Une vidéo de 24 mn d’Iyad ag Ghali titrée «Lettre à la Oumma Islamique», signée le «bureau médiatique d’AnsarDine» et présentée comme ayant été tournée durant le ramadan 2014 a été postée le 5 août sur Youtube , avec un «compte Aqmi», a-t-on constaté.
Elle est restée dans la ligne des vidéos jihadistes, en termes de scénographie, et d’ éléments de langage: une bâche pour masquer le lieu, un drapeau jihadiste à droite, le communicateur au milieu, l’AK 47 à gauche, les sourates du Coran et le ton connu contre la nouvelle «croisade» menée contre les musulmans et l’obligation de l’affronter, le tout, entrecoupé de «gospels» salafistes et de scènes voulues significatives .
Supprimée par Youtube la soirée du 9 août, elle fut la première sortie d’Iyad ag Ghali qui n’a pas montré les moyens de ses ambitions déclarées et a évité de revendiquer l’indépendance ou l’autonomie de l’Azawad, se limitant à exiger sa libération des «croisés» ainsi que l’application de la Charia .
Iyad s’y est exprimé en arabe classique occultant le Tamasheq comme s’il voulait s’adresser à la nébuleuse jihadiste plutôt qu’aux populations de l’Azawad . La sortie intervient après un long silence de l’intéressé qui s’est exprimé la dernière fois, après d’impressionnantes manœuvres militaires d’Ansardine et d’Aqmi qui ont précédé d’un mois, le déclenchement de l’opération « Serval » au début de laquelle Iyad faillit mourir, ne devant son salut, qu’à son évacuation de force d’un véhicule qui fut pulvérisé par l’aviation française qui venait quelques minutes auparavant d’envoyer dans les vertes prairies du Manitou Abou Zeid , un des chefs d’Aqmi «qui tuait beaucoup au nom d’Allah», selon un témoignage de Belmokhtar.
Sur le timing , des observateurs ont estimé qu’Iyad a voulu se rappeler aux bons souvenirs des protagonistes de la crise malienne à un moment où le dialogue inter malien a franchi un petit pas avec la «Déclaration d’Alger» du 9 juillet et le second round prévu du 17 août au 11 septembre.
La vidéo commence par un plaidoyer présenté par universitaire koweitien résidant en Jordanie, un barbu répondant au nom de Iyad Ghneibi, souvent invité par la détestable chaine qatarie «Al Jazeera».
Le Mali est une terre authentique de l’islam dit-il , où fut fondée Tombouctou il y a 900 ans, laquelle, abrita la plus ancienne université du monde. Il poursuit en prenant certaines libertés avec l’histoire : «Dans l’ancien Mali , il y avait le royaume du Sénégal contre lequel la reine Elisabeth I s’allia avec le Sultan du Maroc pour l’envahir en 1591 et réduire son peuple en esclavage, y compris ses érudits dont Ahmed Baba Etimbukty et Omar Said Esénégaly » (?!) . Et sans transition Ghneibi saute trois siècles d’histoire : «Il y eut la colonisation française qui s’est achevée par la mise en place de régimes valets qui oppriment les musulmans, spécialement les Touaregs et les Arabes…. Par ce message, l’universitaire moyen oriental donne caution à la cause d’AnsarDine et lui draine la solidarité des jihadistes envers les «opprimés» du Mali. Un dangereux plaidoyer !
Apparait alors sur la video un Iyad ag Ghali, assis, seul, extenué, rougi par le soleil, vêtu d’une Djellabah noire et portant un turban blanc. Après une Sourate appelant les Musulmans à se défendre quand ils sont agressés, il lit un texte dans lequel, il loue Allah et son Messager, exprime sa fierté d’être un «Moujahid», dit que la lumière jaillira des ténèbres, souligne l’épreuve que traverse l’Azawad et promet à la France, l’humiliation subie par l’Amérique.
- «La campagne d’intoxication dont AnsarDine et son combat défensif font l’objet, nous dictent de réagir pour apporter des éclaircissements à la Oumma Islamique d’une manière générale et à notre peuple d’une manière particulière », annonce t-il , expliquant cette situation par «le déficit de communication d’AnsarDine alors que l’ennemi instrumentalise tous les medias».
Voici les messages envoyés par le chef d’AnsarDine :
- «Les croisés sont venus au Mali pour empêcher l’application de la Charia. Ils ont détruit les mosquées, les écoles et semé les germes de la division des musulmans. Ils ont laissé libre cours à l’armée malienne ennemie de notre peuple, laquelle, a saisi l’occasion pour commettre des massacres, pratiquer la torture et les amputations, incinérer les cadavres et les jeter dans les puits. » - «L’obligation religieuse nous dicte de faire face à cette agression, comme l’ont recommandé les érudits du pays de Chinguetti. »
- «Nous sommes sur le terrain depuis le début de l’agression en train de défendre notre religion et note peuple, en fournissant à ce titre une caravane de martyrs, de blessés et de prisonniers. »
- «Nous avons infligé à l’ennemi de lourdes pertes et la guerre se poursuit comme vous pouvez le constater avec les opérations suicide, les roquettes et les mines. » Iyad se tait. Une séquence montre un tir de roquettes puis quelque chose qui se consume on ne sait où et un sous titrage : attaques contre des positions françaises. La camera revient sur Iyad qui poursuit :
- «L’ennemi commence à se retirer du Mali en tentant de sauver la face . Il a diminué ses effectifs et les a remplacés par des mercenaires des forces africaines sous une mensongère appellation de maintien de la paix, consacrant ainsi, sa veille pratique de la guerre par procuration. » Puis la vidéo montre un élément d’un journal de TV arabe où la speakerine dit que l’engagement militaire français au Mali se justifie surtout par le souci de contrôler les ressources minières de ce pays notamment son uranium qui assure le tiers des besoins français. Cela se voit la speakerine confond Mali et Niger. Iyad revient devant la camera:
- «Nous sommes attachés à l’application de la Charia islamique,à lever l’injustice et à chasser les croisés financés par des pays se disant musulmans » . (A ce moment la video montre le président Hollande parlant du soutien de la Mauritanie et des Emirats arabes unis à l’engagement contre le terrorisme au Mali)
- «Nous attirons l’attention des musulmans sur le danger de servir l’ennemi et de consacrer l’occupation de notre pays.» - «Nous rassurons les musulmans que nous tenons bon dans cette terre d’islam et demandons la bénédiction d’Allah pour que notre lutte soit le début de l’instauration d’un califat sur le modèle du Prophète et sommes prêts à nous allier avec nos frères jihadistes sur le sol malien pour affronter la croisade qui cible les musulmans.»
Il termine en transmettant ses salutations et ses vœux de succès aux musulmans du Nigeria, de la Centrafrique, du Pakistan, de l’Afghanistan, du Caucase, du Yémen, de l’Egypte de l’Irak et du Levant.
La soixantaine aujourd’hui, Iyad Ag Ghali était à la tête du Mouvement populaire pour la libération de l’Azawad quand il a dirigé en 1990 une rébellion à partir de la ville malienne de Menaka. Une insurrection qui s’inscrivait dans un processus entamé en 1916.
A la fin des années 90 Iyad passe par une ferveur religieuse et se rapproche des «Douat Teblighiyines» (prédicateurs pacifistes et apolitiques, opposés aux «Frères musulmans» et aux «salafistes» ). Début 2003 il est venu en Mauritanie avec des «Douat» et a séjourné à Nouadhibou.
Au milieu de cette même année, il est sollicité par le gouvernement malien pour la libération d’otages occidentaux détenus par l’ex- GSPC. Puis le Mali le nomme consul à Djeddah en 2007 d’où il revient en 2011 expulsé d’Arabie Saoudite dit-on, ou soucieux de jouer un rôle dans la résurgence de l’irrédentisme Touareg récupéré par une nouvelle génération qui a fait ses armes en Libye, pays en proie lui aussi à une insurrection qui finira par emporter son ex-Guide.
Il semble qu’Iyad se soit installé dans le massif de Tegharghar en 2011 et qu’il a voulu dans un premier temps coordonner avec le MNLA qui n’en a pas voulu, ce qui l’amena à fonder AnsarDine et à se lier avec les salafistes d’Aqmi qui ont chassé le MNLA de toutes les villes maliennes qu’il était parvenu à occuper entre janvier et février 2012.
Tout en coordonnant avec Aqmi la gestion des principales villes du Nord-Mali, Iyad n’avait pas manqué d’envoyer des signaux positifs : libération d’une otage suisse, rejet de la proclamation de l’indépendance de l’Azawad, promesse de rupture avec Aqmi et de suspension de l’application de la charia. Des signaux qui ont laissé la France et la Mali indifférents.
Iyad a foncé alors sur Konna un 10 janvier 2013 déclenchant «Serval». Depuis lors, il n’a pas donné de ses nouvelles. Avec sa vidéo du 5 aout, il a également voulu dire : «Ecoutez les gars, je suis toujours là !» IOMS
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