  la tĂŞte du CMJD, sur l’accusation de lotissement en sa faveur de l’ancien «palais du peuple», sur sa position  si les auteurs du putsch du 6 aoĂ»t 2008 avaient dĂ©cidĂ© de le porter Ă  la tĂŞte de leur Haut Conseil d’Etat (HCE) et enfin,  s’il reconnait , au moins,  un seul mĂ©rite au pouvoir actuel.
IOMS



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