Interview de Mohamed Lemine Ould Dadde   
03/04/2006

"Conscience et rĂ©sistance", un mouvement (ou plutĂ´t une cellule) de l’opposition radicale Ă©tait invitĂ©e en aoĂ»t 2005 Ă  la rencontre de Dakar . Pour savoir ce que cette organisation pense de la rencontre, nous avons interviewĂ©  Mohamed Lemine Ould Dadde. J’ai rĂ©alisĂ© cette interview et assurĂ© sa publication  au milieu d’aoĂ»t 2005...



 Selon nos informations, il y aurait des divergences entre les reprĂ©sentants de l’opposition mauritanienne en exil, rĂ©unis Ă  Dakar, sur un mĂ©morandum qui devait ĂŞtre rĂ©digĂ© le 13 aoĂ»t..
Mohamed Lemine Ould Dadde :
En ma connaissance, il n’y a pas de divergences. Ni sur la forme, ni sur le fond. Le problème se situe au niveau des priorités. Et, c’est un problème secondaire. Ce qu’il faut dire, c’est que cette initiative des nouvelles autorités qui ont pris contact avec l’Etat sénégalais pour un dialogue avec l’opposition en exil est importante. Nous sommes ouverts à ce dialogue. Nous demandons une amnistie et un retour des exilés dans de bonnes conditions et dans les délais les plus brefs.

Quelle forme doit-prendre cette amnistie ? Doit-elle couvrir seulement une période déterminée ? Qui sont les exilés ? S’agit-il des membres des mouvements d’opposition en exil ou des réfugiés mauritaniens au Sénégal ?
MLOD
: De l’ensemble. Il faut avoir la volonté d’assainir la situation politique de la Mauritanie. Et, pour cela, il faut du courage et du bénévolat.

 Mais parmi les personnes pour lesquels on demande l’amnistie, il en est qui sont condamnĂ©s pour des affaires, oĂą du sang a coulĂ©.
MLOD
: C’est à la justice de prouver ou de faire réouvrir les dossiers. Mais, pour l’instant, le peuple mauritanien a besoin d’une concorde générale. Il faut impérativement amnistier les prisonniers d’opinion (civils et militaires) et organiser le retour au pays de tous les cadres exilés.

Du moment que vous demandez une amnistie en faveur des opposants du régime de Ould Taya, demandez-vous également une amnistie pour les responsables de son régime ?
MLOD :
Je pense que Ould Taya a déjà lui-même fait une amnistie. Il faut constituer impérativement un comité de réconciliation nationale qui doit plancher sur le passif humanitaire et sur l’ensemble des problèmes qui ont été à l’origine du départ de Ould Taya. Il faut les poser entre l’ensemble des mauritaniens et nous souhaitons un pardon pour tous. C’est un souhait, ce n’est pas à nous de décider. C’est à la justice mauritanienne, c’est à l’ensemble des mauritaniens. C’est aux victimes, d’abord, qu’appartient le geste du pardon.

Les victimes du 08 juin ont-elles pardonné ?
MLOD
: Il faut leur demander leur pardon.

 Conscience et RĂ©sistance, est en train de s’assagir. Est-ce Ă  cause de l’âge de ces dirigeants (qui dĂ©passe maintenant la quarantaine en moyenne) ou du contexte ?
MLOD :
On a toujours été sages et le plus sage c’est notre conscience. Nous ne sommes pas des applaudisseurs. Nous n’applaudirons jamais et nous critiquons les applaudisseurs. Et, je vais vous dire quelque chose qui m’a beaucoup touché. La télévision nationale qui couvre l’ensemble des manifestations de personnes qui, avant le 03 Août marchaient pour Ould Taya, a passé sous silence le dernier meeting de l’APP. Je trouve que c’est choquant. Il faut commencer par les bonnes choses.

D’aucuns pensent que le ciment de l’opposition en exil était la contestation de Ould Taya. Maintenant qu’il n’est plus au pouvoir, qu’est-ce qui pourrait unir Conscience et résistance (laïque), les islamistes ( considérés à tort ou à raison comme de potentiels Talibans) et les FLAM (essentiellement tournées vers les negro-mauritaniens)
MLOD
: D’abord, le mot laïcité ne m’intéresse pas. Je dirai plutôt séculaire. Nous sommes un mouvement séculaire, avant-gardiste. Ensuite, je n’aimerais pas qu’on taxe le mouvement islamiste mauritanien de Taliban. C’est un mouvement réformiste qui se dit républicain et nous partageons entièrement ces valeurs républicaines avec lui parce que nous sommes républicains. Et, ce mouvement islamiste, il ne faut surtout pas le radicaliser et ce n’est pas à la presse de le radicaliser. Les Mauritaniens sont tous musulmans. Nous ne sommes, certes pas des islamistes, mais nous pensons qu’il appartient au peuple de choisir qui le représente et qui ne le représente pas. C’est extrêmement important. Nous ne sommes pas populistes et notre combat est de longue haleine.

L’opposition negro mauritanienne en exil soulève certaines questions de fond comme les langues nationales, l’identité du pays…Est-ce que la convergence d’idées pendant l’exil sera maintenue après le retour? La Mauritanie qui sortira de la transition sera-t-elle arabo-africaine ou africano-arabe ?
MLOD
: L’ensemble des mouvements ont des divergences idéologiques. Si vous lisez la charte de Conscience et Résistance vous verrez que nous posons toutes les questions : la question nationale, l’appartenance de la Mauritanie à la ligue arabe… Toute question fondamentale doit être soumise au suffrage du peuple. C’est au peuple de décider comment et sur quel programme veut-il donner des voix aux mauritaniens pour le diriger. Si les Negro africains posent leurs problèmes, c’est leur droit le plus absolu. Ils y a des problèmes qu’ils soulèvent que nous considérons comme étant de vrais problèmes. Ils ont aussi des problèmes sur lesquels nos analyses sont différentes.

Par exemple, le fédéralisme?
MLOD :
Par exemple le fédéralisme. Nous ne sommes pas du tout fédéralistes. Nous sommes pour un Etat jacobin. C’est clair, nous le clamons haut et fort. Mais c’est leur droit de poser le problème du fédéralisme. Et, s’ils arrivent à amener les mauritaniens au fédéralisme, nous serons une opposition minoritaire. Si par contre, nous amenons les mauritaniens à un Etat central, ce sera le contraire. C’est la volonté du peuple qu’il faut respecter dans son ensemble, sans favoritisme.

 Quelles sont les grandes lignes de ce mĂ©morandum sur lequel vos amis travaillent Ă  Dakar ?
MLOD :
D’abord, je ne peux pas parler au nom de ceux qui négocient aujourd’hui. Selon mes informations, il y a deux grands points. Le premier, c’est l’amnistie générale et le second, la réconciliation nationale. C’est à dire une commission nationale de réconciliation. Ce sont deux points, pour moi, essentiels. Ce que je dis là n’engage que moi. Tous les mauritaniens doivent être préoccupés par ces problèmes. L’engagement important que les militaires ont pris doit être suivi d’actes. Et, parmi ces actes doivent figurer la libération des détenus civils et militaires et le retour des exilés et leur rétablissement dans leurs droits. Il s’agit quand même d’hommes intègres qui ont donné une vingtaine d’années de leur vie à la Mauritanie, qui se sont sacrifiés pour leur pays. Et, l’ensemble de la classe politique, qu’elle soit de l’ancien régime ou de maintenant, reconnaît leur courage et leur intégrité d’esprit. Nous n’avons jamais accepté Ould Taya. Et les raisons qui nous ont amenées à ne pas l’accepter sont toujours là. Mais nous accordons le bénéfice du doute aux militaires au pouvoir. Ils auront la chance et l’honneur de conduire la Mauritanie vers la réconciliation avec beaucoup d’habileté et de finesse. C’est ce que nous demandons mais il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.
Propos recueillis par IOMS


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