La Mauritanie d’avant l’indépendance : Les Emirats   
09/02/2006

C’est à partir du XVIIè siècle, qu’apparaissent les émirats de Mauritanie, le Brakna et le Trarza d’abord, au sud; puis, à la suite de la guerre de ’ Charr Baba ’ qui opposa Hassan et berbères de 1664 à 1674 (elle s’est terminée par la défaite des Zwaga).



L’Adrar subit, à son tour, la conquête arabe vers la fin du XVIIè siècle. Il ne devient véritablement émirat qu’en 1859. Le Tagant et le Hodh eurent aussi leurs émirs. Mais en fait, les émirats contribuèrent plutôt à la division du pays. Il ne s’agissait pas de véritables puissances politiques, mais plutôt le rassemblement autour d’un chef charismatique ou d’un clan renommé (cf Cath. Belvaude).

Ce n’est pas par une unification politique sous leur domination des territoires conquis que les Bani Hassan ont marqué leur hégémonie dans la société Maure, mais c’est avant tout par l’unité culturelle, en particulier linguistique (usage de la hassaniya) imposée à leurs sujets et voisins que les descendants de Hassan ont affirmé leur emprise sur l’ensemble du sahara occidental.
Les émirats qui se mettent progressivement en place à partir de la seconde moitié du XVIIè siècle, n’ont eux-mêmes jamais administré qu’une partie des Bidan. Fautes de données historiques irrécusables, on doit envisager l’installation des tribus Bani Hassan dans l’espace Mauritanien actuel, non point comme une invasion massive, brutale et homogène; mais comme une lente dérive ponctuée d’avance et de reflux, de guerres intestines et d’alliances avec les groupes qui les ont précédés.
L’émergence des quatre émirats de Mauritanie n’est pas concordante, leur apparition chronologique est assez indéterminée. Leur histoire débute généralement avec l’apparition d’un personnage charismatique influent, regroupant, de façon évènementielle, plusieurs tribus qu’il dote d’une existence (entité) et d’une unité politique autonome.
Ceci nous amène à présenter de façon séparée le canevas des principaux évènements politiques qui ont marqués l’évolution de certaines des plus importantes formations tribales de Mauritanie, ébauches d’une organisation étatique.
Hors chronologie, sur le plan géographique, la situation des émirats est la suivante:
1) TRARZA: région sud-ouest (Nouakchott)
2) BRAKNA: région bordant le fleuve Sénégal
3) ADRAR: région de l’Adrar
4) TAGANT: région du Tagant

1) L’émergence de l’émirat des Trarza résulte d’une succession de fissions dans la descendance de Magvar, fils d’Udaÿ, fils de Hassan. La première figure émirale des Trarza, celle en tout cas d’un chef de tribu jouissant d’un prestige et d’un pouvoir significatifs, est celle de Ahmed B. Daman qui est interveu victorieusement à la bataille de In Titam en 1630, aux côtés des troupes de Sidi Brahim Lirusi contre Liktaÿbat (faction des Awlad Rizg)
L’espace territorial, aux limites d’ailleurs assez floues, que recouvrait cette appellation regroupait un ensemble de tribus qui n’étaient pas toutes concernées au même degré ni de la même façon par le pouvoir émiral. Au sens strict, l’appellation ’at Trarza’ ne concernait que les tribus guerrières de l’émirat. Mais cet espace incluait aussi des groupes tributaires et des tribus maraboutiques.
Il n’y a que peu à retenir des deux premiers siècles de cet émirat, hormis les innombrables luttes intestines et razzia diverses. Le XIX è siècle marquera l’affrontement contre les troupes françaises. Les Trarza allaient en effet se heurter à l’énergique représentant de la nouvelle politique française, le général Faidherbe. Celui-ci obtiendra le 20 mai 1858, un traité qui va accroître considérablement la dépendance de l’émir à l’égard de Saint-Louis. De nouveax traités en 1877, 79 et 80, accroîtront encore cette dépendance.
2) L’émirat des Brakna résulte du même processus de fission et de fusion. Le premier des émirs Brakna est Mhammad w. Abdallah, qui fut célèbre pour son équité et sa bienveillance. Il vécut au XIXè siècle. Là aussi, les deux siècles qui suivirent furent jalonnés de luttes internes innombrables et incessantes. L’émir du Brakna signe, avec l’émir du Trarza, la paix avec les français en 1858. Le dernier émir véritable Ahmaddu II, sera contraint à l’exil lorsque le Brakna sera occupé en 1903.
3) L’émirat de l’Adrar apparaît doté d’une existence et d’une unité politique autonomes autour de deux lignages de la descendance de Ammani w. Agchar, au début du XVIIIè siècle. Il est généralement appelé par les bidan " émirat d’Ahya min Utman " nom qui regroupe l’ensemble des tribus Hassan de l’émirat. La tribu guerrière la plus nombreuse de L’émirat, celle que l’on retrouvera souvent au centre de jeu factionnel qui dérègle les successions émirales, est celle des Awlad Gaÿlan.
L’Adrar avait aussi, bien sûr, ses tribus et ses personnalités maraboutiques (Idawali, Idawalhaj, as Smacid, Kunta, Ahel as Shayh, Mohamed Fadel...) centrées sur les oasis où elles pratiquaient des activités éducatives, commerciales, agricoles.
Là aussi, les dissensions internes, les jeux factionnels accentués encore par les rivalités entre factions guerrières doublées de l’influence de personnalités religieuses recoupent les clivages tribaux. C’est une forêt d’évènements, de batailles et d’attentats qui s’ouvre dans un environnement lourd de menace pour les gens de l’Adrar; au sud, l’occupation coloniale était imminente; au nord, la puissance ascendante des tribus du as Sahel, ar Regaïbat et Awlad Bisba - les premières à s’être dotées massivement de fusils à tir rapide (’warwar’) n’allaient pas tarder à s’affirmer à leurs détriments dans des affrontements particulièrement meurtriers.
Ce qui reste de réalité du pouvoir émiral est en fait exercé par Ahmed I. W. al Muftar, qui meurt en 1903 dans un combat livré aux Awlad Bissba. L’autorité émirale passa alors à Sid Ahmed ., que la colonne Gouraud, qui occupe l’Adrar en 1909, au nom de la France, trouve à la tête de l’émirat.
4) L’émirat des Idawis, centré sur la région du Taganit (Tagant), se consolide progressivement à partir de la seconde moitié du XVIIIè siècle. Il s’est constitué autour d’un noyau tribal que les généalogistes bidan rattachent à une ascendance Sanhajienne, celle des Lamtuna.
Les principales étapes de l’histoire politique de cet émirat débutent par une réalité attestée par les chroniqueurs Maures, l’affaiblissement considérable de l’ensemble des populations Sanhaja, face à l’agressivité conquérante des Bani Hassan à partir des XVIè-XVIIè siècles. Cependant, les Idawis sont les seuls à avoir victorieusement tenu tête aux nouveaux venus; constituant même, à partir de la seconde moitié du XVIIIè siècle, un émirat sur le modèle des formations analogues établies par les Bani Hassan dans les régions qui portent les noms de Trarza, Brakna, Adrar.
La généalogie des émirs du Taganit est assez complexe. Elle se rattache à Mhammed Min Huna. Lui-même serait descendant de Yahya B. Umar.
Le XIXè siècle n’est que luttes entre Idawali et Hassan, vendetta, rivalités internes, conflits de succession, armés... Pourtant le traité de Faidherbe en 1858, renforçait les revenus et le prestige d’un émir qui exerçait sa suzeraineté sur une large partie des débouchés intérieurs du haut fleuve Sénégal. Les dernières batailles de l’émir de Brakna quasi centenaire, furent livrées aux troupes coloniales françaises du capitaine Frèrejean. Le vieil émir y trouva la mort, les armes à la main, au matin du 1er avril 1905.
C’est bien l’installation des tribus Bani Hassan, dont l’hégémonie, largement affirmée à partir de la seconde moitié du XVIIè siècle, qui a donné à la société Maure le visage politique et culturel qu’elle gardait encore quasi intact jusque dans les années 1950.
Jean FINORE
(A suivre, prochainement les Européens et la Mauritanie)


Toute reprise totale où partielle de cet article doit inclure la source : www.journaltahalil.com
Commentaires
moed
diamoed86@hotmail.fr
2010-06-13 00:21:44

intressé par cet article mais en mauritanie y avait aussi des emirats negro mauritaniens comme l emirat de fouta torro les souleymani ball les abdel kader kane ect

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