Brève contribution au débat autour de l'élection présidentielle   
02/03/2014

Nous ne sommes plus qu’à quelques mois des élections présidentielles et déjà les points de vues des leaders politiques autour de cette échéance majeure commencent à fuser de part et d’autre.



 De tous les points de vues entendus celui qui a le plus attiré mon attention est celui de Mohamed Ould Mawloud dans l’interview qu’il a accordée à la chaîne de télévision SAHEL. J’ai particulièrement apprécié son sens de responsabilité et son souci de la préservation de la paix et la stabilité dans le pays. Ses propos tranchent vivement avec les discours de mauvais augure de certains alarmistes toujours occupés à semer la discorde, à raviver les tensions et à éveiller les particularismes de tout ordre pour boucher l’horizon devant toute perspective d’entente politique. J’avoue que cet intérêt est aussi la survivance d’une profonde considération, pour un ancien compagnon de lutte qui a conservé le rare mérite d’être toujours resté égal à lui-même et de n’avoir jamais cédé à la tentation des portefeuilles ministériels ou autres sinécures. Cette qualité est importante dans une scène politique infestée d’arrivistes de tout ordre qui parasitent toutes les formations politiques et s’associent à toutes les initiatives dans le seul souci de se faire voir pour, le moment venu, troquer leur silence pour une providentielle faveur du régime.

Et comme le choix de l’interlocuteur politique est la première démarche dans l’initiation de tout dialogue, j’ai choisi pour ma part de partir des éléments avancés dans l’interview précitée pour avancer des suggestions préliminaires et commenter certaines idées qui ont été formulées.

• Les protagonistes du dialogue pour l’organisation d’élections présidentielles démocratiques et transparentes doivent commencer par se prémunir contre les menées subversives d’éléments irresponsables et sans ancrage politique sérieux à même de leur conférer un rôle significatif dans pareille concertation. Seuls doivent compter les voix des formations politiques qui se sont imposées par la permanence de leur activité et l’ampleur de l’audience dont ils jouissent dans les milieux populaires,
• Ils ne doivent pas se laisser dévoyer par les partisans d’un jusqu’au-boutisme effréné qui risquent de dynamiter le dialogue dès le départ en posant des conditions irréalistes et irréalisables. Tous doivent comprendre que l’objectif recherché n’est autre que la création des conditions nécessaires pour l’exercice d’un arbitrage populaire libre et transparent.
• La lutte pour l’ancrage de la démocratie ne se résume pas, comme peuvent l’entendre certains, en la substitution immédiate d’un pouvoir à un autre, elle consiste davantage en l’installation de mécanismes durables permettant l’expression totale de la volonté populaire. L’attention doit donc porter en priorité sur cet aspect en ayant à l’esprit qu’il ne s’agit pas d’inventer des mesures inédites mais de s’inspirer du modèle démocratique dans les pays pouvant servir de référence en la matière.
Je me limiterai à ces recommandations pour aborder d’autres questions soulevées au cours de cette interview. L’invité propose l’organisation en Mauritanie d’une alternance politique au même titre que celles observées dans les pays voisins: Mali, Sénégal et Tunisie. Ces cas énoncés ne sont pas de même nature et n’inspirent pour certains d’entre eux qu’inquiétude et méfiance. Au Mali par exemple, l’alternance évoquée est née du chaos, elle est sortie des décombres de l’extinction totale de l’Etat, de la généralisation de l’anarchie et des affres de la guerre civile. Elle s’est faite sous le patronage de l’ex-métropole et la protection de ses troupes. Un tel degré de déliquescence n’est point souhaitable. Le modèle malien doit plutôt nous inciter à renforcer les prérogatives et l’autorité de l’Etat au lieu de chercher à tout prix à les limiter. La démocratie n’est utile que si elle permet d’éviter le chaos et le pire. Que ceux donc qui rêvent d’instaurer le chaos pour assurer une éventuelle alternance méditent sur le sort des pays qui ont choisi cette voie.

La Tunisie que l’on peut juger à juste titre comme le modèle de révolution arabe le mieux réussi ne cesse de piétiner au même endroit empêtrée dans des discussions byzantines qui ne tarissent sur un point que pour reprendre de plus belle sur un autre. Pendant trois ans les problèmes majeurs du pays sont restés en veilleuse pour enfin accoucher d’une constitution qui vide la révolution islamique, expression de la volonté du peuple tunisien de sa substance et de sa raison d’être.

La Libye est en proie à la guerre des factions et le pays menacé de partition. En Egypte et en Syrie la situation est en passe de franchir les limites du tragique pour passer dans l’ordre du jamais vu.

C’est dire que l’élite des pays encore épargnés par pareille malédiction doit gérer avec délicatesse l’espace de démocratie acquis pour préserver le précieux climat de paix et de sécurité dont ils profitent encore.

A cet effet je dirai que pour ma part je privilégie le modèle Sénégalais d’alternance qui s’est déroulé dans le strict respect de l’ensemble des institutions de l’Etat. C’est de cet exemple là que nous devons nous inspirer et notre opposition est en droit d’exiger les mêmes garanties de transparence que celles qui ont été accordées à l’opposition sénégalaise. Elle ne doit cependant pas vouloir aller au-delà pour ne pas rompre l’équilibre de l’ordre politique.

Répondant à une question relative à l’actuelle Assemblée Nationale, le Président de l’UFP l’a qualifié de bancale car une bonne frange de l’opinion politique n’y est pas représentée. Il ajoute que cette infirmité doit être corrigée à travers l’organisation d’élections législatives anticipées. N’est-ce pas là une attitude pour le moins fantaisiste. Boycotter, sans raisons convaincantes, les élections d’aujourd’hui pour réclamer leur tenue demain?

L’organisation d’élections législatives est une opération sérieuse qui mobilise tant de moyens matériels, financiers et humains pour servir de test renouvelable à merci. Et les dernières élections ont été suffisamment représentatives pour être mises en doute.
Nous savons aujourd’hui que même si les directions de certains partis d’opposition ont appelé au boycott, leurs militants de base ne se sont pas privés de s’investir passionnément dans la compétition électorale au niveau de toutes les circonscriptions du pays. Les actuels députés de l’Assemblée sont le produit de la plus longue, la plus âpre et la plus franche compétition électorale jamais vécue dans le pays et méritent de jouir pleinement de leur mandat. Les marchandages politiques doivent porter ailleurs. Mohamed Ould Mawloud avait d’ailleurs ajouté: nous avons préféré sacrifier certains sièges à l’Assemblée pour mieux consolider la démocratie et préparer les conditions de l’alternance pacifique. Ce choix bon ou mauvais doit être assumé sans regret et la page des élections législatives définitivement tournée.

Il convient de vaincre aujourd’hui toutes les réticences et envisager résolument les élections présidentielles. L’opposition doit cesser de sous estimer les capacités de discernement du peuple mauritanien.

Ils n’ont pas raison ceux qui prétendent, que ce peuple est soumis, résigné et toujours au service du pouvoir en place. Ces allégations sont fausses et les dernières élections législatives l’ont suffisamment démontré. Nous avons vu des ministres échouer lourdement dans leur propre fief parce qu’ils ne jouissent pas de la confiance des électeurs. Ils sont nombreux les protégés du pouvoir que toutes les formes d’interventions n’ont pu sauver et qui ont fini par perdre leur siège au profit de candidats ouvertement hostiles à ce même pouvoir. Le peuple mauritanien est un peuple frondeur et profondément enclin à la dissidence. Il sait sanctionner comme il sait récompenser, le tout est de savoir mériter sa confiance. C’est à ce niveau là que se situe l’enjeu. Et je pense qu’en la matière l’actuel président n’a pas démérité. Le peuple mauritanien n’est pas naïf pour ne pas apprécier les impressionnantes avancées réalisées dans le domaine des libertés fondamentales, de la démocratie, de la santé, de la formation, du développement de l’urbanisme, de l’accès aux services de base et de la lutte contre la pauvreté.

Les réalisations dans tous ces domaines sont si nombreuses que je juge oiseux d’en faire ici l’inventaire. Elles sont suffisamment éloquentes pour remporter le suffrage du peuple et garantir haut la main l’élection de Mohamed Ould Abdel Aziz pour un second mandat à la tête du pays.


Fait à Nouakchott, le 01/03/2014


Abderrahmane Ould Sidi Hamoud
Professeur à la faculté des Lettres
et Sciences humaines de Nouakchott
  


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