Interview avec IsmaĂ«l Ould Amar   
03/04/2006

Cette interview a été réalisée et publiée en juillet 2005. Ingénieur centralien, ancien Directeur Général de la SNIM, député d’Aleg aux termes de deux législatures, Ismail Ould Amar a été également directeur de campagne de Ould Haidalla lors des présidentielles de 2003, à l’issue desquelles il a été lourdement condamné. Sans détours et dans le style qu’on lui connaît, qui constitue à la fois, un atout et un inconvénient, il a accepté de répondre à nos questions. Amateurs de la langue de bois, prière s’abstenir.



 

 Vous faites partie des rares cadres mauritaniens qui ont eu par le passĂ©, Ă  refuser une charge ministĂ©rielle (1992). DĂ©putĂ© d’Aleg par la suite, vous revenez au devant de la scène en aoĂ»t 2003 Ă  la veille de la candidature de Haidalla. Puis c’est le Grab, la prison, le procès et votre destitution du parlement. DĂ©cidĂ©ment cette fin de l’annĂ©e 2003 aura Ă©tĂ© mouvementĂ©e.

IOA: Ce n’était pas une seule charge ministérielle que j’avais refusée. J’en ai refusé plusieurs. J’en ai refusé en 1985 puis en 1992 puis d’autres charges politiques durant les années 90. C’est peut être une forme de contestation permanente C’est vrai. Je n’ai jamais été satisfait des régimes qui se sont succédés depuis les années 60. En tant qu’ingénieur je sais servir l’Etat en tant que serviteur de l’Etat, mais je ne sais pas servir un régime que je conteste.Tous ces systèmes ne m’ont jamais convaincu. Je considère que je serais prêt à accepter une charge politique si les conditions générales et en particulier le système politique me convient. Qu’est ce qui me convient ? Simple. Un système démocratique qui respecte les libertés et les droits de l’homme.

Le Gouvernement de 1992 constituait après la période d’exception, un premier pas d’un processus se disant démocratique ou qui pouvait le devenir, avec le temps, pourquoi l’avoir privé de votre contribution ?

IOA : Je l’ai refusé en 1992 parce que je contestais le système de partage du pouvoir. Dés le départ, je l’ai dit à l’occasion du référendum pour la Constitution. Je considère que le Gouvernement n’avait pas de pouvoirs et que se préparait un pouvoir personnel plus fort que le pouvoir du régime militaire et l’expérience a prouvé que j’avais raison. Plus on avance au delà de 92 plus le pouvoir personnel se renforce.

Comment nous expliquer, votre refus de participer au pouvoir et l’acceptation plus tard de l’investiture du parti au pouvoir à Aleg?

IOA : Je n’ai jamais adhéré à un parti avant 1995. J’étais parfaitement conscient de la nécessité de servir le peuple là où l’on pouvait le servir et c’était de mon point de vue au niveau de l’Assemblée Nationale. Et je me suis présenté comme candidat indépendant en 91 et 92. C’est la fraude dirigée par l’administration qui a empêché mon élection. En 96, pour la seconde législature, je souhaitais réellement servir mes électeurs auxquels je me suis toujours attaché et, effectivement, j’ai accepté d’adhérer au PRDS pour pouvoir jouer mon rôle de représentant du peuple et servir ma circonscription électorale. Dans cette situation, j’ai toujours défendu mes idées au niveau de l’Assemblée Nationale.

A tel point que bien député Prds à l’époque, vous n’avez pas hésité à prendre la défense M. Messaoud Ould Boulkheir, devant l’ex-Premier Ministre Cheikh El Afia début 2002 lors du fameux échange sur l’esclavage.

IOA : C’est exact parce que je considérais tout à fait anormal que l’on présente au sein de l’Assemblé une proposition relative à la dissolution d’un parti existant. Ce n’est pas le lieu indiqué pour ce genre de pratique.

Aviez-vous à l’esprit qu’une année plus tard, il allait être question au niveau de la même Assemblée, du retrait de votre qualité de membre du Parlement?

IOA : Tout peut se faire au sein de l’Assemblée Nationale telle qu’elle existe actuellement parce qu’elle est domestiquée par le pouvoir, et qu’elle ne joue pas son rôle constitutionnel. Toute proposition présentée peut passer compte tenu de la manière dont l’Assemblée est gérée. A ce sujet, je vous informe que cette décision a été complètement contestée par l’Union Parlementaire Internationale (UPI) qui la considère anormale et irrégulière.

Avez-vous effectué un recours devant l’UPI ?

IOA : Je n’ai pas fait de recours personnel, mais ce sont les organisations des droits de l’homme qui ont fait le recours.

 Revenons un peu en arrière, oĂą est-il ce grand Ă©lan que vous avez dirigĂ©, Ă  la CAP l’étĂ© 2003 ? On n’en retient, actuellement, que Sawab qui a fait l’objet de plusieurs dĂ©fections et le PCD non reconnu, jusqu’à prĂ©sent. On a l’impression qu’il fut un orage sans pluie (Neuw bla s’hab!). Le programme politique Ă©laborĂ© Ă  l’époque autour de la limitation du nombre de mandats prĂ©sidentiels et la sĂ©paration des pouvoirs ne mobilise donc plus?

IOA : Cet élan a une source, sa source c’est le projet qui a été élaboré et diffusé dès le premier août 2003 qui disait en quelques mots que la Mauritanie était en crise et que cette dernière provenait du pouvoir personnel, et que s’il se maintient dans les conditions actuelles, il y’aura toujours des éruptions, des tentatives de coups d’état, et sa fin risque d’arriver par une éruption… La solution pour la Mauritanie, et pour la sortie de crise, c’est de créer une nouvelle organisation de l’Etat mauritanien avec un partage du pouvoir : les conditions sont clairement exprimées ; mais ce projet n’est pas mort, il existe toujours, c’est le projet principal du parti Sawab. Il a été exprimé de diverses manières, dans des articles, des conférences de presse, dans des notes, et la preuve c’est que ce projet revient toujours à l’ordre du jour. Depuis maintenant deux ans, il revient toujours à l’ordre du jour dés qu’il y a une éruption qui aggrave la crise.

Le Sawab dans lequel se retrouvent les rédacteurs de la déclaration du 1er Août 2003 qui constituait le projet politique de Ould Haidalla a été reconnu par les autorités, lesquelles, refusent toujours de reconnaître le PCD.

IOA : Nous avons des conceptions différentes et parfois divergentes avec le PCD. C’est la même chose avec tous les autres partis. Cela ne nous empêche pas pourtant de travailler avec eux quand c’est nécessaire. Nous sommes pour que tout parti qui se forme soit autorisé et légalisé. Nous sommes contre le refus de reconnaissance des partis, contre la dissolution des partis. Nous voulons que les partis aient leur liberté totale de s’exprimer et de travailler.


Certains estiment que vos divergences avec le PCD sont d’ordre idéologiques, on vous considère plus ou moins laïcisants, qu’en dites vous ?

IOA : Nous sommes contre tout pouvoir théocratique. Ici, le pouvoir politique a toujours été séparé de la religion. Le Faqih peut être Cadi mais n’a jamais de pouvoir temporel. Nous voulons une République moderne dans ce pays et une démocratie moderne. Notre parti est un parti social démocrate, mais il est prêt à travailler avec tous ceux qui expriment leurs idées et leurs idéologies pourvu qu’ils respectent la légalité telle qu’elle existe.

Plus de deux années après le fameux Grab 1 en étiez vous réellement l’auteur ?

IOA : J’ai déjà exprimé largement mon opinion à ce sujet. Il convient maintenant que vous posiez la question aux autorités qui doivent connaître le ou les auteurs du Grab.


Présentement, nous sortons d’un forum du RDU, que vous avez boycotté, vous l’APP et l’AJD. Après le refus de participer au Gouvernement en 1992, de participer à la langue de bois parlementaire deux législatures durant et de participer enfin au dialogue au sein d’un Forum de partis d’opposition et de la mouvance présidentielle, nous sommes tentés de vous demander si vous ne faites pas du refus, une option systématique ?

IOA : Ah non ! Je ne boycotte pas le dialogue. Le parti Sawab ne boycotte pas le dialogue, au contraire, dés sa création, il a déclaré qu’il était pour le dialogue, un vrai dialogue, et il a diffusé récemment une note très claire à ce sujet. Pour nous, le dialogue doit être organisé entre l’opposition et le pouvoir, pas entre l’opposition et ceux qui ne détiennent rien. Le forum dont vous avez parlé, ne représente pas grand chose, pour ne pas dire rien, c’est mon opinion. Parce que le forum ne peut jamais conduire à une voie de sortie de la crise des institutions et du pouvoir. Je m’explique : le forum qu’est ce que c’est ? Physiquement c’est la rencontre entre des hommes du pouvoir et des hommes d’une frange de l’opposition. Ce sont des hommes du pouvoir et des hommes de l’opposition avec d’une part, des personnalités nationales ayant un certain passé, et même, pour quelques unes, une certaine aura, ce sont des personnalités prises en otage par les hommes du pouvoir, et d’autre part, une poussière de figurants, des ONGs, des représentants de la Presse qui sont toujours prêts à assister à des manifestations pareilles.

Mais quand même on peut dire qu’au niveau de la mouvance présidentielle, il y a eu des présidents de partis. De l’autre côté, il y avait M. Ahmed Ould Daddah dont le prestige au niveau de l’opposition n’est plus à démontrer. S’il y a eu des figurants, il y a eu également des acteurs.

IOA : Bien, effectivement, il y a eu 300 personnes. C’est une assemblée très mauritanienne, on peut dire même que pour le photographe, c’est une assemblée arc-en-ciel ! Du point de vue intellectuel, je dirai que c’est une assemblée multigrade, car on passe aisément de l’analphabète au professeur d’Université. Qu’est ce que ça peut donner ? Peu de choses. Il faut voir la genèse du forum. Je crois que c’est le résultat d’une longue réflexion et des recherches entre des hommes du pouvoir et des hommes de l’opposition qui ont déjà des atomes crochus avec le pouvoir. A la crise du mois d’août 2004, l’UFP a tenté un dialogue, elle a invité tous les partis politiques y compris ceux du pouvoir, et les partis politiques du pouvoir n’avaient pas assisté aux débats. Le forum a deux concepteurs, un concepteur du pouvoir et un concepteur venant de l’opposition. Le concepteur du pouvoir visait surtout l’organisation d’un débat entre les partis politiques et considérait que le dialogue entre le pouvoir et l’opposition n’est pas envisageable et que la Mauritanie n’était pas en crise. Pourquoi cette glissade de la notion de débat à la notion de forum ? Organiser un débat est simple, il suffit de louer la maison des jeunes pour une journée ; l’organisation de forum est plus compliquée et plus coûteuse mais permet l’avantage, une fois le financement assuré, de noyer les représentants de partis politiques dans une mer de figurants et d’éviter les débats fructueux par la suppression des possibilités d’échanges et privilégier une suite de monologues. Quel intérêt pour une telle rencontre si l’objectif n’est pas l’examen et l’analyse d’une crise politique ? Pour examiner les valeurs de la démocratie et de la citoyenneté d’une façon théorique dans un pays où la liberté et les droits de l’homme sont écrasés ? Nous qui considérons qu’il y a une vraie crise en Mauritanie, crise multidimensionnelle, nous pensons que pour trouver une sortie de crise, il faut organiser un vrai débat avec celui qui détient le pouvoir. Le PRDS ne détient rien, le RDU ne détient rien non plus, et vraiment, nous sommes surpris d’apprendre que, maintenant, ce qui vient de se passer au forum est considéré comme un dialogue. Nous contestons l’utilisation de ce concept pour ce qui s’est passé au forum. Il n’y a pas eu de dialogue, le seul dialogue valable, c’est le dialogue avec celui qui détient le pouvoir. Mais ce n’est pas tout. Pour que ce dialogue soit utile, il faudrait qu’il vise à instaurer une vraie démocratie. Sinon à quoi servirait-il ?


 Dans sa dernière sa confĂ©rence de presse, Ahmed Ould Daddah, a dĂ©clarĂ© qu’il a participĂ© au Forum pour Ă©couter les autres, les comprendre, pour exprimer ses opinions et en retour ĂŞtre Ă©coutĂ©. Est ce que par rapport au forum, votre position n’a pas Ă©tĂ© assez rigide ?

IOA : Non, en ce qui nous concerne. Nous n’avons aucune difficulté de parler avec qui que ce soit, et d’écouter et de se faire écouter.


Mais vous voulez dialoguez seulement, avec ceux qui détiennent le pouvoir?

IOA : A quoi ça sert de discuter avec des gens qui ne détiennent rien ? Dites-moi qui détient le pouvoir ici ? Le dialogue sert à quelque chose, de passer d’une situation à une autre. Réellement, ce que je considère comme objet non dit, et non déclaré de ce forum, c’est la volonté des hommes du pouvoir d’endormir l’opinion publique et ceux qui cherchent un vrai changement, pour maintenir un système ou sa substantifique moelle c’est à dire le pouvoir personnel, et de séduire autant que possible ceux qui peuvent accepter de cogérer avec le détenteur du pouvoir personnel le système actuel. Je pense que l’objectif de ceux, qui, du côté de l’opposition, ont accepté de se faire écouter et d’écouter, c’est de trouver une voie pour s’approcher du détenteur du pouvoir personnel pour qu’il accepte de cogérer avec eux son système. Ils courent vers des mirages !


Malgré tout, nous en sommes arrivés avec le forum du RDU à la création d’un cadre de concertation entre les partis politiques, à une charte, à un statut pour l’opposition et à un code de conduite entre partis, n’est ce pas mieux que rien ?

IOA : Je crois que tout ceci ne correspond à rien. Tout ce qui a été fait dans cette affaire me rappelle une vieille histoire. Comme une réunion du Tiers-état pour présenter des doléances au Roi. Il n y a eu que des doléances. On veut peindre quelque chose pour le rendre plus joli pour ceux qui veulent bien entrer dans une forme de co-gestion du système du pouvoir personnel en laissant le Roi complètement à l’abri des attaques, en contrepartie d’une participation à la répartition des surplus économiques actuels. C’est mon opinion. En ce qui concerne l’objectif principal qui était demandé de faire en sorte que les partis politiques puissent se retrouver et parler sans s’agresser, mais, franchement, qui agresse qui depuis des années ? Ce ne sont pas les partis d’opposition qui agressent les hommes du pouvoir. Ce sont eux qui sont toujours agressés. S’il faut faire en sorte que les gens puissent se parler il faut d’abord faire le débat au Forum entre les hommes du pouvoir. Quel débat y a-t-il entre le RDU et le PRDS jusqu’à présent ? Ils ne se voient jamais, ils ne se parlent jamais, pourquoi ? Charité bien ordonnée commence par soi. Maintenant ils veulent parler avec les partis d’opposition sans les agresser. Il suffit seulement que le pouvoir arrête ses agressions pour que l’on puisse se retrouver sans problèmes. Et jusqu’à présent le vrai pouvoir refuse de dialoguer avec l’opposition. J’ai entendu récemment Ahmed Ould Daddah dire dans une interview que depuis 14 ans il n’a pas été reçu par le président de la République, pourquoi ?


D’aucuns pensent que l’agressivité serait réciproque dans notre champ politique. L’opposition est parfois perçue comme étant agressive. Elle ne reconnaît pas les résultats de l’élection de Novembre 2003, elle met souvent à l’avant les dossiers qui divisent les mauritaniens, les dossiers qui fâchent, elle tend rarement la perche.

IOA : Peut être mais pas nous. Nous n’avons jamais remis en cause la reconnaissance du président de la République. Sortis de prison nous avions dit que du moment que c’était fait comme ça, c’est fini. Nous n’avons pas remis en cause les resutats de l’élection bien que nous savions que ces résultats étaient contestables.


 Le boycott des assises du Forum du RDU Ă  la fois par l’APP, le Sawab et l’AJD Ă©tait- il une position concertĂ©e ?

IOA : Non il n’y a pas eu de concertation mais lorsque chacun de nous a pris sa decison nous nous sommes félicités.

Avez-vous l’intention de prendre le train en marche, en signant par exemple, la future charte des partis de l’opposition.

IOA : Le train a déjà déraillé.


Tentative de putsch en juin 2003, deux autres tentatives en août et septembre 2004 et attaque terroriste de Lemgheiti en juin 2005, après le putschisme nous sommes maintenant victime du terrorisme.

IOA : Toutes ces manifestations sont des éruptions de la crise qui aggravent chaque fois la situation politique que nous vivons. Le pouvoir est au bout du rouleau. Il est usé jusqu’à la corde. Il ne peut plus rien faire. Il est bloqué : Le livre, la lutte contre l’analphabétisme et maintenant la lutte contre le terrorisme. Il est quand même curieux de constater que les organismes les plus respectables qui s’occupent du suivi du Terrorisme attestent qu’en Mauritanie il n’y a pas de terrorisme et qu’historiquement il est impossible qu’il y en ait au sens qui est maintenant pris en compte par les USA et les autres pays occidentaux, et de voir le régime, dans une fuite en avant sans précédent, remuer ciel et terre et organiser des campagnes anti-terroristes. Il paraît que le représentant diplomatique des USA en Mauritanie considère que ceux que l’on accuse actuellement de terroristes ne le sont pas. Ce qu’il faut craindre c’est que plus on les pousse à bout, plus on encourage leurs sympathisants à envisager l’engrenage terroriste. Tout cela n’est qu’une façade. Le problème c’est la source de la crise. On a un pouvoir personnel de plus en plus isolé et à découvert. Il reste égal à lui-même. Il ne veut pas se perfectionner. Il ne veut pas changer. C’est une situation qui fait que périodiquement il y a éruption du volcan qui bouillonne dans les entrailles de ce pays.

Dans la quête du changement, les forces de l’opposition dont vous faites partie trouvent- elles dans les putschistes et autres groupes radicaux des alliés objectifs ?

IOA : Il faut tenir compte de l’opinion des gens. Concernant les islamistes nous n’avons jamais compris ce qui s’était passé en août 2004. Des doutes ont eu lieu en juin 2003, en août 2004 les choses étaient claires. Des personnes étaient déclarées parmi les organisateurs de la deuxième tentative de putsch : elles n’ont pas été jugées et continuent de déclarer de Bruxelles qu’elles font partie des organisateurs de la tentative de putsch. Tout cela ne se comprend pas. C’est la manière dont le pouvoir juge la situation qui crée la confusion. Nous constatons qu’il n y a jamais d’enquêtes sérieuses sur ce qui se passe ou alors elles sont faites et leurs résultats sont tus. Ce que je peux dire c’est que la crise s’alimente d’elle même. Les éléments du pouvoir créent eux même la crise. Alors pourquoi ? Est-ce pour se maintenir qu’une partie des hommes du pouvoir créent des crises ? Les elements du pouvoir créent eux même les éruptions de crise. Ces éruptions et cette crise se maintiendront tant que le cadre général de répartition des pouvoirs se maintiendra tel qu’il est.


Il y a expressions de la crise qui nous épargnent jusqu’à présent. Nous ne voyons pas d’émeute, de crise handicapante, de grèves. Le gouvernement ne semble pas être acculé…

IOA : Mais les manifestations de la crise sont claires.Vous interrogez n’importe quel citoyen lamba il vous dira qu’il n’y a pas d’Etat. Pourquoi ? Par manque d’Etat .Ici rien ne se fait dans le respect de la réglementation. Les citoyens ont peur du terrorisme d’Etat Ils sont bastonnés dans la rue, emprisonnés à tout bout de champ, leurs biens sont confisqués par les policiers. Les corps principaux de l’Etat comme la Police, la Magistrature et l’Administration Territoriale sont pourris. Ce sont ces corps là qui sont en rapport avec les populations. Il n’y a pas de moyens de protester, les partis n’ont pas les moyens de s’exprimer .On leur interdit les manifestations et les rencontres publiques. C’est à peine si on les autorise à écrire un article ou un communiqué.


 Il n y aurait donc pas d’Etat en Mauritanie ?

IOA : L’Etat actuel va s’écrouler par ses propres agissements. Il se dissolvera. Je ne sais pas quand. Regardez comment les choses se passent. La corruption gangrène tout. Sur le plan économique, comment comprendre qu’un gouvernement avec des institutions apparentes comme l’Assemblée Nationale dont le rôle essentiel est de légiférer et en particulier d’autoriser la loi des finances puisse se permettre de prendre la décision de créer un déficit budgétaire supérieur au montant du budget lui-même ? Un budget de moins de 100 milliards d’ouguiyas en 2003 avec un déficit budgétaire de plus de 128 milliards d’ouguiyas. Un budget d’environ 110 milliards en 2004 avec un déficit budgétaire de plus de 90 milliards d’ouguiyas. Voila une des preuves matérielles du viol de la constitution. Si l’Etat voulait faire apparaître un déficit budgétaire il avait la possibilité de faire apparaître un collectif budgétaire. Mais comment pouvez vous comprendre un déficit budgétaire supérieur au budget lui-même sauf dans un pays comme la Mauritanie et dans un système pareil où il n y a plus de règle. Rien ne se fait selon les règles. Ni la constitution, ni les lois, ni les arrêtés ni les décrets ne sont respectés. Il suffit que le pouvoir personnel décide de manger deux fois le budget pour que cela se fasse.


Ce sont-là des dérapages dangereux…

IOA : C’est extraordinaire la manière avec laquelle l’Etat somalien s’est dissout. Nous avons des similitudes avec la Somalie en termes d’organisation tribale et régionale. S’y ajoute maintenant une nouvelle ressemblance : la manière dont l’Etat se dissout.


Du coté du pouvoir on se veut moins pessimistes : promotion des jeunes, des femmes et des couches défavorisées, lutte contre l’ignorance et les tares sociales dont l’obésité dit-on, et développement des infrastructures de base. On signale dans la même lancée que ce qui n’a pas été fait, le sera avec le pétrole, qu’en dites vous ?

IOA : Je dis que la lutte conte l’analphabétisme c’est du théâtre. C’est l’occasion de l’application du système de corruption généralisée. Des articles signés d’un proche parent du président sont parus dans votre journal. Ces articles sont très clairs la dessus. Il dit clairement ce que chacun sait. Ce qui se passe dans le livre, la lutte contre l’analphabétisme c’est le résultat zéro. Il n y a personne qui ait pu améliorer sa situation à travers ces slogans. C’est une façon d’occuper les gens qui ne mène à rien. Nous connaissons les grandes manifestations de laudateurs qui applaudissent ce qui se fait mais qui ne croient en rien. Pour sortir de la crise et éviter la dissolution de l’Etat il faut avoir le courage de voir en face la réalité. Et le courage n’est pas donné à tout le monde. Le courage c’est de voir comment réorganiser l’Etat mauritanien sur des bases solides qui peuvent respecter la volonté populaire. Tout ce qui se fait présentement constitue un mépris de la volonté populaire. La solution c’est d’organiser une vraie démocratie en établissant les bases d’une démocratie parlementaire. C’est la seule solution valable.


Le Fonadh vient de demander la livraison du Capitaine Ely Ould Dah à la justice française, votre réaction ?
IOA :
Je suis contre la livraison des citoyens mauritaniens Ă  des pays Ă©trangers.


Etes -vous favorable à une libération inconditionnelle du Cheikh Ould Dedow?

IOA : Dans une perspective politique, je suis pour sa libération, celle des autres islamistes et pour la libération de ceux qui ont été jugés à Ouad Naga. Par contre, s’il s’agit d’une affaire de droit commun, je n’ai pas à m’interférer dans un dossier pendant en justice, bien que l’indépendance de la justice dans le système politique actuel soit tout à fait formelle.


Un gouvernement d’union nationale avec à sa tête un Premier ministre issu de l’Opposition constitue-t-il une solution en attendant les législatives d’octobre 2006?

IOA : Les législatives d’octobre 2006 ne constituent pas une perspective de changement. Un tel gouvernement ne pourra rien réaliser de positif sur le plan politique tant que le système politique de concentration des pouvoirs sera maintenu.


 Seriez- vous favorable Ă  une loi sur la rĂ©conciliation nationale ?

IOA : La réconciliation nationale ne se décrète pas. Elle se conquiert : elle ne peut être que le résultat d’une conquête des cœurs et de la raison. Dans le système politique actuel, une telle loi paraît inimaginable. Personne ne peut envisager à cet effet d’avancer au gouvernement un projet de loi ou à l’Assemblée Nationale une proposition de loi. Pouvez-vous imaginer la tête du régime renoncer à la fameuse loi d’amnistie conquise, celle-là, de haute lutte, et basée sur une proposition de loi présentée par un député halpulaar ?


La citoyenneté et le civisme ont-ils l’espoir de supplanter chez nous les réflexes et repères traditionnels ?

IOA : La citoyenneté est une notion abstraite qui couvre un état ou un statut et un ensemble de droits et de devoirs définis par les lois fondamentales du pays. Le civisme est un ensemble d’attitudes et de comportements qui s’acquièrent par l’éducation et dont l’observation est nécessaire pour la sauvegarde des libertés et des biens publics. Leur mise en œuvre sera extrêmement bénéfique pour la lutte contre le tribalisme, le régionalisme, la corruption et pour l’instauration du sens du service public et du respect des libertés.

Propos recueillis par IOMS


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